Lettre de M. Charles Millon, président de la région Rhône-Alpes et président de La Droite, publiée dans "Le Monde" du 11 mai 1998 en réponse à un article paru le 4, et interviews à France-Inter le 20, dans "Paris-Match" le 21, et à France 2 le 24, sur la création de son mouvement "La Droite", son élection à la présidence de la région grâce aux voix du FN et sur ses relations avec ce parti.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - France 2 - France Inter - Le Monde - Paris Match

Texte intégral

Le MONDE, 11 mai 1998

Depuis mon élection à la présidence du conseil régional de Rhône-Alpes, le 20 mars, nous sommes entrés dans l'ère du soupçon. Il n'est pas un jour où la situation politique à la région ne suscite amalgames et fantasmes de toutes sortes sur l'accord que j’aurais, à en croire certains, passé avec les élus du Front national. (…)

Faisant mentir les pronostics les plus pessimistes et les plus intéressés, force est d'abord de constater que la région Rhône-Alpes est aujourd'hui en ordre de marche. Son exécutif a été désigné, son règlement intérieur et son budget adoptés, et ses commissions constituées selon les règles prévues par la loi et sans que mon programme soit modifié ni que le FN exerce la moindre responsabilité au sein de l’exécutif. N’en déplaise aux jeteurs d’opprobre, la majorité régionale que je conduis peut désormais mettre en œuvre tout ce programme et rien que son programme, en faveur duquel le suffrage universel s'est prononcé. Tout le reste n'est que mauvaise littérature.

Aujourd’hui, la gauche agite le chiffon rouge de la culture en s’indignant de l'élection de vice-présidents de la commission issus du groupe FN, en particulier celle de Pierre Vial, dont la présence à la commission culture ferait, selon elle, peser une menace sur la politique culturelle de la région. Dois-je rappeler que, de 1992 à 1998, le Front national a détenu - avec l'accord des groupes socialiste et communiste - neuf vice-présidences de la commission ? Dois-je également rappeler que, déjà, M. Vial était vice-président de la commission des affaires culturelles, sans que la gauche y trouve alors matière à polémique ni que la politique culturelle déterminée par notre équipe s’en trouve infléchie ?

Si vous aviez pris soin de relire ma déclaration de candidature ou, simplement, de vérifier le déroulement exact des événements, vous auriez d'abord souligné que j'ai proposé officiellement aux représentants de tous les groupes d'attribuer l'ensemble des responsabilités au sein des commissions à la proportionnelle. Ceux de la gauche « plurielle » ont refusé. Considérant qu'il est nécessaire et normal que l'ensemble des sensibilités politiques siège au bureau des commissions, j'ai ensuite proposé que les vice-présidences des commissions reviennent à des élus de la gauche « plurielle », du Front national et des différents groupes représentés, comme cela a été le cas à la région Rhône-Alpes, durant la précédente mandature, à la suite d'un accord unanime. Le PS et le PC ont, là aussi, refusé mon geste d'ouverture et préférer pratiquer la politique de la chaise vide. Deux élus socialistes ont été élus premiers vice-présidents de la commission développement rural et agriculture et de la commission enseignement supérieur et recherche, mais ont démissionné. (…)

Pas plus en Rhône-Alpes que dans les autres régions, les commissions n’ont de pouvoir de décision. Aujourd'hui comme hier, c'est à l’exécutif régional et à son président qu'il appartient de définir la politique régionale. Cela sans passer d'accord culturel ou pour toute autre politique régionale. Oui, nous croyons que la culture est un droit de l'homme et du citoyen. Et c'est la raison pour laquelle la région Rhône-Alpes poursuivra dans la voie qu'elle a tracé depuis 10 ans, respectueuse des convictions et de la liberté de tous.

France inter - mercredi 20 mai 1998

Une guerre politique vient-t-elle de commencer au plus haut niveau de l’État entre le Président de la République et le Premier ministre ? L'affaire Tiberi et les questions posées par le fonctionnement de la mairie de Paris mettent en cause J. Chirac pour la fonction qu'il occupait à l'Hôtel de ville. Hier après-midi, c'est L. Jospin qui était la cible du RPR. Devedjian, ancien d'avocat de J. Chirac, évoquant l’emploi fictif que le Premier ministre aurait occupé de 1994 à 1997 lorsqu'il était haut fonctionnaire en disponibilité au ministère des Affaires étrangères. Dans le même temps, l’opposition, à marche forcée, tente sa réorganisation et après l’Alliance, propose la création d'un groupe commun à l'Assemblée nationale. Est-ce le début de la fin de la cohabitation ?

S. Paoli
Dans un entretien que publie Le Figaro, vous conseillez au Président de la République de se défier de la cohabitation. Vous la jugez perverse ?

C. Millon
- « Je l'ai toujours jugée perverse, mais je crois qu'elle ne l’a jamais été autant car on donne l’impression aux Françaises et aux Français qu'il y a une communauté de pensées entre le Président de la République et le Premier ministre alors qu'en fait, dans les couloirs ou dans les bureaux des formations politiques, il y a une guerre sourde qui est forte et qui vient entacher les intérêts du pays. »

S. Paoli
La communauté de pensées, ce matin, il faut la chercher avec une lampe frontale ! C'est une guerre qui a commencé.

