Texte intégral
Jean-Pierre ELKABBACH
La France tire la première des leçons du Kosovo, alors que dans les Balkans on en est encore au milieu du gué. Alain RICHARD bonjour.
Alain RICHARD
Bonjour.
Jean-Pierre ELKABBACH
Les serbes tuent avec les mines qu'ils ont laissées au Kosovo. Alors, ce n'est pas tout à fait fini ?
Alain RICHARD
Non. Nous avons encore plusieurs semaines d'affrontements et d'incidents de diverses sortes. Le moment où la force internationale de sécurité établira son contrôle et assurera la sécurité sur l'ensemble du Kosovo, est encore assez distant. D'ici là, nous aurons des drames, il est vrai.
Jean-Pierre ELKABBACH
L'OTAN a eu hier ses deux premiers morts, deux soldats britanniques. Recommandez-vous la prudence aux soldats français et aux soldats de l'OTAN ?
Alain RICHARD
Oui. Toutes les consignes de sécurité sont données. La pénétration de la brigade française l'a montré. Notre souci est plutôt du côté de la population civile. Les réfugiés sont évidemment tentés de rentrer vite et de façon improvisée. Certaines personnes vont prendre place autour de leur village pour chercher des endroits où ils peuvent reprendre les cultures. Ces personnes là courent des risques importants.
Jean-Pierre ELKABBACH
Il est choquant de voir que l'UCK garde ses armes légères. On parle entre autre de démilitarisation pour les armes lourdes. L'OTAN a t-elle fait la guerre pour ces messieurs de l'UCK ?
Alain RICHARD
Assurément pas. Jour après jour, la même forme de dialogue est toujours en marche. Les journalistes nous interpellent naturellement en fonction d'une vision instantanée. Nous pouvons leur dire d'attendre 5 jours, 10 jours, afin que les choses évoluent. Tout le monde " a un flingue ". Désarmer complètement les gens de l'UCK ferait d'eux les seuls désarmés du Kosovo. L'impératif est qu'ils n'aient plus la possibilité de se comporter comme une force armée. Nous y parviendront dans les jours qui viennent.
Jean-Pierre ELKABBACH
Demandez-vous, monsieur RICHARD, comme messieurs CLINTON, BLAIR, SOLANA et CHIRAC, que MILOSEVIC soit renversé chez lui ?
Alain RICHARD
Je n'ai pas à prendre position là dessus. Le rétablissement de la sécurité au Kosovo est l'un des buts de l'action militaire. Le problème de MILOSEVIC doit être, à court terme, la décision de la population serbe...
Jean-Pierre ELKABBACH
... Mais il est l'auteur d'une guerre de 10 ans...
Alain RICHARD
... à court terme, la décision de la population serbe et à moyen terme la décision du tribunal international. L'avis des puissances extérieures risque d'établir une règle du jeu qui n'est pas la bonne dans les relations internationales.
Jean-Pierre ELKABBACH
C'est un peu ce que l'OTAN a commencé à faire ou encore la Communauté internationale...
Alain RICHARD
Non, ce n'est pas exact.
Jean-Pierre ELKABBACH
Vous mettez en situation le départ du dictateur.
Alain RICHARD
Non. L'emploi de la force est quelque chose de concret. Nous avons exclu l'emploi de la force au profit désormais de l'aide économique, compte tenu de ce qu'a été la gestion de ce pouvoir depuis 10 ans. Nous pouvons en effet conditionner l'aide économique à une gestion correcte et à un minimum de démocratie.
Jean-Pierre ELKABBACH
Vous venez d'organiser un séminaire-débat ouvert aux civils, intellectuels et industriels de la défense pour lancer une réflexion critique. Elle va durer quelques mois afin de tirer les premiers enseignements du conflit du Kosovo. Puis-je vous demander quel a été ou quel sera en 99, le coût de la guerre du Kosovo ?
