Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les Secrétaires perpétuels,
Mesdames et Messieurs,
Vous avez bien voulu me demander d'assister à cette séance solennelle et j'en suis très honoré.
Votre Académie est intimement associée à l'image de la France et à son rayonnement.
Elle l'est d'abord par les qualités éminentes des personnalités scientifiques qui la composent. Et je voudrais à mon tour saluer les quatre nouveaux membres que vous accueillez aujourd'hui, au cours de cette séance solennelle : MM. Thibault DAMOUR, Jean-Louis MANDEL, Bernard MEUNIER et Dino MORAS.
Votre Académie a été fondée en 1666 à l'initiative de Colbert, conscient déjà de l'importance que prenait le mouvement de la pensée scientifique. En 1795, la Convention lui confère " la charge, pour toute la République, de recueillir les découvertes, de perfectionner les sciences et les arts ".
En tant que ministre de la Recherche, je voudrais aujourd'hui réfléchir avec vous au rôle de l'Académie des sciences dans la République.
La République a besoin de savants
Vous connaissez la phrase absurde qui avait été prononcée en 1794 par le Tribunal révolutionnaire en prononçant la condamnation à mort de Lavoisier, qui était membre de votre Académie : " La République n'a pas besoin de savants ".
Je pense évidemment tout le contraire. Comme Pierre Mendès France qui déclarait dans son premier discours d'investiture en 1953 : "La République a besoin de savants. Leurs découvertes, le rayonnement qui s'y attache et leurs applications contribuent à la grandeur d'un pays".
Près de 50 ans plus tard, en 2000, il appartient plus que jamais à la recherche de préfacer et de préparer l'avenir.
Je souhaite donner un nouvel élan à la recherche, en m'appuyant sur votre Académie qui a un rôle stratégique.
Nous devons ensemble poursuivre 4 objectifs principaux : rajeunir la recherche, développer la culture scientifique, ouvrir celle-ci sur le monde et, enfin, rapprocher la décision publique de l'expertise scientifique au service d'une science humaniste.
Rajeunir la recherche
Votre Académie a toujours fait confiance à la jeunesse. Il nous faut aujourd'hui rajeunir la recherche pour la renouveler. J'entends donc soutenir les jeunes chercheurs et leur donner des perspectives concrètes.
Nous constatons aujourd'hui un double phénomène. D'un côté, le vieillissement de la recherche française : l'âge moyen des chercheurs est aujourd'hui élevé. De l'autre, un phénomène de "file d'attente", avec la difficulté des jeunes chercheurs à s'insérer dans notre appareil de recherche.
Les recrutements deviennent de plus en plus tardifs : l'âge de recrutement, qui se situait naguère autour de 25 ans s'est très sensiblement décalé au-delà de 30 ans. Résultat : le nombre de post-docs français à l'étranger est importante : 41,5 % d'entre eux se trouvaient aux Etats-Unis en 1995. Cela serait positif, au plan de l'ouverture scientifique, s'il y avait toujours ensuite, retour en France, ce qui n'est pas le cas.
Cet exil forcé de cerveaux représente une perte de substance et presque un gâchis de matière grise. L'Etat investit des sommes importantes pour former des docteurs, souvent de grande qualité, dont beaucoup s'expatrient, faute de parvenir à trouver un emploi en France.
Pour remédier à cette situation préoccupante, qui est préjudiciable au renouvellement de la recherche, il faut définir une véritable politique de l'emploi scientifique.
La décennie qui va s'ouvrir constitue un moment privilégié pour cette opération de jouvence. En effet, elle sera marquée par des départs massifs à la retraite. Nous devons anticiper ces départs et mettre en place une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs, qui fasse place dès maintenant aux jeunes docteurs.
Soutenir les jeunes chercheurs, c'est aussi leur donner plus d'autonomie scientifique et faciliter leur prix de responsabilité. Les jeunes chercheurs doivent pouvoir se consacrer à des projets innovants, à des thématiques personnelles, éventuellement distinctes de celles de leur équipe de rattachement, pour favoriser l'émergence de disciplines nouvelles.