C. Millon
- « Bien sûr, je crois que c'est une guerre. C'est la raison pour laquelle, je crois que le Président de la République doit garder toute la grandeur de sa fonction, doit rester une référence, doit montrer aux Françaises et aux Français quel est l'intérêt national, quels sont les choix de société qui leur sont proposés et qu'il fasse bien la distinction entre les choix de société de gauche et les choix de société de droite pour éviter toute confusion. »

S. Paoli
Vous défendez une vraie bipolarisation de la vie politique française ? Il faut que la droite soit vraiment à droite, et la gauche à gauche ?

C. Millon
- « Tout à fait. Je crois que la démocratie, c'est l’alternance, et que la respiration de la démocratie, c'est le fait qu'on puisse voir se succéder au Gouvernement une majorité de gauche ou une majorité de droite. Toutes les grandes démocraties, que ce soit la démocratie anglaise, allemande, espagnole, américaine, nous le démontrent régulièrement. »

S. Paoli
Avec vous, il y a quand même la question de l'extrême droite qui est posée ! La démocratie, cela ne va pas jusqu'au Front national ?

C. Millon
- « Je vous ai parlé de grands partis de droite et de de grands partis de gauche. L'extrême droite est la conséquence d'une mauvaise organisation de la vie politique française. Pourquoi les gens sont allés voter extrême droite ? Par dépit, par colère et par protestation. Parce qu'ils se rendaient compte que les partis classiques, surtout de droite d’ailleurs, étaient incapables de s’organiser, étaient incapables de porter un programme et des convictions fortes, étaient incapables de mettre en œuvre la politique qu'ils annonçaient dans leur campagne électorale. Vous avez un certain nombre de personnes qui sont allées se réfugier. Aujourd’hui, il est du devoir de la droite de faire un grand congrès - c'est ce que j'appelle de mes vœux - qui fonde une grande formation de droite. Non pas à partir des jeux d’appareil, mais à partir de la volonté populaire, c'est ce que je souhaiterais faire à travers le mouvement. La droite que j'ai l'honneur d’animer, mais aussi à travers toute l’action politique que je dirige et que je mène. »

S. Paoli
Qu'est-ce qui peut se passer aujourd'hui lorsque J. Chirac, qui vient chez vous à Lyon, dit que le Front national est un parti raciste, xénophobe, antisémite. C'est quand même un homme de droite J. Chirac, il entre dans le créneau que vous venez de définir ?

C. Millon
- « Tout à fait. »

S. Paoli
Sur le Front national, il n'est pas sur la même ligne que vous.

C. Millon
- « Je n'ai jamais dit que j'acceptais les thèses xénophobes, racistes et antisémites. Je crois même que j'ai démontré à plusieurs reprises que j'étais capable de prendre des positions parmi les plus tranchées. Je crois qu'au Front national, il y a des dirigeants qui ont des thèses xénophobes, racistes et antisémites. Il convient de condamner ces thèses. Il convient de demander à ces dirigeants de faire repentance. Et puis, il y a des élus et des électeurs qui sont au Front national par dépit, par colère ou par protestation. Je crois que l'art en politique est de savoir faire le distinguo, car si on continue à traiter 15 % de Français comme étant des racistes, eh bien, bonjour demain ! »

S. Paoli
C'est quand même pas d'une absolue lisibilité. Vous avez été exclu de l’UDF, vous avez le plus grand mal à pouvoir rejoindre maintenant l’Alliance.

C. Millon
- « Je n'ai pas du tout le plus grand mal à rejoindre l’Alliance ! Ce n'est pas du tout mon objectif. Je suis animateur d'un mouvement qui s'appelle La Droite, qui cherche à faire émerger une grande formation de droite en France. J'ai été exclu de l’UDF soit, je suis adhérent à Démocratie libérale. Cela, c'est les problèmes des partis parisiens. Moi, je ne pense qu'une seul chose, c'est que tant que la droite n'aura pas une grande formation politique qui soit forte, qui soit structurée, qui soit enracinée dans le peuple de droite et qui soit porteuse de convictions et d’idéaux, eh bien, à ce moment-là, il y aura des problèmes, et il y aura une dérive à l'extrême droite. »

S. Paoli
Vous êtes en train de nous dire que La Droite n'a pas pour ambition de rejoindre l’Alliance ?

C. Millon
- « J’ai un mouvement politique, je n'ai pas un parti politique. Je le dis depuis le début, j'ai un mouvement qui a pour objectif de faire émerger une grande formation politique, qui soit une formation politique enracinée dans le peuple, qui soit la conséquence d'un grand congrès fondateur où toutes celles et tous ceux qui sont attachés aux convictions de droite viennent constituer une grande formation. On peut prendre exemple sur les socialistes. Les socialistes ont fait Épinay. Ils ont démontré qu'à partir de ce moment-là, la marche vers la victoire était engagée. »

S. Paoli
Mais vous n’allez pas vous retrouver un peu seul, au moment où justement RPR et UDF envisagent la création d'un groupe commun à l’Assemblée. Vous êtes un peu, de votre côté, tout seul, non ?

C. Millon
- « Je ne suis pas tout seul. Je suis avec toutes celles ou tous ceux qui m’écrivent, qui viennent me soutenir dans les manifestations, qui viennent organiser les conférences, qui viennent organiser les permanences et qui sont d'accord avec moi. Il y a un certain nombre d'hommes politiques qui savent très bien que les jeux d’appareils ou les techniques de replâtrage que l'on met en place ici ou là, ne sont pas suffisantes pour lancer cette grande formation politique que j'appelle de mes vœux. »

S. Paoli
Replâtrage ? Il y en a certains qui vont vous retourner le compliment. Vous dites que le Front national doit faire repentance, il n'empêche que quand vous acceptez des voix du Front national, vous n'êtes pas dans une situation très lisible non plus !