Alain RICHARD
Les opérations aériennes et la mise en place d'une force préliminaire au début de l'année, coûtent à peu de choses près, un milliard. Notre participation à la force internationale équivaudra vraisemblablement à environ 3 milliards d'ici la fin de l'année.
Jean-Pierre ELKABBACH
C'est-à-dire combien par an pour le Kosovo ?
Alain RICHARD
Si cela devait durer une année complète, étant donné les effectifs actuels, ce serait estimé à 4, voire 4,5 milliards. Mais l'on peut espérer, après une phase de crise, à l'exemple de la Bosnie, que les forces présentes sur le terrain soient moins nombreuses.
Jean-Pierre ELKABBACH
Dominique STRAUSS-KAHN, devrait par solidarité, mettre la main à la poche pour le Kosovo. Nous aussi par là même ?
Alain RICHARD
Oui. Nous avons 190 milliards de budget de la Défense pour pouvoir être prêts à toute éventualité. Dans un cas comme celui-là, toutes nos valeurs et tous nos principes sont en jeu. Décider de ne pas s'en servir, c'est rendre inutiles ces 190 milliards.
Jean-Pierre ELKABBACH
La démocratie n'a pas de prix ?
Alain RICHARD
Un certain nombre de nos principes essentiels du moins. Les Français ont bien fait de soutenir cette action.
Jean-Pierre ELKABBACH
L'une des premières leçons est que nous avions pour certains corps, certaines armes, une armée professionnelle. Est-ce que cela marche en temps de crise ?
Alain RICHARD
Oui. C'est même ce qui marche le mieux. La capacité de réagir très vite, de s'adapter à des situations, de transférer des effectifs d'un lieu à l'autre, est accessible par une armée professionnelle. Nous sommes à mi-chemin de cette professionnalisation pour l'ensemble des armées.
Jean-Pierre ELKABBACH
L'armée de terre surtout ?
Alain RICHARD
L'armée de terre a remplacé beaucoup d'appelés par des professionnels. Ce mouvement nous donne satisfaction. Le sentiment de solidarité des Français à l'égard de leurs soldats, n'a pas changé.
Jean-Pierre ELKABBACH
Quelles armes ont pris du galon pendant cette guerre et méritent d'être développées ?
Alain RICHARD
Les ordinateurs. La capacité de coordonner, de transférer l'information, d'avoir un tableau de bord complet de ce qui se passe, s'est révélée essentielle. Cela manque collectivement aux Européens. L'OTAN a été principalement sous impulsion américaine pendant cette campagne aérienne. Quant aux capacités de frappes précises, nous possédons déjà des matériels très utiles. Mais nous avons encore à développer ce que l'on appelle les missiles de croisière, capables de partir à plusieurs centaines de kilomètres, que nous aurons dans deux ans.
Jean-Pierre ELKABBACH
Ce sont des missiles qui tireront de plus en plus précisément : à un mètre près plus exactement ?
Alain RICHARD
La précision espérée est effectivement d'un mètre afin d'éviter tout tir par erreur.
Jean-Pierre ELKABBACH
Vous avez insisté au cours de ce colloque sur la priorité absolue du renseignement. Pourquoi ?
Alain RICHARD
Décider de toucher 500 cibles ou 500 objectifs clefs dans un pays donné, la Serbie en l'occurrence, exige un repérage préalable. Ce repérage ne peut s'effectuer le jour d'entrée en conflit. Certaines erreurs d'identification de cible ont été commises comme c'est le cas pour l'ambassade de Chine. Pour obtenir ce résultat de précision, des années de renseignements préalables sont nécessaires.
Jean-Pierre ELKABBACH
Vous disposez pour cela de satellites dans l'espace, mais aussi les drônes.
Alain RICHARD
Ce sont des petits avions sans pilotes.
Jean-Pierre ELKABBACH
Allez-vous les développer, en acheter, en fabriquer ?
Alain RICHARD
Oui. Pour gagner en précision et en fiabilité, nous disposons également de l'écoute militaire et du renseignement humain.
Jean-Pierre ELKABBACH
Les armées de l'OTAN avaient des agents secrets au sol ?
