Déclaration de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur la coordination des politiques économiques des Etats membres de la future zone euro, les effets de l'introduction de l'euro sur les marchés financiers internationaux et la crise financière en Asie du sud-est, New York le 11 novembre 1997.

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Circonstance : Intervention devant le "Council on Foreign relations" sur le thème : "Les défis actuels pour l'Europe et l'économie mondiale" à New York le 11 novembre 1997

Texte intégral

C'est avec un grand plaisir que je me trouve parmi vous ce matin, car c'est un privilège d'avoir l'occasion de m'adresser à un auditoire aussi choisi. Je tiens à exprimer toute ma gratitude au Council on Foreign Relations pour son invitation, ainsi qu'à celui qui a eu la gentillesse de présider à cette rencontre, William Mac Donough, par ailleurs le représentant d'une institution pour laquelle j'ai beaucoup d'admiration .
Je voudrai articuler mes remarques introductives autour de trois points essentiels. D'abord, une présentation de notre vision du fonctionnement de l'Union économique et monétaire, particulièrement en ce qui concerne la nouvelle concertation politique qui devra probablement se mettre en place dans la zone euro. Ensuite, je vous livrerai quelques réflexions sur les implications internationales de l'introduction de l'euro. Enfin, je vous dirai quelques mots sur les récents événements qui ont secoué l'Asie.
1 - Notre vision de l'euro
Il y a un an et même seulement quelques mois, j'aurais commencé cet exposé par un plaidoyer en faveur de l'union monétaire européenne, et j'aurais tenté de vous convaincre qu'elle aura lieu. J'ai le sentiment que cela n'est plus aujourd'hui nécessaire. Même sur ce continent, qui demeura longtemps sceptique à ce sujet, c'est aujourd'hui la conviction du plus grand nombre que le calendrier de l'UEM sera respecté. Bien que ce ne soit pas le lieu pour des déclarations d'auto-satisfaction, j'aimerais souligner que c'est l'un des succès du gouvernement auquel j'appartiens que d'avoir dissipé les doutes qui étaient courants, il y a quelques mois encore.
Il est naturel que comme les interrogations sur l'éventualité de l'euro se sont tues, l'essentiel des débats se recentre sur le fonctionnement de l'Union économique et monétaire, et sur ses implications au niveau national comme international. Je saisis donc cette occasion pour vous préciser notre position en la matière et l'état des discussions au sein de l'Union européenne.
Le traité de Maastricht établit de façon très détaillée le cadre de fonctionnement de la zone euro. Les éléments essentiels - banque centrale indépendante, primauté de la stabilité des prix, autonomie des politiques budgétaires nationales, prévention des "déficits excessifs" - sont bien connus et acceptés à travers toute l'Europe. La volonté des États membres à se conformer à ces disciplines, en accord avec le cadre général de la politique économique, a été mis en évidence par le niveau remarquable de convergence déjà atteint en Europe. Cette convergence a certainement dépassé les attentes de beaucoup d'observateurs extérieurs - dont peut-être certains d'entre vous. Si cette convergence fut parfois difficile, les coûts à court terme sont désormais derrière nous, et nous nous réjouissons d'avance d'en récolter les bénéfices de long terme. Ainsi, je comparerai l'Union économique et monétaire à un investissement ; je dirai même plus, à un bon investissement.
Comme vous le devez le savoir, le Gouvernement français a formulé quelques propositions pour améliorer le fonctionnement de la zone euro. La logique qui y préside peut se comprendre facilement au regard de la réalité américaine : comme nous n'aurons ni gouvernement ou budget fédéral, nous nous devons d'établir une étroite coordination entre les États membres. Cette idée fut à l'origine présentée sous l'appellation de "gouvernement économique", mais certains de nos amis européens ont tendance à croire qu'un Français qui dit gouvernement pense centralisme. Nous avons donc préféré le rebaptiser "pôle économique" de la zone euro. En termes concrets, ce que nous avons à l'esprit est un cadre permanent de concertation grâce auquel les ministres des finances de la zone euro pourront échanger leurs points de vue, suivre ensemble la situation économique et financière de la région, discuter des ajustements souhaitables, se concerter avec la banque centrale, et à l'occasion faire des déclarations communes. Nous sommes tout près d'obtenir un accord sur cette idée de "pôle économique". Ce nouveau lieu de discussion pourrait - sur le modèle du G7 - prendre le nom de Ex, le x désignant le nombre de pays participants.