C. Millon
- « Cela n'a strictement rien avoir ! »

S. Paoli
Cela pose au moins une question !

C. Millon
- « Moi, j'ai un programme, tout un programme, rien qu'un programme ! Sur ce programme, des voix sont venues dire : nous votons pour la personne qui applique ce programme. Est ce qu'il fallait que je dise : ah, non, il faut absolument pas que j'applique mon programme. Il faut que je donne, en réalité, la place à une gauche minoritaire comme en Île-de-France qui est actuellement incapable d'appliquer son programme, qui actuellement est en train de violer les procédures démocratiques pour pouvoir imposer un budget contre la grande majorité du conseil régional d’Île-de-France ! Je crois qu'il va falloir avoir un peu la mesure ! Aujourd’hui, en Rhône-Alpes, il y a une majorité. Il y a une majorité relative soit, qui appliquent un programme qui met en œuvre un budget et qui n'a fait aucune concession sur quoi que ce soit. »

S. Paoli
Qu'est-ce que vous tireriez comme conclusion aujourd’hui, si chaque J. Chirac ne vous rencontre pas ?

C. Millon
- « Mais il me rencontrera. »

S. Paoli
Vous êtes sûr ?

C. Millon
- « Bien sûr. »

S. Paoli
Et il vous dira quoi, et vous lui direz quoi, vous ?

C. Millon
- « Les entretiens privés, je n'ai jamais eu l’habitude… »

S. Paoli
Vous savez bien que ce n'est pas privé ! Arrêtons, si vous le voyez aujourd’hui, ce n'est pas privé !

C. Millon
- « C’est un entretien entre lui et moi, si on doit le rendre public on le rendra public. »

S. Paoli
Vous savez bien que c'est un signe politique, si vous vous voyez tous les deux ?

C. Millon
- « Oui, c'est un signe politique. Le Président de la République salue un président de conseil régional. Cela me paraît normal. »

S. Paoli
Après avoir dit ce qu'il a dit sur le Front national et alors qu’encore une fois, pardon d’insister, vous, vous acceptez les voix du Front ?!

C. Millon
- « Attendez, si vous voulez que l'on continue à rabâcher… »

S. Paoli
C'est une réalité politique !

C. Millon
- « La réalité politique est qu’il y a un programme, que sur un programme, que sur ce programme, il y a un homme qui incarnait ce programme et sur cet hommes sont arrivées un certain nombre de voix. Est-ce qu'il y a eu des concessions ? Non ! Est-ce qu'il y a eu un marchandage ? Non. Est-ce qu'il y a eu un accord secret ? Non ! Alors, on va arrêter parce qu’autrement, c'est véritablement de l'acharnement médiatique sur un sujet qui n'en mérite pas autant ! C'est la première chose. Deuxièmement, le Président de la République a fait part d'un certain nombre de ses réflexions et de ses remarques, et je le dis tel que je le pense, je crois qu'effectivement il faut lutter de toutes ses forces contre la xénophobie, contre le racisme, contre l'antisémitisme. Cela n'empêche qu'il y a un Président de la République qui porte un projet politique et qui rencontre un président d'une institution qui est la région. Je crois que dans une République, on se salue. C'est tout. Il n'y a pas d'ostracisme. Car s’il y a de l’ostracisme, dans ce cas, il faut légiférer dessus et puis, il faut dire qu'il y a des personnes en dehors du jeu politique. »

S. Paoli
On aura de toute façon la réponse dans la journée. Vous êtes en situation de pouvoir gouverner facilement ou pas ? Je parle de la région.

C. Millon
- «  Je suis en situation de gouverner. Facilement, le qualificatif, l'adverbe est peut-être de trop, mais je suis en situation de gouverner. »

PARIS-MATCH, 21 mai 1998

Paris-Match
Qui vous a donc conspué avec autant de violence le 8 mai à Belley ?

C. Millon
- « Un collectif de gauche et d'extrême gauche, m’a-t-on dit. Des cars entiers sont venus de Vitrolles, Vénissieux, Lyon, Grenoble et d'autres villes du sud-est de la France. Ils étaient huit cents, prêts à la bagarre. J'ai senti une violence, une haine incroyable. Cette intolérance prouve que la gauche est dépassée par les mouvements d'extrême gauche. »

Paris-Match
À la région, il se passe sans cesse quelque chose : encore ce week-end, l'un de vos vice-présidents a démissionné. Quant à Charles Mérieux, père de votre ami Alain Mérieux, il a déclaré que « ça ne marchera pas » et qu'il vaudrait mieux vous remplacer. Alors comment faites-vous pour trouver encore une majorité ?

C. Millon
- « Comme je le fais depuis dix ans. Sur chaque projet politique, je trouve une majorité différente. Pour le projet « Financement des lycées privés sous contrat », j'ai obtenu une majorité UDF-RPR-Front national. Mais dans d'autres domaines, tels que les transports, j'ai eu une majorité avec les voix des écolos ou des socialistes. Les critiques de mes détracteurs sont sans rapport avec la réalité. Un exemple. Depuis 1992, jamais Pierre Vial, FN, vice-président chargé de la culture, avec l'assentiment du PSG, n'avait été contesté. Aujourd'hui, son élection provoque des cris d’orfraie. »

Paris-Match
Cela vous dérange-t-il d'avoir été exclu de l'UDF ?