Pour aider les jeunes équipes qui présentent des projets innovants , qui explorent de nouveaux champs disciplinaires et de nouvelles directions de recherche, je poursuis donc l'Action Concertée Initiative Jeunes Chercheurs.Cette procédure d'appel d'offres favorise la souplesse, l'initiative et la créativité.
Développer la culture scientifique
Le deuxième objectif prioritaire est de développer la culture scientifique comme le fait votre Académie.
Votre Président, Guy OURISSON, reprenant l'expression de Paul LAFARGUE revendiquait "le droit à la paresse en tant que droit académique".
Le paradoxe n'est qu'apparent. Le pamphlet publié en 1880 par LAFARGUE est un appel vibrant à l'époque future où l'essor de la technique abolira l'asservissement au travail contraint, en augmentant le temps de vivre et donc aussi le temps de réfléchir, de concevoir, de méditer.
Exerçant ce "droit à la paresse" célébré avec ironie par votre Président, votre Académie produit actuellement 14 Rapports sur la Science et la Technologie, en sollicitant la compétence et la force de travail de ses membres, mais au-delà , en mobilisant aussi une bien plus large communauté scientifique.
La liste des thèmes spécifiques est très stimulante. Elle concerne des secteurs scientifiques en plein développement (nanosciences, systèmes moléculaires, organisés, sciences aux temps ultracourts), mais aussi des spécialités peut-être imprudemment négligées dans un passé récent (radiochimie, systématique et diversité biologique,.. voire physiologie humaine et animale). Elle englobe des sujets sensibles comme "l'expérimentation animale" ou des activités novatrices comme "l'ingénierie des territoires". Le Ministre de la Recherche et les Services dont il a la responsabilité consulteront avec soin les documents que vous voudrez bien leur adresser, même si l'objet de vos travaux mérite, cela va de soi, une bien plus large diffusion dans notre pays.
Je veux aussi rendre hommage à un autre aspect de votre activité, la rénovation de votre publication séculaire, modestement intitulée "les Compte-Rendus" qui a retrouvé une nouvelle jeunesse grâce à l'action déterminée de vos secrétaires perpétuels et de tous ceux qu'ils ont su convaincre d'apporter leur concours comme rédacteurs ou rapporteurs.
L'an dernier, huit mille cinq cents pages d'articles scientifiques de haut niveau y ont été publiés.
S'ouvrir sur le monde
Le troisième objectif c'est de s'ouvrir vers le monde. Ce que les scientifiques font depuis toujours. Louis PASTEUR disait : "la science n'a pas de patrie". Elle est en effet le patrimoine commun de l'humanité. La connaissance est une, par-delà les frontières, qui sont souvent des cicatrices de l'histoire.
Votre Académie veille à stimuler les échanges entre scientifiques, en s'appuyant sur les critères d'excellence et à développer les relations académiques bilatérales et multilatérales. En particulier, grâce au dynamisme de votre délégation aux relations internationales animée par Monsieur Yves QUERE.
Au plan bilatéral, vous avez signé des accords avec trente sept académies étrangères .
Au plan multilatéral, votre Académie où ses membres participent activement aux travaux de l'UNESCO, du Conseil de l'Europe, de l'ALLEA (Alliance des académies européennes), de l'IAP (Inter Academy Parel), de l'ICSU (Conseil international pour la science), de la TWAS (Académie des Sciences du Tiers-Monde) et du COPED (Comité des pays en voie de développement).
Elle participe bien sûr aussi au suivi de la politique scientifique de l'Union européenne et du 5ème PCRD.
L'expérience ainsi accumulée pourrait aider notre Ministère à mettre en uvre un projet que j'ai soumis à mes collègues ministres de la Recherche des quatorze autres pays de l'Union européenne, dont la France va assurer la Présidence au second semestre : créer une Académie des sciences européenne.
Cet organisme d'excellence scientifique, qui pourrait siéger à Strasbourg, serait l'équivalent de l'Académie des sciences des Etats-Unis. Elle serait chargée d'organiser sur tous les sujets une expertise scientifique de haut niveau. Haute autorité indépendante, cette Académie européenne rendrait ses avis au Conseil, à la Commission et au Parlement européen.
