Déclaration de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, sur les réseaux de prise en charge des personnes âgées, le développement des centre locaux d'information et de coordination gérontologique (CLIC) et celui des services polyvalents de soutien à domicile, à l'Assemblée nationale le 6 juin 2001.

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Circonstance : Colloque "Filières, réseaux, médecines ambulatoires et hospitalières : quelles synergies ?" à l'Assemblée nationale le 6 juin 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
L'idée même de réseau appelle celle de prise en charge collective, de chaîne solidaire d'hommes et de femmes qui associent leur compétence et leur complémentarité au service de ceux qui en ont besoin.
Tous les âges de la vie ont besoin d'une telle solidarité : Est-il nécessaire de dire que la personne âgée en situation de perte d'autonomie a besoin plus que d'autres d'un tel soutien par des dispositifs solidaires et notamment par les réseaux de coordination gérontologique ?
L'idée du réseau n'est pas seulement celle d'une meilleure organisation, plus rationnelle et plus performante : c'est aussi un idéal de solidarité, d'entourage, d'accompagnement. A travers l'isolement dans lequel ils se retrouvent parfois, c'est bien de cela dont manquent aujourd'hui trop de nos concitoyens âgés.
Plusieurs systèmes de prise en charge des personnes âgées à travers diverses formes de réseaux existent déjà ; je les évoquerais dans un premier temps. Il est nécessaire de promouvoir encore ces réseaux mais il faut aussi assurer une meilleure orientation des personnes âgées vers les réponses les plus appropriées à leurs demandes et à leurs besoins. C'est le rôle que le Gouvernement a confié aux CLIC, les Centres locaux d'information et de coordination gérontologique, qui doivent devenir le pivot d'un système conjuguant proximité, efficacité et solidarité. J'évoquerai enfin la nécessaire coordination dans les services de soutien à domicile.
1- Les réseaux de prise en charge des personnes âgées
Le renforcement de la mise en réseau et de la coordination gérontologique est à l'ordre du jour puisque le projet de rénovation de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales actuellement débattu au Parlement prévoit de généraliser les schémas de planification, sur la base d'une évaluation des besoins. Le projet de loi invite d'ailleurs explicitement les établissements sociaux et médico-sociaux à conclure entre eux des conventions afin de favoriser leur coordination, leur complémentarité et garantir la continuité des prises en charge et de l'accompagnement.
La loi encourage ainsi un mouvement qui est déjà initié.
La prise en charge hospitalière des personnes âgées s'inscrit dans le cadre général d'une politique hospitalière orientée vers l'adaptation du tissu sanitaire et du fonctionnement des établissements de santé aux besoins de la population. Elle vise notamment à améliorer l' accès à des soins de courte durée adaptés,
des soins de suite gériatriques et des soins de longue durée, à proposer des formes de prise en charge plus spécifiques, à affirmer les liens avec les institutions sociales et médico-sociales dans le cadre d'un travail en réseau.
Les personnes âgées doivent bénéficier de soins adaptés aux différentes formes de pathologies présentées. Ceci implique tout d'abord un développement des soins de proximité. Ensuite, il convient de garantir l'accès des personnes âgées à des services spécialisés dans tous les cas où elles sont susceptibles d'en bénéficier. En effet, toute discrimination reposant sur un critère d'âge serait intolérable au regard de l'égalité d'accès aux soins. Enfin, la qualité des soins délivrés aux personnes âgées implique qu'il soit tenu compte de la fréquente coexistence de pathologies associées et de la nécessaire adaptation des thérapeutiques à leur physiologie. L'intervention de compétences gériatriques dans les services d'accueil des urgences, de spécialités et de proximité doit être développée.
Les trois directions du Ministère (DGS/DHOS/DGAS) ont mis en place un groupe de travail sur la filière des soins gériatriques et sur son engagement dans un travail en réseau. Ceci implique notamment un travail sur la totalité de la trajectoire du patient en établissement de santé ( urgences, court séjour, soins de suite et de réadaptation, soins de longue durée), mais également sur les articulations institutionnelles (coordinations entre établissements sanitaires, soins de ville, services de soins et d'aides à domicile et établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes).
Au delà des prises en charge institutionnelles qui dépassent les frontières entre sanitaire et sociale, l'accès à des soins de qualité, insérés dans une approche globale de la personne, relève des réseaux de soins du type de ceux qui sont expérimentés sous l'égide de la commission présidée par Monsieur Soubie. Plus de disponibilité aux besoins des personnes âgées, plus de prévention, un suivi plus efficace, un accès plus immédiat aux soins, tels sont notamment les enjeux des réseaux de soins gérontologiques. J'aimerai dans ce cadre saluer notamment les réseaux gérontologiques promus par la Mutualité Sociale Agricole qui donnent une réalité sur le terrain à l'idée de démocratie sanitaire.
2- Les CLIC
Après la phase d'expérimentation et d'observation conduite à partir des 25 sites pilotes désignés en 2000, l'année 2001 inaugure la phase opérationnelle de développement des centres d'information et de coordination gérontologique (CLIC) et verra l'implantation d'au moins 140 nouveaux sites.
Elle aboutira en 2005 à l'existence d'un réseau national sur tout le territoire à partir des échelons locaux et départementaux, articulé aux bassins de vie.