C. Millon
- « Je suis attristé de voir que mes amis ne sont plus capables de débattre face à la révolte et à la lassitude des gens qui se réfugient sur un vote protestataire ou extrémiste. L'exclusion est un geste de faiblesse de leur part, ce n'est pas une mesure qui pousse à l’union. »

Paris-Match
Même l'Association des présidents de région, présidée par Giscard, veut vous exclure !

C. Millon
- « Je n'ai ni honte ni repentance pour mon geste, je l'assume totalement. »

Paris-Match
Quand Bernard-Henri Lévy vous traite par deux fois de « crétin » dans son bloc-notes du « Point », qu’avez-vous envie de lui répondre ?

C. Millon
- « B.-H. L. démontre par là son manque de tolérance et d'ouverture d'esprit. Mais je préfère être un crétin qu’un mondain ! »

Paris-Match
Parlons de votre mouvement, La Droite. Où se situe-t-il sur l’échiquier de la droite traditionnelle. Qu’a-t-il de plus ?

C. Millon
- « Nous sommes une droite sans complexes qui dira ce qu'elle pense et ce qu'elle veut. Nous n'en pouvons plus du politiquement correct, du conformisme, de la pensée unique. En réalité, nous rêvons d'un vrai retour du politique face à une technocratie omniprésente. »

Paris-Match
Êtes-vous toujours proche de Chirac ?

C. Millon
- « J’étais au dîner des amis de Jacques Chirac la semaine dernière. C'est tout dire. »

Paris-Match
Justement, le 20 mai, le Président de la République effectuera un déplacement officiel dans le Rhône pour participer, entre autres, au Congrès national des notaires. Êtes-vous invité ? Irez-vous ?

C. Millon
- « Je serai présent, sauf si je suis persona non grata. »

Paris-Match
Qu’est-ce qui vous différencie du Front national ?

C. Millon
- « Je ne suis ni protectionniste, ni pour la préférence nationale, ni xénophobe, ni raciste. »

Paris-Match
Qui trouve-t-on parmi vos sympathisants ?

C. Millon
- « En trois semaines d'existence, La Droite a reçu plus de vingt mille lettres de soutien. Pour l'instant, nous avons gardé ma permanence de campagne et seuls des bénévoles y travaillent. Mais le 7 juin, à Paris, à la Défense, nous tiendrons notre première grande réunion avec tous ceux qui veulent animer le mouvement partout en France. Parmi nos sympathisants, il y a beaucoup de RPR, d’UDF, de DI (Démocratie libérale de Madelin), bref, de nombreux déçus du RPR et de l’UDF. »

Paris-Match
Quel but poursuivez-vous ?

C. Millon
- « Susciter l’émergence d’un grand parti de droite sur le modèle de la CDU allemande ou du Parti conservateur britannique. Face aux socialistes, il pourra assumer l’alternance. »

Paris-Match
L’UDF et le RPR sont aujourd'hui en pleine turbulences. Quelles réflexions cela vous inspire-t-il ?

C. Millon
- « Les appareils sont aveugles, ils ne voient pas que les gens de droite sont désespérés par leurs comportements et leur manque d’écoute. À mes collègues politiques, je crie « casse-cou ». »

Paris-Match
Vous ennemis vous accusent d'avoir légitimé le Front national en acceptant de pactiser avec lui. Que leur répondez-vous ?

C. Millon
- « Ce n'est pas moi qui l'ai légitimé. Le Front national est un parti reconnu et subventionné par l'État depuis des années. D'un côté, on l'autorise, de l'autre, on l'isole. Qu'est-ce que cela veut dire ? Si ce parti est vraiment insupportable, que ceux qui l’ont légitimé décident alors d'aller jusqu'à l'instruction de son interdiction ! »

France 2 - le 24 mai 1998

 

Michèle Cotta. - Bonjour. Une fois de plus, les juges bousculent le monde de la politique et les journalistes aussi qui souvent leur emboîtent le pas. La mairie de Paris a été au centre du jeu cette semaine avec l'audition pendant sept heures à la police judiciaire de Versailles de Xavière Tiberi. Polémique à l'Assemblée nationale entre l'opposition et le Premier ministre, instruction donnée par Lionel Jospin à ses ministres de ne pas commenter les instructions en cours, appel au calme du Président de la République et du chef du Gouvernement, rien n'y a fait. Pour le moment, l'atmosphère reste lourde, nous y reviendrons dans la deuxième partie de cette émission. Tout de suite, notre invité est Charles Millon, président du conseil régional de Rhône-Alpes, créateur du mouvement La Droite, que nous allons interroger avec Paul Guilbert du Figaro. Charles Millon, la commission permanente du conseil régional en Rhône-Alpes a rejeté mercredi 18 dossiers sur les 89 que vous lui aviez proposés parmi lesquels la bourse des étudiants. Les élus du Front national ont voté donc contre 18 de ces dossiers. Est-ce que ce n'est pas la preuve que vous ne pouvez rien faire dans votre conseil régional sans les voix du Front national ?