Il est évident que le but du Ex n'est pas de contrôler la banque centrale, et je dirai même plus, il est fort possible qu'il participe au renforcement de son indépendance. En effet, en l'absence d'une telle organisation légitime de nature politique, la Banque centrale européenne pourrait facilement être considérée par l'opinion publique comme responsable de la politique macro-économique, parce qu'elle serait en fait la seule institution européenne prenant au quotidien des décisions discrétionnaires. (La plupart des décisions européennes ont un caractère législatif ou du moins réglementaire). En l'absence d'un pôle économique, les citoyens de la zone euro seraient tentés de rendre la Banque centrale comptable de la croissance, de l'emploi, ou du chômage, alors que sa fonction est de se concentrer sur un objectif plus restreint : la stabilité des prix. L'écart entre le mandat légal de la Banque et la façon dont le public le percevrait limiterait au final sa marge de manoeuvre. C'est pourquoi, mettre l'accent sur la responsabilité collective des ministres de l'économie et des finances de la zone euro ne peut en fait que protéger la BCE de pressions infondées de l'opinion publique.
Mon sentiment est que les Américains comprennent aisément cette forme de philosophie politique, parce qu'elle repose sur des concepts qui leur sont familiers. Après tout, ce que nous recherchons n'est autre qu'un système politique dans lequel puisse s'établir un équilibre entre l'institution responsable de la stabilité des prix et celles en charge des politiques structurelles et budgétaires.
2 - Les implications internationales de l'UEM et le rôle de l'Europe dans l'économie mondiale
Voyons à présent les implications internationales de l'UEM et plus généralement le rôle de l'Europe dans l'économie mondiale. Ces thèmes sont de plus en plus fréquemment abordés en Europe, aux États-Unis et dans le reste du monde ; et, en effet, il y a matière à discussion. Durant les dix dernières années, une part importante de l'élan politique de l'Europe a été consacrée à la construction de l'union monétaire et aux conséquences de l'extraordinaire suite d'événements touchant l'ancien bloc de l'Est ; et nos amis américains ont pu avoir l'impression que nous nous refermions sur nous-mêmes. Mais une Europe uniquement préoccupée de ses affaires intérieures ne serait ni fidèle à son héritage ni soucieuse de ses intérêts économiques. L'Europe est, par tradition comme par nature, un acteur mondial, et avec l'achèvement de l'UEM cette vocation ne peut que s'affirmer davantage. Je sais que les Américains ont parfois regretté que notre attention soit trop monopolisée par nos affaires intérieures, c'est pourquoi j'imagine qu'ils accueilleront cette évolution avec satisfaction.
Beaucoup d'interrogations, sinon de spéculations, se sont exprimées quant à l'effet de l'introduction de l'euro sur les marchés financiers. Tout un chacun peut faire des paris - à l'exception peut-être des ministres des finances -, mais personne ne peut prévoir avec certitude quel sera le comportement de l'euro. Néanmoins, quelques faits méritent notre attention :
*l'économie mondiale se diversifie de plus en plus, et l'arrivée de nouveaux venus a pour effet de réduire le poids relatif des puissances économiques traditionnelles ; la prééminence américaine dans l'économie mondiale reste incontestée, mais l'écart entre le rôle joué par le dollar américain dans les transactions internationales et la taille relative de l'économie des États-Unis se creuse ;
*L'euro s'appuiera sur une économie de taille importante, prospère et de plus en plus intégrée qui est considérée comme un partenaire commercial privilégié sur tous les continents ; bien que l'économie de l'Europe de l'Ouest ne soit pas parmi celles qui connaissent la croissance la plus rapide, certains de ses voisins de l'Est appartiennent, eux, au groupe dynamique des pays émergents ;
*l'euro sera géré par une banque dont l'indépendance est garantie par un traité, et dont l'objectif primordial sera de préserver la valeur de cette monnaie ;
En s'appuyant sur ces faits, nous pouvons en déduire que l'euro a de fortes chances de devenir une monnaie à stature internationale. Je n'envisage pas, et d'ailleurs ne le souhaite pas, que ce dernier remplace le dollar. Mais je pense qu'il y a place dans le monde d'aujourd'hui pour plus d'une monnaie internationale, et ainsi que Larry Summers le soulignait récemment, je suis persuadé que la réalisation de l'euro ne sera pas seulement bénéfique pour l'Europe mais également pour le reste du monde. Il est de l'intérêt de tous que les accords monétaires reflètent la réalité de l'économie mondiale. Dans la mesure où l'Europe s'achemine vers une plus grande intégration, l'union monétaire en devient le prolongement naturel.
Quelle que soit la force de l'attachement de l'Europe à une monnaie stable, nous ne pouvons deviner aujourd'hui quelle sera la réponse initiale du marché à l'introduction d'une nouvelle monnaie. Voici les questions le plus souvent posées :
*La crédibilité de la BCE s'imposera-t-elle dès le début au marché ?
*La demande d'euros de la part des détenteurs d'actifs à travers le monde déclenchera-t-elle une appréciation de la nouvelle devise à partir du moment où sa qualité en tant que réserve de valeur sera démontrée ?
