Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle, à BFM le 25 janvier 2002, sur le climat politique et les stratégies électorales et ses propositions en matière de relations du travail et de sécurité.

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Média : BFM

Texte intégral

JOURNALISTE
Nous sommes en liaison avec nos studios parisiens du Presse-Club pour l'invité du matin, Christophe BARBIER vous recevez aujourd'hui le candidat de l'UDF à l'élection présidentielle, François BAYROU.
CHRISTOPHE BARBIER
François BAYROU bonjour. 60 % des Français souhaitent un troisième homme selon un sondage CSA pour le Parisien, cela vous redonne courage ?
FRANÇOIS BAYROU
L'heure de vérité approche.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est-à-dire ?
FRANÇOIS BAYROU
C'est-à-dire que pendant des mois et des mois Lionel JOSPIN et Jaques CHIRAC ont joué à cache-cache. Candidats tout en faisant semblant de ne pas l'être et candidats, je le dis au passage faisant leur campagne avec les moyens de l'Etat.
CHRISTOPHE BARBIER
Ce qui est un peu limite pour vous ?
FRANÇOIS BAYROU
Ce qui est un peu limite du point de vue de l'équité.
CHRISTOPHE BARBIER
Donc là, comme 65 % des Français, là, vous leur demandez de se débusquer, fini les candidats probables
FRANÇOIS BAYROU
Ils vont être obligés de le faire.
CHRISTOPHE BARBIER
Pourquoi ?
FRANÇOIS BAYROU
Ils voulaient attendre des semaines et des semaines, parce que ce sont les Français qui l'exigent. Et dans une démocratie, comme son nom l'indique, eh bien les patrons c'est les électeurs, les citoyens, les Français.
CHRISTOPHE BARBIER
S'ils ne se déclarent pas, vous pensez que les Français vont commencer à les sanctionner dans leur intention de vote ?
FRANÇOIS BAYROU
Mais ils vont se déclarer, il n'y a pas de choix. Vous avez vu que Jacques CHIRAC aujourd'hui annonce le nom de son directeur de campagne, comment peut-on annoncer le nom de directeur de campagne si on n'est pas effectivement candidat ?
CHRISTOPHE BARBIER
Donc Antoine RUFENACHT pour Jacques CHIRAC, on sait que c'est Jean GLAVANY sans doute pour Lionel JOSPIN. On a les directeurs de campagne, il faut les candidats.
FRANÇOIS BAYROU
Donc Lionel JOSPIN a choisi son siège de campagne, comment choisir un siège de campagne si on n'est pas effectivement candidat. Donc tout ça, voilà, on sort de la période trouble et l'heure de vérité approche et on va avoir des surprises très importantes.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est pourtant un UDF, Philippe DOUSTE-BLAZY qui roule pour CHIRAC qui a dit ; je ne crois pas au troisième homme, ce sera JOSPIN contre CHIRAC.
FRANÇOIS BAYROU
Oui, mais il est naturel que le conformisme ait des défenseurs, les défenseurs du conformisme, c'est courant et habituel. Ce sont ceux qui ne voient pas l'importance du choix que les Français vont faire et que ce sondage montre bien. Le sondage dit, il y a moins de 30 % des Français qui veulent un deuxième tour JOSPIN/CHIRAC. Quelle est la signification de ce sondage ? Elle est très simple, les Français veulent imposer un changement sur le fond. Il y a vingt ans que ce sont les mêmes équipes et pour ainsi dire les mêmes hommes et même plus de vingt ans, les mêmes hommes qui sont aux commandes et qui ont conduit la France où nous sommes.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous avez été avec eux quand même ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui, mais ce n'est pas la même chose, tous les automobilistes comprendront d'être assis sur la banquette arrière et d'être volant. Nous avons été membres d'équipes gouvernementales, mais l'UDF vous le savez bien, n'avait pas les responsabilités. Et puis même, on a le droit de mûrir, on a le droit de changer, on a le droit d'ouvrir les yeux sur les faiblesses de la France. Ces faiblesses elles se sont construites au travers du temps. Pendant longtemps, comme tout le monde j'ai cru qu'avec de la bonne volonté on arriverait à changer cela. Et puis je me suis aperçu que c'était le système qui était en panne.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est quoi le système, C'est l'état RPR ?
FRANÇOIS BAYROU
Je vous en donne un exemplaire, est-ce que vous connaissez un autre pays comme le nôtre, dans lequel on voit surgir les affaires, soigneusement concoctées par ce qu'on appelle des officines, c'est-à-dire des gens dont la passion et le métier est de bâtir des dossiers contre l'autre et qu'on pose sur la table. On a essayé de bâtir un dossier contre JOSPIN avec l'histoire de sa maison de l'île de Ré. Aujourd'hui, vous voyez contre CHIRAC apparaître les affaires SCHULLER et je ne sais quoi ! C'est une vie politique profondément malsaine, de même qu'est profondément malsaine, on va peut-être en dire un mot. Un pouvoir est profondément malsain, un pouvoir qui refuse de recevoir les médecins, malgré cette semaine de grève.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors justement François BAYROU, vous proposez que si 50 % d'une profession le demandent par un système de pétition, le gouvernement est obligé d'ouvrir une négociation, attendez, c'est le triomphe du corporatisme ça.