Alain RICHARD
Ce n'étaient pas forcément des membres des armées. Nous avions un minimum d'hommes de nos services, à la fois en Serbie et au Kosovo.
Jean-Pierre ELKABBACH
La France aussi ?
Alain RICHARD
Oui.
Jean-Pierre ELKABBACH
Et en civil ?
Alain RICHARD
Oui, des non-militaires.
Jean-Pierre ELKABBACH
La France a t-elle progressé depuis la guerre du Golfe ?
Alain RICHARD
Nous avons justement progressé sur les ordinateurs, c'est-à-dire sur la capacité de " commandement en synthèse ", consistant à piloter tout un champ de bataille. Nous avons progressé sur la précision de nos armes. Cela tient peut-être à notre place un peu originale par rapport à l'OTAN. Nous avons souhaité garder notre indépendance : nous sommes plus réactifs. Nous savons nous adapter plus vite. Alors que la France n'est pas membre de l'organisation militaire de l'Alliance, elle a eu de loin la participation européenne la plus importante dans une campagne déclenchée rapidement.
Jean-Pierre ELKABBACH
L'économie et les technologies nouvelles vont vers la mondialisation. La Défense ne va t-elle pas aussi connaître une mondialisation dont les inspirateurs et les chefs opérationnels proviendront de l'unique puissance planétaire, l'Amérique ?
Alain RICHARD
Tout le travail que nous faisons, consiste justement à associer plusieurs pôles, dont un pôle européen. Ce dernier a non seulement les capacités technologiques et économiques pour être dans la compétition, mais porte dans son action politique et éventuellement militaire, des valeurs et des principes qui ne sont pas tout à fait ceux des Etats-Unis.
Jean-Pierre ELKABBACH
Pendant le conflit, qu'avez-vous caché ou tu, qu'aujourd'hui vous pouvez révéler ?
Alain RICHARD
Rien.
Jean-Pierre ELKABBACH
Rien ? Cherchez bien.
Alain RICHARD
Ce que j'avais des raisons de ne pas dire il y a un mois et demi, j'ai les mêmes raisons de ne pas le dire aujourd'hui.
Jean-Pierre ELKABBACH
Kofi ANNAN va nommer l'administrateur civil de l'ONU au Kosovo. Les favoris sont : l'italienne Emma BONINO et le français Bernard KOUCHNER. Est-ce un bon candidat KOUCHNER ? Le soutenez-vous ?
Alain RICHARD
Il ne semble pas qu'il ait fait acte de candidature. Il fait un travail formidable comme ministre de la Santé et nous voulons le garder. Mais enfin c'est son appréciation.
Du côté des forces armées, nous sommes pressés que cette présence civile d'organisation soit en place, afin de permettre à tous les Kosovars de vivre en paix dans leur province. Nous avons par conséquent besoin d'une autorité civile. Il faut qu'elle soit en place.
Jean-Pierre ELKABBACH
Sur un autre sujet. Une commission d'enquête sur la Corse tient discussion au Parlement. Allez-vous intervenir ? Les gendarmes vont-ils continuer à faire des coups de ce genre ? Avez-vous un moyen de les contrôler ou échappent-ils au ministre ?
Alain RICHARD
Non. Un petit nombre de gendarmes ont commis un manquement à leurs règles, une faute, enfin une infraction pénale grave. Notre travail est de vérifier que le système de contrôle hiérarchique et d'inspection permet de prévenir ou de déceler, autant qu'il est possible, des intentions de ce type au sein d'un corps de 95 000 hommes. Il en sera question avec les parlementaires. Le sentiment de confiance à l'égard des institutions, de la population envers la gendarmerie et son respect de la loi, reste entier.
Jean-Pierre ELKABBACH
Jurez-vous que cela ne se reproduira plus ?
Alain RICHARD
L'état d'esprit qui est celui des gendarmes nous prémunit d'abord contre le risque d'aberration.