 

Charles Millon (président conseil régional Rhône-Alpes). - Non, c’est la preuve que les socialistes et les communistes ont complètement changé d’attitude et au lieu comme depuis 10 ans dégager des majorités sur des projets, ils ont décidé de bloquer l’institution. C’est-à-dire qu’ils se foutent totalement des Rhône-Alpins, la seule chose qui les intéresse, c’est en fait de faire sauter le président qui selon eux, selon leur credo, ne devrait pas être président bien qu’il ait été élu par les conseils régionaux et qu’il ait eu la majorité dans le conseil régional Rhône-Alpes. Donc en fait, c’est eux, ils ont voté contre tous les projets. C’est extraordinaire d’ailleurs parce que Monsieur Queyranne a fait voter contre les crédits qui doivent être donnés à Bron pour la politique de la ville. Donc, je pense que les agriculteurs de Bron sont quand même intéressés de voir leur maire faire de la politique politicienne sur le dos des citoyens de Bron.

Paul Guilbert. - Donc, ils veulent peut être administrer la preuve - et c’est peut être leur droit - que vous ne pouvez pas gouverner sans le Front national.

Charles Millon. - Mais de toute façon, depuis 12 ans, le conseil régional Rhône-Alpes n’a pas de majorité depuis 12 ans…

Paul Guilbert. - Si, vous dites qu’il y avait des majorités tournantes un peu, suivant les projets…

Charles Millon. - Bien sûr, on va continuer…

Paul Guilbert. - Mais s’il n’y en a plus ?

Charles Millon. - Mais on va continuer à avoir des majorités tournantes. Parce que si véritablement la gauche veut bloquer l’institution, d’abord elle fait une démonstration grandeur nature que ce qui l’intéresse, c’est leur parti, c’est la gauche, ce n’est pas les Rhône-Alpins. C’est-à-dire que lorsqu’il va falloir faire la politique de la ville à Rieux-la-Pape (phon) ou à Vaulx-en-Vélin, ils préfèrent, eux, bloquer, c’est-à-dire dire aux gens de Vaulx-en-Vélin et de Rieux, vous allez rester dans la mouise parce que nous, on a envie d’ennuyer Millon. Ça, c’est le premier point.
Deuxième point, il y a les 3 500 étudiants qui doivent partir dans trois ou quatre mois pour pouvoir aller faire leurs études à l’étranger. Ces 3 500 étudiants, le Front national a toujours voté contre ce type de bourse. La gauche, elle, avait voté pour. Elle préfère bloquer l’institution et que ces 3 500 étudiants ne puissent pas faire des études approfondies pour poursuivre un objectif purement politicien, dire, Millon vous devez partir. Eh bien, je ne partirai pas.

Michèle Cotta. - Franchement, on a l'impression que vous pardonnez tout au Front national et rien à la gauche.

Charles Millon. - Pas du tout. Je ne pardonne rien à personne moi. Je suis une politique, j'ai un programme, rien qu'un programme, tout un programme. Je n'ai fait aucune concession, depuis maintenant deux mois tous les jours, tous les jours, que ce soit les hommes politiques, que ce soit certains médias, annoncent que demain je ferai des concessions. Je n'ai fait aucune concession, alors maintenant d’ailleurs…

Paul Guilbert. - Vous n'avez jamais songé à démissionner? Ça ne vous a jamais effleuré l'esprit ?

Charles Millon. - Jamais, ah non pas du tout. Parce qu'un homme politique quand il est élu, il est élu sur un programme, pour faire une politique. Il n'est pas élu pour démissionner.

Michèle Cotta. - Avec quelles que voix… qu’il soit élu… toutes les voix sont bonnes à prendre ?

Charles Millon. - Mais moi, je suis contre le mandat impératif. Je suis pour le mandat représentatif. La grande force de la démocratie française c'est de refuser le mandat impératif. Vous savez, le mandat impératif, il n'existe que dans un seul type de démocratie. C'est la démocratie populaire. Alors je ne sais pas si en France on veut rétablir un système où les directeurs de partis téléphonent…

Michèle Cotta. - Ce n’était pas ça qu’on vous demandait !

Charles Millon. - Ah mais oui mais attendez, le problème là, moi j'ai des conseillers régionaux qui ne m'ont demandé aucune concession et qui ont dit « nous on préfère Monsieur untel à Monsieur X. » C’est tout.

Paul Guilbert. - Alors à partir de cette attitude politique, vous créez un mouvement, La Droite, peut-être parce que vous êtes exclu de l'UDF. Quel est votre objectif, là, exactement ? C'est récupérer les électeurs du Front national ou d'autres déçus ? Est-ce que vous ne craignez pas plutôt d'être absorbé par eux ?

Charles Millon. - Le 20 mars dernier quand j'ai été élu comme j'ai été élu, j'ai posé un « acte questions » qui a fait… qui a provoqué un séisme dans le monde politique, vous mêmes l’avez écrit, les uns et les autres. Et à partir de ce moment-là, on s'est aperçu que s’il n'y avait pas de droite forte, classique, on allait un jour être confronté dans un combat entre une droite… une gauche arrogante et puis une extrême droite conquérante. Je ne veux pas cela pour mon pays. Je veux qu’il y ait une droite qui se dise carrément de droite. Et j'ai déjà remporté une victoire, c'est qu'avant le 20 mars, quand on me disait que je suis à droite, les gens me regardaient avec des gros yeux en disant « comment, vous osez le dire ? » Tandis que maintenant…

Michèle Cotta. - Vous avez réhabilité la droite, vous le pensez ?