Cette Académie compterait environ cent membres émanant des diverses académies nationales et pourrait s'adjoindre le concours d'experts choisis sur une liste d'environ deux mille noms.
Je souhaite aussi lancer une Agence européenne de diffusion scientifique et technique : Cette Agence diffusera les résultats de la recherche européenne auprès des entreprises et des médias de nos quinze pays, dont les sources sont aujourd'hui essentiellement américaines.
Mais revenons à votre Académie, dont je voudrais saluer en particulier une initiative majeure : la création de la Fondation nationale Alfred Kastler en décembre 1993. La FNAK a pour vocation d'améliorer l'accueil en France de chercheurs étrangers de haut niveau et d'organiser un suivi après leur retour dans leur pays.
La Fondation agit en particulier pour faciliter la nécessaire mobilité des chercheurs étrangers et a lancé la carte de "Chercheur invité ".
Rapprocher décision publique et expertise scientifique
Dernier objectif : rapprocher décision publique et expertise scientifique. La communauté des savants et les autorités politiques doivent conduire un dialogue suivi. Les décideurs politiques ont besoin de vos conseils sur beaucoup de sujets.
Ainsi, votre Académie a rendu il y a quelques jours un avis, très éclairant, sur les problèmes posés par la transposition de la directive européenne du 6 juillet 1998 sur la protection juridique des inventions biotechnologiques.
Nous avons besoin de règles qui concilient les impératifs de l'éthique et les besoins de la recherche. Et ces règles doivent être convergentes ou communes au plan européen et au-delà, au plan international.
Les 24 et 25 juin prochains, je réunirai près de Bordeaux le G8 Recherche (le Groupe Carnegie) élargi à la Chine, à l'Inde, au Brésil et au Mexique. Les douze ministres de la Recherche, ainsi réunis sous présidence française, réfléchiront ensemble aux questions posées par la bioéthique et par l'éventuelle brevetabilité du génome humain.
Leur réflexion sera éclairée par la réunion, les 22 et 23 juin à Bordeaux, d'un Colloque organisé par le ministère de la Recherche, qui rassemblera des biologistes et des juristes des mêmes douze grands pays pour débattre ensemble sur le thème suivant : "Sciences du vivant, éthique et société".
Le Comité d'organisation de ce colloque international est présidé par le Professeur Jean DAUSSET et a pour secrétaire général le Professeur François GROS, secrétaire perpétuel de votre Académie, que je remercie très vivement.
Trois thèmes de réflexion ont été retenus :
cellules souches et cellules embryonnaires humains,
collections d'échantillons biologiques d'origine humaine et bases de données de séquences génétiques,
brevets et génome humain.
Créer une Académie des Technologies
Je voudrais terminer par un dernier point
Je connais et j'apprécie vivement les activités du CADAS, le Conseil académique pour le développement de l'application des sciences. J'ai reçu récemment son Président, Monsieur Pierre CASTILLON.
Comme lui, j'ai le projet de créer à partir de ce CADAS, une Académie des Technologies, qui se consacrerait plus spécialement à ce secteur, devenu si essentiel au moment où les techniques et en particulier les nouvelles technologies prennent un essor exceptionnel.
Je souhaite que cette Académie des Technologies puisse être créée au 1er janvier 2001, pour accompagner l'entrée dans le nouveau siècle, qui sera plus que jamais, le siècle des arts, des sciences et des techniques.
Mesdames, Messieurs,
Votre Académie ne se borne pas à repousser toujours plus loin les limites du savoir. Elle incarne aussi, au sein de la République, constituée autour des valeurs de 1789, une certaine idée de la science.
Une science au service de l'homme et de la société. Une science humaniste, produit conjoint de la recherche et de l'éthique.
Vous êtes, au double sens, des femmes et des hommes de lumières. Parce que vous faites sans cesse avancer la connaissance et parce que vous la mettez au service du progrès humain.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 22 juin 2000)
Messieurs les Secrétaires perpétuels,
Mesdames et Messieurs,
Vous avez bien voulu me demander d'assister à cette séance solennelle et j'en suis très honoré.