Jean-Pierre ELKABBACH
Bonne journée.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 05 juillet 1999)
La France tire la première des leçons du Kosovo, alors que dans les Balkans on en est encore au milieu du gué. Alain RICHARD bonjour.
Alain RICHARD
Bonjour.
Jean-Pierre ELKABBACH
Les serbes tuent avec les mines qu'ils ont laissées au Kosovo. Alors, ce n'est pas tout à fait fini ?
Alain RICHARD
Non. Nous avons encore plusieurs semaines d'affrontements et d'incidents de diverses sortes. Le moment où la force internationale de sécurité établira son contrôle et assurera la sécurité sur l'ensemble du Kosovo, est encore assez distant. D'ici là, nous aurons des drames, il est vrai.
Jean-Pierre ELKABBACH
L'OTAN a eu hier ses deux premiers morts, deux soldats britanniques. Recommandez-vous la prudence aux soldats français et aux soldats de l'OTAN ?
Alain RICHARD
Oui. Toutes les consignes de sécurité sont données. La pénétration de la brigade française l'a montré. Notre souci est plutôt du côté de la population civile. Les réfugiés sont évidemment tentés de rentrer vite et de façon improvisée. Certaines personnes vont prendre place autour de leur village pour chercher des endroits où ils peuvent reprendre les cultures. Ces personnes là courent des risques importants.
Jean-Pierre ELKABBACH
Il est choquant de voir que l'UCK garde ses armes légères. On parle entre autre de démilitarisation pour les armes lourdes. L'OTAN a t-elle fait la guerre pour ces messieurs de l'UCK ?
Alain RICHARD
Assurément pas. Jour après jour, la même forme de dialogue est toujours en marche. Les journalistes nous interpellent naturellement en fonction d'une vision instantanée. Nous pouvons leur dire d'attendre 5 jours, 10 jours, afin que les choses évoluent. Tout le monde " a un flingue ". Désarmer complètement les gens de l'UCK ferait d'eux les seuls désarmés du Kosovo. L'impératif est qu'ils n'aient plus la possibilité de se comporter comme une force armée. Nous y parviendront dans les jours qui viennent.
Jean-Pierre ELKABBACH
Demandez-vous, monsieur RICHARD, comme messieurs CLINTON, BLAIR, SOLANA et CHIRAC, que MILOSEVIC soit renversé chez lui ?
Alain RICHARD
Je n'ai pas à prendre position là dessus. Le rétablissement de la sécurité au Kosovo est l'un des buts de l'action militaire. Le problème de MILOSEVIC doit être, à court terme, la décision de la population serbe...
Jean-Pierre ELKABBACH
... Mais il est l'auteur d'une guerre de 10 ans...
Alain RICHARD
... à court terme, la décision de la population serbe et à moyen terme la décision du tribunal international. L'avis des puissances extérieures risque d'établir une règle du jeu qui n'est pas la bonne dans les relations internationales.
Jean-Pierre ELKABBACH
C'est un peu ce que l'OTAN a commencé à faire ou encore la Communauté internationale...
Alain RICHARD
Non, ce n'est pas exact.
Jean-Pierre ELKABBACH
Vous mettez en situation le départ du dictateur.
Alain RICHARD
Non. L'emploi de la force est quelque chose de concret. Nous avons exclu l'emploi de la force au profit désormais de l'aide économique, compte tenu de ce qu'a été la gestion de ce pouvoir depuis 10 ans. Nous pouvons en effet conditionner l'aide économique à une gestion correcte et à un minimum de démocratie.
Jean-Pierre ELKABBACH
Vous venez d'organiser un séminaire-débat ouvert aux civils, intellectuels et industriels de la défense pour lancer une réflexion critique. Elle va durer quelques mois afin de tirer les premiers enseignements du conflit du Kosovo. Puis-je vous demander quel a été ou quel sera en 99, le coût de la guerre du Kosovo ?
Alain RICHARD
Les opérations aériennes et la mise en place d'une force préliminaire au début de l'année, coûtent à peu de choses près, un milliard. Notre participation à la force internationale équivaudra vraisemblablement à environ 3 milliards d'ici la fin de l'année.