Le CLIC s'adresse à tous les retraités et pas uniquement aux personnes susceptibles de bénéficier d'une prestation ou dont l'état de santé nécessite des soins. Il a vocation à répondre de tous les aspects de la vie quotidienne et à intégrer une approche globale du vieillissement permettant d'apporter des réponses préventives et opérationnelles en ce qui concerne tant le passage à la retraite, l'accès aux droits, l'accessibilité du logement et des transports, la qualité et le confort de vie, l'aménagement du territoire, mais aussi la vie sociale, culturelle et sportive et par conséquent la citoyenneté au sens global. L'objectif, le cur de la démarche auquel il faut sans cesse revenir, c'est l'amélioration de la vie quotidienne des personnes âgées.
Conçu comme un dispositif de proximité, le CLIC, en première intention, est dédié aux usagers. Il assure un accueil personnalisé et gratuit quelle que soit l'origine de la demande, qu'elle émane de la personne âgée, de sa famille, des services sociaux, du médecin traitant, d'une structure médico-sociale ou hospitalière. C'est tout à la fois un centre de ressources et d'information qui dispose d'une base de données actualisée sur l'offre de services sur le territoire qu'il couvre, un lieu d'écoute et de dialogue, une structure de communication et d'aide à la décision.
Je veux insister sur la dimension d'écoute offerte par les Clic : trop de personnes âgées, mais aussi trop de parents ou de proches, en charge de personnes âgées, ceux que l'on appelle les aidants familiaux ou les aidants naturels, ne disposent pas de lieux où on les écoute, où ils peuvent soulager par la parole l'angoisse, la pression qu'ils ressentent. Les Clic doivent répondre à ce besoin.
3- Vers des services polyvalents de soutien à domicile
Evaluation, orientation, coordination et suivi constituent les missions du réseau qui comprend tous les acteurs de terrain susceptibles d'intervenir auprès de la personne âgée : services d'aide à domicile, médecins, infirmières, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, services sociaux, hôpitaux, services de tutelle, bénévoles etc...
Au delà de ces spécialités, chacune nécessaire, nous devons arriver à proposer une offre globale, dépassant les coupures traditionnelles entre le sanitaire et le social d'une part, entre le domicile et l'hébergement d'autre part. Les schémas gérontologiques départementaux doivent favoriser cet objectif.
C'est particulièrement dans le soutien à la vie à domicile que cette coordination des acteurs doit être la plus performante.
Pour mieux répondre aux attentes des usagers et de leurs familles, le secteur du maintien à domicile devra porter ses efforts dans deux directions :
En premier lieu, il doit continuer de diversifier son offre de service. Au-delà, de prestations traditionnelles d'aide ménagère, de portage de repas ou de soins à domicile, des nombreuses activités sont à développer plus qu'elles ne le sont aujourd'hui.
En, matière de prise en charge, l'accueil de jour et l'accueil temporaire sont des modalités encore trop peu offertes alors qu'elles permettent de concilier astucieusement milieu de vie ordinaire et institution.
L'aménagement du lieu de résidence au niveau de dépendance de la personne constitue également une des pistes à encourager. Nous le savons : les personnes âgées veulent demeurer chez elles ; encore faut-il que leur habitat le permette et qu'on sache l'adapter aux performances physiques de chacun. Les prestations pour adapter l'habitat doivent être mieux connues. Et pour cela, nous devons encourager la coopération des acteurs locaux des secteurs "habitat", "santé", "social", les réseaux de professionnels capables d'intervenir efficacement.
Enfin, l'aide aux aidants familiaux, l'organisation du "droit au répit " doivent être au cur des politiques de maintien à domicile si l'on veut pouvoir continuer de mobiliser les solidarités familiales.
En, second lieu, il s'agit d'organiser la cohérence de l'offre par rapport à la situation personnelle et à l'environnement de l'usager.
Mieux informer sur les possibilités, coordonner les réponses retenues, articuler les interventions des professionnels, tels sont les enjeux de la coordination gérontologique de terrain.
Grâce au Fonds de modernisation de l'aide à domicile prévue dans la loi APA, nous allons disposer des moyens pour faire progresser ces métiers et tout le secteur de l'accompagnement, tant au niveau de la formation des personnels que dans l'amélioration de la qualité des prestations et dans la promotion des actions innovantes.
Conclusion
L'idée même de la coordination gérontologique est porteuse d'une grande ambition : rassembler tous les acteurs qui concourent à l'amélioration de la vie des personnes âgées.
Il s'agit là d'un mouvement profond et nécessaire : le rapprochement du sanitaire et du social, des compétences médicales et de la solidarité.
Ce mouvement se développe de façon libre et imaginative en se saisissant des opportunités locales, et sans se conformer à un unique modèle national dicté par une circulaire exclusive. Cette liberté d'innovation dans laquelle se développent aujourd'hui les CLIC me paraît bien représenter la philosophie des réseaux où la volonté et la coopération des acteurs locaux priment toujours sur l'esprit de tutelle. Je suis convaincue que cet élan qui se développe dans le champ gérontologique débordera très vite ce domaine et que l'idéal des réseaux influencera tout l'espace sanitaire et social.

(source http://www.social.gouv.fr, le 3 janvier 2002)