Charles Millon. - J’ai réhabilité le nom car quand Monsieur Barrot écrit dans Le Figaro « je suis de droite », je trouve cela extraordinaire moi. Quand je vois au congrès de Démocratie libérale comme au congrès du RPR tout le monde dit, nous sommes de droite, je trouve cela extraordinaire. Le clivage entre droite et gauche est réapparu. Or, je pense que dans une démocratie, il faut une alternance. Il faut que… on a deux jambes, on a une jambe de gauche, une jambe de droite et pour pouvoir avancer, on en pousse l'une après l'autre. Et je trouverais très grave pour mon pays qu'il n'y ait que la gauche et puis l'extrême droite…

Paul Guilbert. - Mais ne dites pas que vous ne songez pas à récupérer les électeurs du Front national quand même. Dans votre charte de fondation…

Charles Millon. - Mais je cherche à récupérer tous les électeurs de droite. Tous les électeurs de droite qu'ils soient au Front national, qu’ils n’y soient pas, qu’ils soient absentéistes, qu’ils soient au RPR et qui sont déçus - et j’en ai un certain nombre - qu’ils soient à l’UDF et qui sont déçus - j’en ai un certain nombre. Tous ceux là, je leur dis « venez, on va réfléchir ensemble comment faire dans notre pays une grande formation politique… non pas nous, comment la provoquer, comment faire émerger une grande formation du type CDU-CSU en Allemagne ou du type Parti conservateur en Angleterre.

Michèle Cotta. - vous dites dans votre entretien au Figaro de mercredi que vous serez aussi ferme que Jacques Chirac contre ceux qui profèrent des paroles d’exclusion. Mais franchement, est-ce que vous n'en avez jamais entendu prononcer, des paroles d'exclusion par les gens qui sont avec vous au conseil régional ?

Charles Millon. - Bien sûr, j'ai été très ferme et d'ailleurs Monsieur Gollnisch a fait une déclaration qui est très claire en assemblée avant même que le débat commence en disant, voilà tous les droits auxquels je suis attaché et parmi ces droits, il y avait le droit à la dignité de la personne humaine, autrement, je n'aurais pas accepté la moindre discussion, d'ailleurs, ils le savent très bien.

Paul Guilbert. - Alors, au sein de La Droite, votre nouveau parti, comme par hasard, les gens qui viendront du Front national d'un seul coup ne mériterons plus l'accusation lancée par Jacques Chirac de racisme, de xénophobie ? C'est une sorte de baptême Stral (phon).

Charles Millon. - Non mais Jacques Chirac, il n'a pas parlé des électeurs. Il y a quand même…

Paul Guilbert. - Il a parlé quand même de l'esprit d'un parti. Il a dû parler des chefs.

Charles Millon. - Il n’a pas parlé des électeurs. Il n'a pas parlé des 15 % de Français qui actuellement sont désappointés, révoltés, qui sont scandalisés par les affaires dont vous allez parler tout à l’heure, qui se disent « mais on n’en peut plus » et qui - j’allais dire par désespoir - vont voter l’extrême droite. Il n'a certainement pas parlé des élus aussi car il y a un nombre d'élus qui sont venus ici parce qu'ils ont été déçus par les partis politiques classiques.

Michèle Cotta. - Ici, vous voulez dire… ici c’est quoi « ici » ? Ici au Front national vous voulez dire ?

Charles Millon. - Au Front national, il y a un certain nombre de personnes qui sont allées au Front national comme élus parce qu'ils sont déçus par les partis politiques classiques. Tous ceux-là, je veux les récupérer. Je ne dis pas récupérer au sens vulgaire du terme…

Paul Guilbert. - Les électeurs inconnus ou anonymes, c'est ça votre objectif ?

Charles Millon. - Ce sont toutes les Françaises et les Français qui sont allés, j'allais dire se réfugier dans une formation politique qui n'est pas une formation politique tout à fait comme les autres par désespoir ou par dépit et qui ont envie qu’il y ait une vraie droite en France.

Paul Guilbert. - À l'occasion de votre prestation en Rhône-Alpes, votre réputation quand même en a pris un coup, vous y faisiez allusion tout à l'heure, est-ce qu'en général, les uns disaient « c’est un inconscient », d’autre disaient « c’est un cynique ». Vous y choisissez quoi ?

Michèle Cotta. - Il y a même eu des épithètes plus durs.

Paul Guilbert. - Il y a des épithètes plus durs mais là, je ne retiens que les deux concepts, l'inconscience et le cynisme. Vous acceptez plutôt lequel ?

Charles Millon. - Ni l’un ni l’autre. Je suis un homme de conviction, c'est tout et fidèle à ses électeurs. Parce que moi, j'ai fait une campagne électorale. J'ai pris des engagements vis-à-vis de mes électeurs, ces engagements, je les tiens, je suis en train de démontrer que je peux les tenir. Qu'est-ce qu'auraient pensé les électeurs de Rhône-Alpes si j'avais apporté sur un plateau la région Rhône-Alpes à des gens de gauche qui ont perdu les élections ? Mais ils auraient dit « mais à quoi ça sert ? » Vous savez les gens de Vaulx-en-Velin, je l'ai déjà répété 10 fois, je le répéterai 1 000 fois. Quand je suis allé chez eux, ils m'ont expliqué : Monsieur Millon, on ne veut plus voter pour la droite car quand on donne le pouvoir à la droite, elle veut faire de la politique de gauche, quand on donne le pouvoir à la droite, elle va s'allier avec la gauche. Nous, dorénavant, on ira voter pour l'extrême droite. Vous savez ce qui s'est passé à Vaulx-en-Velin ? Entre 6 et 7 % pour la droite parlementaire, entre 30 et 35 % pour l'extrême droite, 40 % pour la gauche. C'est ce que je ne veux pas. Je ne veux ni de Vaulx-en-Velin, ni de Toulon, je veux une démocratie où il y ait un équilibre entre la droite et la gauche.