Jean-Pierre ELKABBACH
C'est-à-dire combien par an pour le Kosovo ?
Alain RICHARD
Si cela devait durer une année complète, étant donné les effectifs actuels, ce serait estimé à 4, voire 4,5 milliards. Mais l'on peut espérer, après une phase de crise, à l'exemple de la Bosnie, que les forces présentes sur le terrain soient moins nombreuses.
Jean-Pierre ELKABBACH
Dominique STRAUSS-KAHN, devrait par solidarité, mettre la main à la poche pour le Kosovo. Nous aussi par là même ?
Alain RICHARD
Oui. Nous avons 190 milliards de budget de la Défense pour pouvoir être prêts à toute éventualité. Dans un cas comme celui-là, toutes nos valeurs et tous nos principes sont en jeu. Décider de ne pas s'en servir, c'est rendre inutiles ces 190 milliards.
Jean-Pierre ELKABBACH
La démocratie n'a pas de prix ?
Alain RICHARD
Un certain nombre de nos principes essentiels du moins. Les Français ont bien fait de soutenir cette action.
Jean-Pierre ELKABBACH
L'une des premières leçons est que nous avions pour certains corps, certaines armes, une armée professionnelle. Est-ce que cela marche en temps de crise ?
Alain RICHARD
Oui. C'est même ce qui marche le mieux. La capacité de réagir très vite, de s'adapter à des situations, de transférer des effectifs d'un lieu à l'autre, est accessible par une armée professionnelle. Nous sommes à mi-chemin de cette professionnalisation pour l'ensemble des armées.
Jean-Pierre ELKABBACH
L'armée de terre surtout ?
Alain RICHARD
L'armée de terre a remplacé beaucoup d'appelés par des professionnels. Ce mouvement nous donne satisfaction. Le sentiment de solidarité des Français à l'égard de leurs soldats, n'a pas changé.
Jean-Pierre ELKABBACH
Quelles armes ont pris du galon pendant cette guerre et méritent d'être développées ?
Alain RICHARD
Les ordinateurs. La capacité de coordonner, de transférer l'information, d'avoir un tableau de bord complet de ce qui se passe, s'est révélée essentielle. Cela manque collectivement aux Européens. L'OTAN a été principalement sous impulsion américaine pendant cette campagne aérienne. Quant aux capacités de frappes précises, nous possédons déjà des matériels très utiles. Mais nous avons encore à développer ce que l'on appelle les missiles de croisière, capables de partir à plusieurs centaines de kilomètres, que nous aurons dans deux ans.
Jean-Pierre ELKABBACH
Ce sont des missiles qui tireront de plus en plus précisément : à un mètre près plus exactement ?
Alain RICHARD
La précision espérée est effectivement d'un mètre afin d'éviter tout tir par erreur.
Jean-Pierre ELKABBACH
Vous avez insisté au cours de ce colloque sur la priorité absolue du renseignement. Pourquoi ?
Alain RICHARD
Décider de toucher 500 cibles ou 500 objectifs clefs dans un pays donné, la Serbie en l'occurrence, exige un repérage préalable. Ce repérage ne peut s'effectuer le jour d'entrée en conflit. Certaines erreurs d'identification de cible ont été commises comme c'est le cas pour l'ambassade de Chine. Pour obtenir ce résultat de précision, des années de renseignements préalables sont nécessaires.
Jean-Pierre ELKABBACH
Vous disposez pour cela de satellites dans l'espace, mais aussi les drônes.
Alain RICHARD
Ce sont des petits avions sans pilotes.
Jean-Pierre ELKABBACH
Allez-vous les développer, en acheter, en fabriquer ?
Alain RICHARD
Oui. Pour gagner en précision et en fiabilité, nous disposons également de l'écoute militaire et du renseignement humain.
Jean-Pierre ELKABBACH
Les armées de l'OTAN avaient des agents secrets au sol ?