FRANÇOIS BAYROU
C'est une révolution pacifique. Lorsque 50 % d'une profession disent, " nous avons un problème ", eh bien il est normal que l'on s'assied autour de la table pour en parler. Le drame français, c'est que vous êtes obligés d'avoir un conflit avant d'avoir une négociation. Partout ailleurs dans le monde, un pays démocratique normal, vous avez la négociation et si elle échoue, vous avez un conflit. Mais la multiplication des grèves
CHRISTOPHE BARBIER
Les enseignants veulent les 35 heures.
FRANÇOIS BAYROU
Attendez, un exemple très simple : grève dans les transports en commun, multiples et variés, donc les Français souffrent tous les jours. La plupart de ces grèves dans les villes de province, ces derniers temps ont été provoquées par le fait qu'il y avait des agressions. Eh bien écoutez, c'est légitime de la part des chauffeurs de transport en commun de dire, nous voulons que l'on s'assied autour de la table, pour voir comment on peut protéger chauffeurs et passagers des agressions.
Pourquoi est-ce qu'il faut faire une grève pour ça ? Il faut bien qu'on en sorte de ce schéma dans lequel le pouvoir est sourd aux citoyens et les citoyens doutent de tous les pouvoirs.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors les enseignants veulent les 35 heures, vous les connaissez bien, vous avez été ministre de l'Education nationale, ils sont légitimes ou non ?
FRANÇOIS BAYROU
D'abord est-ce qu'ils veulent les 35 heures ? Les enseignants vous le savez bien, leur charge de travail ce n'est pas 35 heures
CHRISTOPHE BARBIER
C'est difficile à compter.
FRANÇOIS BAYROU
C'est 18 heures pour les uns, 15 heures pour les autres devant les élèves et puis c'est tout le travail qu'on fait à la maison. Les enseignants, souvent ils ont été habitués à ce qu'on parle uniquement en terme de moyens et de postes.
Je crois qu'il est normal de parler de leur métier, en tout cas moi je l'ai fait, chaque fois que je le pouvais, sans se laisser aux revendications trop simples et qui je crois traduisent simplement un désir de leur part que l'on réfléchisse à leur métier.
CHRISTOPHE BARBIER
François BAYROU, le RPR a rendu public son programme. Jean-François COPE plaide pour la société de confiance, c'est un thème qui vous plaît ?
FRANÇOIS BAYROU
Ah ! oui, c'était le même le titre d'un livre que nous avons commenté ensemble autrefois, un chapitre d'un livre qui s'appelait " Le droit au sens " que j'ai écrit
CHRISTOPHE BARBIER
Alors justement, vous ne pouvez que vous rallier à cette idée, vous faites confiance au RPR ?
FRANÇOIS BAYROU
Vous savez les mots, les Français sont habitués à ce qu'on en abuse, ce qu'ils veulent maintenant c'est autre chose, c'est du concret, des mesures simples et qu'ils comprennent, c'est ce que je m'efforce de donner dans cette campagne.
CHRISTOPHE BARBIER
Par exemple, réunir police-gendarmerie-douane dans un grand ministère de la Sécurité, c'est pas un peu trop un monstre administratif ça ?
FRANÇOIS BAYROU
Pourquoi un monstre administratif ? On a besoin de sécurité. Vous trouvez normal que les services de sécurité soient éclatés sur trois ministères différents. Moi je dis simplement, la sécurité est le grand problème du temps, et il est normal et légitime qu'on mette un commandement, une coordination commune au-dessus de tous ces services qui touchent à la sécurité, qui ont des statuts différents, mais qui peuvent et doivent travailler ensemble.
CHRISTOPHE BARBIER
François BAYROU, quel message vous donnez à DOUSTE-BLAZY, Nicole FONTAINE, Renaud DUTREIL, tous ces UDF qui roulent pour CHIRAC, vous leur dites : " à bientôt, on se retrouvera ". Vous vous trompez, ou vous avez envie de dire, adieu les traites ?
FRANÇOIS BAYROU
Non, je dis une chose très simple : " la loyauté est le commencement de l'union ". Regardez à gauche, leur pluralisme, ils le gèrent mieux que la droite et cela les avantage au deuxième tour. Et vous ne voyez pas à gauche, l'idée qu'on va faire des débauchages chez les Verts pour aller soutenir JOSPIN ou le contraire. La loyauté, c'est chacun dans sa famille, chacun soutenant le sien et c'est cela qui prépare les regroupements de deuxième tour. Et deuxièmement, il faut avoir le courage de changer les choses. Si vous imaginez qu'ayant changé de siècle, ayant changé de monnaie, on va rester avec le même pouvoir que depuis vingt-cinq ans, sans rien n'y changer eh bien ce n'est pas sentir les préoccupations et les attentes des Français. Donc le courage et la loyauté plaident tous les deux dans le même sens celui de ce que j'appelle la relève.
CHRISTOPHE BARBIER
François BAYROU merci.
(source http://www.bayrou.net, le 13 février 2002)