Michèle Cotta. - Alors Philippe Séguin et François Léotard ont constitué l’Alliance et dans cette alliance a priori, ils ne vous englobent pas malgré tout ce que vous venez de dire. Alors est-ce que votre place est dans la nouvelle confédération ou est-ce que vous pensez comme vous l'avez dit un peu plus tard que cela avait été un accord entre appareils et que par conséquent, ce n'est pas grave que vous n’y soyez pas ? Est-ce que vous ne l'avez pas dit une fois que vous saviez… après avoir su justement qu'on ne vous y attendait pas ?

Charles Millon. - Attendez, pas du tout. Alors moi… on me demandait tout à l’heure si j’étais un cynique ou un inconscient, je vous ai répondu un homme de conviction. Depuis 10 ans, je demande qu’émerge dans le paysage politique français une grande formation politique de droite du type CDU-CSU en Allemagne. Depuis 10 ans, je demande un congrès d'Épinay de la droite un grand congrès fondateur de la droite. Si l'Alliance conduit à un grand congrès fondateur où il y a un militant une voix, où il y a une transparence financière totale, où il y a une désignation des candidats qui soit une désignation démocratique où il y a une connaissance exacte du nombre de militants dans chaque circonscription, dans chaque département etc. et pas de trafic de cartes, dans ce cas-là, je suis complètement d'accord pour cette démarche-là et je dis même bravo à ceux qui l’ont initiée. Si l’Alliance par contre est un arrangement d'état-major pour pouvoir déguiser une débâcle, si c'est simplement en réalité des jeux d’appareils, alors dans ce cas-là, ils me trouveront sur leur chemin et je continuerai à me battre pour que le grand congrès fondateur de la droite ait lieu.

Paul Guilbert. - Est-ce que vous auriez soutenu Alain Madelin dans sa décision puisque vous êtes membre de Démocratie libérale, ou vous l’étiez…

Charles Millon. - Je suis toujours de Démocratie libérale.

Paul Guibert. - Vous l’êtes toujours ?

Charles Millon. - Oui.

Paul Guilbert. - Ah bon. Est-ce que si vous étiez venu à son congrès…

Charles Millon. - Je suis toujours aussi membre du groupe UDF à l'Assemblée nationale. Je le précise.

Paul Guilbert. - Oui. Est-ce que vous approuvez l'entreprise d'Alain Madelin de se séparer de l'UDF ? Vous parliez de « débâcle » tout à l’heure.

Charles Millon. - Actuellement, c’est l'implosion de l’UDF… c'est l'implosion du RPR et c'est l'explosion de l’UDF. Tout le monde le constate, tout le monde le voit, ça va dans tous les sens…

Michèle Cotta. - Vous y avez un peu contribué quand même non ?

Charles Millon. - J’y ai contribué et je suis très content d'y avoir contribué car je pense qu'il faut effectivement qu’il y ait un congrès fondateur et que je pense que tous ces clivages qui existaient ne correspondent plus du tout à la réalité. Ils correspondent tellement peu à la réalité que les électeurs ne s'y retrouvent pas et parce qu'ils ne s'y retrouvent pas vont soit vers d’autres protestataires, soit vers l’abstention, soit vers le Front national. Alors je dis, soyons clairs, ayons le courage de remettre toutes les cartes sur la table.

Michèle Cotta. - Au Congrès des notaires à Lyon, Jacques Chirac vous a serré la main mais assez rapidement…

Charles Millon. - Comme d’habitude, hein, je vous le précise…

Michèle Cotta. - Est-ce que vous êtes devenu un allié encombrant pour lui ?

Charles Millon. - C'est à lui qu'il faut poser la question. Moi, je lui garde mon amitié.

Michèle Cotta. - Mais encombrant quand même… ça ne vous gêne pas d’être encombrant pour vos amis politiques ?

Charles Millon. - Pourquoi voulez-vous que je sois encombrant ? Je n'ai pas changé. Je ne comprends pas du tout moi ! Est-ce que j'ai changé d'opinion ? Non. Est-ce que j'ai changé d'acte politique ? Non. Est-ce que j'ai changé d'amis ? Non.

Michèle Cotta. - D’accord mais il y a un choix…

Paul Guilbert. - Vous devez tenir compte de la pression que vous produisez. Un homme politique, ce n'est pas uniquement ce qu'il carbure dans sa tête, il y a quand même une réaction…

Charles Millon. - Paul Guilbert, la première chose que j'ai eu comme coup de téléphone quand j'ai pris la décision que j'ai prise, c'était quelqu'un qui m'a dit « mais tu te rends compte de ton image ? » J'ai dit mais je ne vais pas en politique pour la gestion de mon image ! Je vais en politique pour la gestion des problèmes politiques que l'on me pose. Alors après, j'ai eu un coup de téléphone, un quart d'heure après, d'une autre personne qui me dit « mais tu te rends compte pour ta carrière ? » Mais je ne suis pas rentré en politique pour faire carrière ! Je suis rentré en politique pour pouvoir mettre en œuvre des projets et si vous voulez, on peut parler, j'ai plein de projets à vous vendre !