Votre Académie est intimement associée à l'image de la France et à son rayonnement.
Elle l'est d'abord par les qualités éminentes des personnalités scientifiques qui la composent. Et je voudrais à mon tour saluer les quatre nouveaux membres que vous accueillez aujourd'hui, au cours de cette séance solennelle : MM. Thibault DAMOUR, Jean-Louis MANDEL, Bernard MEUNIER et Dino MORAS.
Votre Académie a été fondée en 1666 à l'initiative de Colbert, conscient déjà de l'importance que prenait le mouvement de la pensée scientifique. En 1795, la Convention lui confère " la charge, pour toute la République, de recueillir les découvertes, de perfectionner les sciences et les arts ".
En tant que ministre de la Recherche, je voudrais aujourd'hui réfléchir avec vous au rôle de l'Académie des sciences dans la République.
La République a besoin de savants
Vous connaissez la phrase absurde qui avait été prononcée en 1794 par le Tribunal révolutionnaire en prononçant la condamnation à mort de Lavoisier, qui était membre de votre Académie : " La République n'a pas besoin de savants ".
Je pense évidemment tout le contraire. Comme Pierre Mendès France qui déclarait dans son premier discours d'investiture en 1953 : "La République a besoin de savants. Leurs découvertes, le rayonnement qui s'y attache et leurs applications contribuent à la grandeur d'un pays".
Près de 50 ans plus tard, en 2000, il appartient plus que jamais à la recherche de préfacer et de préparer l'avenir.
Je souhaite donner un nouvel élan à la recherche, en m'appuyant sur votre Académie qui a un rôle stratégique.
Nous devons ensemble poursuivre 4 objectifs principaux : rajeunir la recherche, développer la culture scientifique, ouvrir celle-ci sur le monde et, enfin, rapprocher la décision publique de l'expertise scientifique au service d'une science humaniste.
Rajeunir la recherche
Votre Académie a toujours fait confiance à la jeunesse. Il nous faut aujourd'hui rajeunir la recherche pour la renouveler. J'entends donc soutenir les jeunes chercheurs et leur donner des perspectives concrètes.
Nous constatons aujourd'hui un double phénomène. D'un côté, le vieillissement de la recherche française : l'âge moyen des chercheurs est aujourd'hui élevé. De l'autre, un phénomène de "file d'attente", avec la difficulté des jeunes chercheurs à s'insérer dans notre appareil de recherche.
Les recrutements deviennent de plus en plus tardifs : l'âge de recrutement, qui se situait naguère autour de 25 ans s'est très sensiblement décalé au-delà de 30 ans. Résultat : le nombre de post-docs français à l'étranger est importante : 41,5 % d'entre eux se trouvaient aux Etats-Unis en 1995. Cela serait positif, au plan de l'ouverture scientifique, s'il y avait toujours ensuite, retour en France, ce qui n'est pas le cas.
Cet exil forcé de cerveaux représente une perte de substance et presque un gâchis de matière grise. L'Etat investit des sommes importantes pour former des docteurs, souvent de grande qualité, dont beaucoup s'expatrient, faute de parvenir à trouver un emploi en France.
Pour remédier à cette situation préoccupante, qui est préjudiciable au renouvellement de la recherche, il faut définir une véritable politique de l'emploi scientifique.
La décennie qui va s'ouvrir constitue un moment privilégié pour cette opération de jouvence. En effet, elle sera marquée par des départs massifs à la retraite. Nous devons anticiper ces départs et mettre en place une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs, qui fasse place dès maintenant aux jeunes docteurs.
Soutenir les jeunes chercheurs, c'est aussi leur donner plus d'autonomie scientifique et faciliter leur prix de responsabilité. Les jeunes chercheurs doivent pouvoir se consacrer à des projets innovants, à des thématiques personnelles, éventuellement distinctes de celles de leur équipe de rattachement, pour favoriser l'émergence de disciplines nouvelles.