Alain RICHARD
Ce n'étaient pas forcément des membres des armées. Nous avions un minimum d'hommes de nos services, à la fois en Serbie et au Kosovo.
Jean-Pierre ELKABBACH
La France aussi ?
Alain RICHARD
Oui.
Jean-Pierre ELKABBACH
Et en civil ?
Alain RICHARD
Oui, des non-militaires.
Jean-Pierre ELKABBACH
La France a t-elle progressé depuis la guerre du Golfe ?
Alain RICHARD
Nous avons justement progressé sur les ordinateurs, c'est-à-dire sur la capacité de " commandement en synthèse ", consistant à piloter tout un champ de bataille. Nous avons progressé sur la précision de nos armes. Cela tient peut-être à notre place un peu originale par rapport à l'OTAN. Nous avons souhaité garder notre indépendance : nous sommes plus réactifs. Nous savons nous adapter plus vite. Alors que la France n'est pas membre de l'organisation militaire de l'Alliance, elle a eu de loin la participation européenne la plus importante dans une campagne déclenchée rapidement.
Jean-Pierre ELKABBACH
L'économie et les technologies nouvelles vont vers la mondialisation. La Défense ne va t-elle pas aussi connaître une mondialisation dont les inspirateurs et les chefs opérationnels proviendront de l'unique puissance planétaire, l'Amérique ?
Alain RICHARD
Tout le travail que nous faisons, consiste justement à associer plusieurs pôles, dont un pôle européen. Ce dernier a non seulement les capacités technologiques et économiques pour être dans la compétition, mais porte dans son action politique et éventuellement militaire, des valeurs et des principes qui ne sont pas tout à fait ceux des Etats-Unis.
Jean-Pierre ELKABBACH
Pendant le conflit, qu'avez-vous caché ou tu, qu'aujourd'hui vous pouvez révéler ?
Alain RICHARD
Rien.
Jean-Pierre ELKABBACH
Rien ? Cherchez bien.
Alain RICHARD
Ce que j'avais des raisons de ne pas dire il y a un mois et demi, j'ai les mêmes raisons de ne pas le dire aujourd'hui.
Jean-Pierre ELKABBACH
Kofi ANNAN va nommer l'administrateur civil de l'ONU au Kosovo. Les favoris sont : l'italienne Emma BONINO et le français Bernard KOUCHNER. Est-ce un bon candidat KOUCHNER ? Le soutenez-vous ?
Alain RICHARD
Il ne semble pas qu'il ait fait acte de candidature. Il fait un travail formidable comme ministre de la Santé et nous voulons le garder. Mais enfin c'est son appréciation.
Du côté des forces armées, nous sommes pressés que cette présence civile d'organisation soit en place, afin de permettre à tous les Kosovars de vivre en paix dans leur province. Nous avons par conséquent besoin d'une autorité civile. Il faut qu'elle soit en place.
Jean-Pierre ELKABBACH
Sur un autre sujet. Une commission d'enquête sur la Corse tient discussion au Parlement. Allez-vous intervenir ? Les gendarmes vont-ils continuer à faire des coups de ce genre ? Avez-vous un moyen de les contrôler ou échappent-ils au ministre ?
Alain RICHARD
Non. Un petit nombre de gendarmes ont commis un manquement à leurs règles, une faute, enfin une infraction pénale grave. Notre travail est de vérifier que le système de contrôle hiérarchique et d'inspection permet de prévenir ou de déceler, autant qu'il est possible, des intentions de ce type au sein d'un corps de 95 000 hommes. Il en sera question avec les parlementaires. Le sentiment de confiance à l'égard des institutions, de la population envers la gendarmerie et son respect de la loi, reste entier.
Jean-Pierre ELKABBACH
Jurez-vous que cela ne se reproduira plus ?
Alain RICHARD
L'état d'esprit qui est celui des gendarmes nous prémunit d'abord contre le risque d'aberration.
Jean-Pierre ELKABBACH
Bonne journée.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 05 juillet 1999)