*L'introduction de l'euro augmentera-t-elle ou non la volatilité des taux de change entre l'Europe et les États-Unis ?
Personne ne peut répondre de façon définitive à ces questions. Les universitaires peuvent certes se lancer dans des spéculations mais tel n'est pas mon rôle. En revanche, je voudrais insister sur les conclusions à tirer de ces incertitudes. La principale est pour moi qu'on ne peut se contenter de miser sur la stabilité interne de l'euro pour assurer mécaniquement sa stabilité extérieure. C'est la raison pour laquelle l'UEM doit être capable de suivre les évolutions des taux de change, et si nécessaire de réagir en coopération avec nos partenaires du G7.
Ainsi que vous le savez peut-être, la responsabilité du taux de change sera partagée entre la BCE et le Conseil européen. Les mécanismes décisionnels explicités en détail dans le traité de Maastricht, prévoient que le Conseil définit les "orientations générales", dont l'application est assurée par la banque centrale, à condition que celles-ci ne s'opposent pas à la stabilité des prix. Je pense que cette disposition est tout à fait naturelle : dans pratiquement tous les pays en régime de change flexible, les gouvernements suivent régulièrement l'évolution du taux de change, trouvent tout à fait justifié de parler aux marchés à des moments spécifiques, particulièrement lorsque le taux de change s'éloigne de façon significative de ce qui est considéré comme le niveau correspondant aux fondamentaux économiques, et ajustent leur politique macro-économique nationale pour répondre aux évolutions du taux de change. Je pense que le Ex devrait être capable de faire la même chose tout en restant prenant soin de ne pas entrer en conflit avec l'objectif de stabilité des prix de la BCE.
Tout le monde se souvient de l'humour incisif de Henry Kissinger à propos du numéro de téléphone de l'Europe. Ce que nous voulons faire est précisément de doter l'Europe d'un éventail complet d'institutions correspondant à ses ambitions économiques et monétaires. Cela nous conduira probablement à renforcer notre coopération avec les autorités américaines sur l'ensemble des questions économiques, monétaires et financières débattues au sein du G7, et j'ai le sentiment qu'un cercle vertueux devrait naître de l'intégration monétaire européenne et de la coordination économique internationale. Jusqu'où ceci nous conduira-t-il ? Là encore, je me garderais bien de faire des prévisions, mais je ne peux m'empêcher de penser que la logique de l'intégration monétaire amènera les Européens à s'exprimer plus souvent d'une même voix sur les grandes questions économiques internationales.
3 - Quelques enseignements des crises asiatiques
La France est souvent perçue comme un pays réticent à accepter la réalité de la mondialisation. Ceci ne constitue pas une vision exacte de notre attitude, et je voudrais illustrer notre approche des défis mondiaux actuels par l'exemple des crises asiatiques.
Les crises financières et de change en Asie peuvent en effet être considérées comme un test pour démontrer notre capacité à gérer ensemble les effets de la mondialisation de l'économie. Les pays émergents de la région sont des partenaires commerciaux et financiers de première importance à la fois pour l'Europe et les États-Unis, et nous avons le même intérêt à résoudre ces crises rapidement. Comme l'a montré le processus de l'ASEM, l'Europe et l'Asie sont tout à fait conscients de leur interdépendance et sont désireux de développer leur coopération, que ce soit en période de calme ou en période de crise. C'est la raison pour laquelle l'Europe, en coopération avec le FMI, a participé aux plans de soutien de la Thaïlande et de l'Indonésie. Nous partageons également l'inquiétude des Américains quant aux répercussions de la crise sur l'économie japonaise, qui est bien sûr directement touchée par la tourmente asiatique, au moment même où sa reprise reposait largement sur la demande extérieure. Finalement, alors que la crise touche un grand nombre de pays et prend d'une certaine manière une dimension globale, il est de la responsabilité de la communauté internationale, en particulier du G7 et du FMI, de surveiller l'évolution de la situation, de proposer les mesures qui s'imposent et, lorsque c'est nécessaire, d'apporter son aide.
Je ne détaillerai pas plus avant mon analyse des événements en Asie. Laissez-moi seulement vous dire que je fais mienne l'idée que la tourmente actuelle est née d'une combinaison de déséquilibres excessifs des comptes courants liée à une gestion rigide des taux de changes, de structures financières fragiles, d'une carence du contrôle bancaire ainsi que, parfois, d'une réponse tardive ou inadéquate des politiques économiques à une situation en train de se détériorer. Le point crucial est que la croissance que connaissaient ces pays n'était pas soutenable à terme et, comme c'est souvent le cas, beaucoup de gens n'ont pas voulu le reconnaître. Comme vous le savez, nous avons, en France, tendance à penser que les marchés peuvent parfois s'écarter des fondamentaux d'une manière excessive. Cela est vrai pour le marché des changes comme pour les marchés financiers, et lorsque les fondamentaux exigent une correction, il ne faut pas s'y opposer.