Pour aider les jeunes équipes qui présentent des projets innovants , qui explorent de nouveaux champs disciplinaires et de nouvelles directions de recherche, je poursuis donc l'Action Concertée Initiative Jeunes Chercheurs.Cette procédure d'appel d'offres favorise la souplesse, l'initiative et la créativité.
Développer la culture scientifique
Le deuxième objectif prioritaire est de développer la culture scientifique comme le fait votre Académie.
Votre Président, Guy OURISSON, reprenant l'expression de Paul LAFARGUE revendiquait "le droit à la paresse en tant que droit académique".
Le paradoxe n'est qu'apparent. Le pamphlet publié en 1880 par LAFARGUE est un appel vibrant à l'époque future où l'essor de la technique abolira l'asservissement au travail contraint, en augmentant le temps de vivre et donc aussi le temps de réfléchir, de concevoir, de méditer.
Exerçant ce "droit à la paresse" célébré avec ironie par votre Président, votre Académie produit actuellement 14 Rapports sur la Science et la Technologie, en sollicitant la compétence et la force de travail de ses membres, mais au-delà , en mobilisant aussi une bien plus large communauté scientifique.
La liste des thèmes spécifiques est très stimulante. Elle concerne des secteurs scientifiques en plein développement (nanosciences, systèmes moléculaires, organisés, sciences aux temps ultracourts), mais aussi des spécialités peut-être imprudemment négligées dans un passé récent (radiochimie, systématique et diversité biologique,.. voire physiologie humaine et animale). Elle englobe des sujets sensibles comme "l'expérimentation animale" ou des activités novatrices comme "l'ingénierie des territoires". Le Ministre de la Recherche et les Services dont il a la responsabilité consulteront avec soin les documents que vous voudrez bien leur adresser, même si l'objet de vos travaux mérite, cela va de soi, une bien plus large diffusion dans notre pays.
Je veux aussi rendre hommage à un autre aspect de votre activité, la rénovation de votre publication séculaire, modestement intitulée "les Compte-Rendus" qui a retrouvé une nouvelle jeunesse grâce à l'action déterminée de vos secrétaires perpétuels et de tous ceux qu'ils ont su convaincre d'apporter leur concours comme rédacteurs ou rapporteurs.
L'an dernier, huit mille cinq cents pages d'articles scientifiques de haut niveau y ont été publiés.
S'ouvrir sur le monde
Le troisième objectif c'est de s'ouvrir vers le monde. Ce que les scientifiques font depuis toujours. Louis PASTEUR disait : "la science n'a pas de patrie". Elle est en effet le patrimoine commun de l'humanité. La connaissance est une, par-delà les frontières, qui sont souvent des cicatrices de l'histoire.
Votre Académie veille à stimuler les échanges entre scientifiques, en s'appuyant sur les critères d'excellence et à développer les relations académiques bilatérales et multilatérales. En particulier, grâce au dynamisme de votre délégation aux relations internationales animée par Monsieur Yves QUERE.
Au plan bilatéral, vous avez signé des accords avec trente sept académies étrangères .
Au plan multilatéral, votre Académie où ses membres participent activement aux travaux de l'UNESCO, du Conseil de l'Europe, de l'ALLEA (Alliance des académies européennes), de l'IAP (Inter Academy Parel), de l'ICSU (Conseil international pour la science), de la TWAS (Académie des Sciences du Tiers-Monde) et du COPED (Comité des pays en voie de développement).
Elle participe bien sûr aussi au suivi de la politique scientifique de l'Union européenne et du 5ème PCRD.
L'expérience ainsi accumulée pourrait aider notre Ministère à mettre en uvre un projet que j'ai soumis à mes collègues ministres de la Recherche des quatorze autres pays de l'Union européenne, dont la France va assurer la Présidence au second semestre : créer une Académie des sciences européenne.
Cet organisme d'excellence scientifique, qui pourrait siéger à Strasbourg, serait l'équivalent de l'Académie des sciences des Etats-Unis. Elle serait chargée d'organiser sur tous les sujets une expertise scientifique de haut niveau. Haute autorité indépendante, cette Académie européenne rendrait ses avis au Conseil, à la Commission et au Parlement européen.
Cette Académie compterait environ cent membres émanant des diverses académies nationales et pourrait s'adjoindre le concours d'experts choisis sur une liste d'environ deux mille noms.
Je souhaite aussi lancer une Agence européenne de diffusion scientifique et technique : Cette Agence diffusera les résultats de la recherche européenne auprès des entreprises et des médias de nos quinze pays, dont les sources sont aujourd'hui essentiellement américaines.
Mais revenons à votre Académie, dont je voudrais saluer en particulier une initiative majeure : la création de la Fondation nationale Alfred Kastler en décembre 1993. La FNAK a pour vocation d'améliorer l'accueil en France de chercheurs étrangers de haut niveau et d'organiser un suivi après leur retour dans leur pays.
La Fondation agit en particulier pour faciliter la nécessaire mobilité des chercheurs étrangers et a lancé la carte de "Chercheur invité ".
Rapprocher décision publique et expertise scientifique
Dernier objectif : rapprocher décision publique et expertise scientifique. La communauté des savants et les autorités politiques doivent conduire un dialogue suivi. Les décideurs politiques ont besoin de vos conseils sur beaucoup de sujets.
Ainsi, votre Académie a rendu il y a quelques jours un avis, très éclairant, sur les problèmes posés par la transposition de la directive européenne du 6 juillet 1998 sur la protection juridique des inventions biotechnologiques.
Nous avons besoin de règles qui concilient les impératifs de l'éthique et les besoins de la recherche. Et ces règles doivent être convergentes ou communes au plan européen et au-delà, au plan international.
Les 24 et 25 juin prochains, je réunirai près de Bordeaux le G8 Recherche (le Groupe Carnegie) élargi à la Chine, à l'Inde, au Brésil et au Mexique. Les douze ministres de la Recherche, ainsi réunis sous présidence française, réfléchiront ensemble aux questions posées par la bioéthique et par l'éventuelle brevetabilité du génome humain.
Leur réflexion sera éclairée par la réunion, les 22 et 23 juin à Bordeaux, d'un Colloque organisé par le ministère de la Recherche, qui rassemblera des biologistes et des juristes des mêmes douze grands pays pour débattre ensemble sur le thème suivant : "Sciences du vivant, éthique et société".
Le Comité d'organisation de ce colloque international est présidé par le Professeur Jean DAUSSET et a pour secrétaire général le Professeur François GROS, secrétaire perpétuel de votre Académie, que je remercie très vivement.
Trois thèmes de réflexion ont été retenus :
cellules souches et cellules embryonnaires humains,
collections d'échantillons biologiques d'origine humaine et bases de données de séquences génétiques,
brevets et génome humain.
Créer une Académie des Technologies
Je voudrais terminer par un dernier point
Je connais et j'apprécie vivement les activités du CADAS, le Conseil académique pour le développement de l'application des sciences. J'ai reçu récemment son Président, Monsieur Pierre CASTILLON.
Comme lui, j'ai le projet de créer à partir de ce CADAS, une Académie des Technologies, qui se consacrerait plus spécialement à ce secteur, devenu si essentiel au moment où les techniques et en particulier les nouvelles technologies prennent un essor exceptionnel.
Je souhaite que cette Académie des Technologies puisse être créée au 1er janvier 2001, pour accompagner l'entrée dans le nouveau siècle, qui sera plus que jamais, le siècle des arts, des sciences et des techniques.
Mesdames, Messieurs,
Votre Académie ne se borne pas à repousser toujours plus loin les limites du savoir. Elle incarne aussi, au sein de la République, constituée autour des valeurs de 1789, une certaine idée de la science.
Une science au service de l'homme et de la société. Une science humaniste, produit conjoint de la recherche et de l'éthique.
Vous êtes, au double sens, des femmes et des hommes de lumières. Parce que vous faites sans cesse avancer la connaissance et parce que vous la mettez au service du progrès humain.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 22 juin 2000)