Dans une économie mondialisée, des corrections régionales peuvent néanmoins produire à l'extérieur des effets indésirables, et c'est pourquoi nous avons besoin d'une gestion et d'un contrôle attentifs. L'économie mondiale est un mécanisme délicat que nous devons, ensemble, apprendre à gérer et à réparer, chaque fois qu'un accident se produit. La crise mexicaine avait conduit aux décisions du sommet du G7 à Halifax, qui avaient donné l'élan nécessaire à une adaptation du rôle du FMI. Nous devons, de la même manière, tirer les enseignements de la récente crise asiatique. Permettez-moi d'en mentionner trois.
1 - La stabilité financière internationale doit être préservée. Celle-ci ne doit pas être réputée acquise, tant au plan national qu'international, comme elle a un caractère de bien public elle repose sur le comportement de chacun des acteurs. Cela requiert d'abord des participants aux marchés qu'ils soient capables d'évaluer les risques et, par conséquent, que les organisations internationales reçoivent et, lorsque c'est nécessaire, publient des informations complètes et actualisées sur la situation de pays particuliers ainsi que sur différents marchés. Cela implique également un renforcement des mécanismes prudentiels, en particulier dans les pays émergents, le développement d'indicateurs d'alerte, et la coordination entre les différents niveaux d'autorité. Les secousses font partie de la vie. Mais la capacité du système financier international à résister à ces secousses repose sur l'efficacité de son mode de fonctionnement. En collaboration avec les participants des différents marchés, les pouvoirs publics ont la responsabilité collective d'assurer cette efficacité.
2 - Nous avons besoin d'institutions internationales efficaces. C'est tout d'abord le rôle du FMI d'apporter une réponse à des problèmes tels que ceux que nous connaissons en Asie, et il doit disposer des moyens de faire face aux défis actuels. Comme vous le savez, la France a soutenu récemment le renforcement de la capacité du FMI pour mener à bien la libéralisation des comptes de capitaux et faire face aux situations de détresse financière : je salue la décision que nous avons prise pour accroître de manière significative les ressources financières du Fonds et pour étendre ses compétences à la libéralisation ordonnée des mouvements de capitaux.
3 - Troisièmement, nous devons encourager des politiques de taux de changes réalistes. Dans ma bouche, " réalistes " ne veux, bien sûr, pas dire flottants. Je comprend parfaitement ces pays qui ne se satisfont pas de régimes de taux de changes flottants et qui cherchent à établir un mode d'ancrage stable avec l'extérieur : la France a choisi cette stratégie il y a bien des années et cela nous a conduit à l'UEM. Le choix de Honk Kong, par exemple, de lier sa monnaie au dollar, repose sur un raisonnement fort. Mais je pense qu'il doit y avoir une cohérence totale entre, d'un côté, les politiques structurelles et macro-économiques nationales, et de l'autre, le choix d'un régime de taux de change, et je voudrais aussi souligner la possibilité d'une coopération régionale. Comme le montre ce qu'on appelle l'effet "dominos", les marchés considèrent les taux de change comme étant interdépendants lorsque les économies sont elles-mêmes interdépendantes, et les gouvernements doivent pleinement reconnaître cette réalité. L'interdépendance économique est comme la géographie : vous ne pouvez pas la nier, vous devez en revanche savoir en tirer avantage.
4 - Conclusion
Quelques mots pour conclure. Au cours de cette intervention, j'ai abordé les problèmes régionaux, bilatéraux et internationaux. Je ne pense pas qu'il y ait de contradiction entre ce que j'ai dit sur l'intégration européenne et ce que j'ai dit sur des problèmes internationaux. Je tenais à préciser cela car il y a beaucoup de débats sur l'alternative entre régionalisation et mondialisation. Certains continuent de penser qu'il faudrait choisir entre les deux. Je considère cette vision simpliste comme totalement erronée. Des groupements régionaux tels l'UE sont des constructions naturelles qui permettent le bon fonctionnement d'une économie mondiale intégrée. Les pays de certaines régions peuvent choisir d'imiter cet exemple. Dans d'autres régions, histoire et politique empêchent le développement de coopérations régionales, et les pays choisissent alors de participer à l'économie mondiale sur une base individuelle. Mon opinion est que l'économie mondiale est tout à fait capable de s'accommoder de ces différences d'approche. En tout cas, je souhaite vous avoir convaincu que la France considère la construction européenne comme participant d'un processus d'intégration dans l'économie mondiale, et que l'Europe se considère elle-même comme un partenaire économique et financier à part entière pour toutes les autres régions du monde.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 1 août 2002)