Paul Guilbert. - Oui, enfin écoutez, excusez-moi, tous les hommes politiques disent ça y compris les plus honnêtes et cela fait partie du jeu.

Charles Millon. - Non mais attendez, si c’est un jeu… là c’est du cynisme…

Michèle Cotta. - Y compris qui font attention à leur carrière…

Paul Guilbert. - Oui.

Charles Millon. - Non mais attendez, si c’est un jeu… non mais attendez… alors si ça ne fait rien pour ma carrière j'ai très bien fait, si ça ne fait rien pour mon image, j'ai très bien fait. Il ne faut pas me dire tout et l'inverse de tout. Je dis que moi personnellement, ce qui m'intéresse dans le cas précis, c'est de permettre l'émergence d'une grande formation politique de droite qui respecte ses paroles, c'est-à-dire qui n’ait pas honte d'être à droite et qui applique la politique de droite quand elle a été élue pour faire une politique de droite.

Michèle Cotta. - Et qui éventuellement s’allie avec le Front National.

Charles Millon. - Non, je n’ai pas dit ça.

Michèle Cotta. - Éventuellement.

Charles Millon. - Non.

Michèle Cotta. - Sur certains points.

Charles Millon. - Mais attendez, je n’ai pas dit ça ! J’ai dit…

Michèle Cotta. - Vous le pratiquez…

Charles Millon. - Mais non j'ai dit une grande formation de droite qui soit tellement forte qu'elle puisse être l'alternance à la gauche plurielle.

Paul Guilbert. - Alors, il va y avoir des élections l'an prochain aux européennes, cela va être le premier test. Vous êtes candidat naturellement en Rhône-Alpes non, si jamais le scrutin est éclaté ou pas ?

Charles Millon. - Attendez, je n'ai pas créé un parti politique. J'ai créé un mouvement qui est un aiguillon…

Paul Guilbert. - Vous jouez que les mots.

Charles Millon. - Mais pourquoi voulez-vous que l'on mente toujours ? Je ne mens pas, je dis la vérité !

Michèle Cotta. - Il a dit « jouer sur les mots », ce n’est pas mentir. Il a dit « jouer sur les mots ».

Paul Guilbert. - Oui, et je ne me serais pas permis !

Charles Millon. - Non mais attendez, dans mon discours…

Paul Guilbert. - Mais vous n’aurez pas de candidat digne de la droite ?

Charles Millon. - Non, dans mon discours du… sauf, sauf , je le dis très clairement, sauf si les partis politiques de l’actuelle droite, c’est-à-dire le RPR, l’UDF, Démocratie libérale, Force démocrate etc. n’ont pas fait émerger la grande formation politique de droite. Je ne prends aucune place. Moi personnellement je suis pour un parti démocratique et transparent. Je me tournerai vers toutes celles et tous ceux qui me font confiance et qui sont nombreux puisqu’en trois semaines, faire 6 000 adhésions, je trouve ça pas mal. En deux mois, avoir 25 000 lettres de sympathisants, je trouve ça pas mal, je me tournerai vers eux, je leur dirai : on va décider ensemble. Parce que, eux, je ne peux pas les tromper. Ils sont venus la plupart du temps parce qu'ils ont été déçus, je ne vais pas recommencer une seconde fois et je me tournerai vers eux et je leur dirai, qu’est-ce qu’on fait ? Mais j'ose espérer que la raison viendra et que les grands dirigeants des formations politiques de droite prendront l'initiative d'organiser dans les meilleurs délais ce grand congrès fédérateur et fondateur qui doit permettre à la France enfin de devenir une grande démocratie où il y ait une alternance possible car l'alternance c'est la respiration de la démocratie, une alternance possible entre la gauche et la droite.

Michèle Cotta. - Charles Millon, une dernière question qui ouvre notre deuxième débat, sur les affaires d'une façon générale, est-ce que vous pensez que la justice est maintenant trop médiatique ? Est-ce que vous lui reprochez cela ? Est-ce que vous pensez que la justice doit aller jusqu'au bout ? Est-ce que l'assainissement du monde politique ne passe pas par une prise de conscience des uns et des autres et de la nécessité des juges de faire leur métier ?

Charles Millon. - Si vous le permettez, je vais faire trois ou quatre réflexions. Un, je pense que la justice doit aller jusqu'au bout parce que je pense qu'on est dans une crise grave, c'est-à-dire que les électeurs n'ont plus confiance en leurs élus à cause de toutes les affaires qui ont eu lieu soit à gauche, soit à droite et qu'il faut que les responsables politiques soient irréprochables. Je l’ai dit et je l'ai répété, je crois que c'est déjà à Antenne 2 que je l'avais dit il y a trois ou quatre ans, je suis pour que les élus qui ont été condamnés définitivement pour l'abus de biens ou de la corruption, soient rendus inéligibles à vie. Je ne comprends pas que l'on permette à des élus qui ont traficoté avec les fonds publics et avec les intérêts des électeurs, les intérêts des Français, on leur permet de se représenter au bout de trois ou quatre ans de purgatoire. Je suis pour l'inéligibilité à vie. Troisièmement, je pense que la justice doit être mieux considérée dans notre pays, qu’il faut donner des moyens à la justice. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs je suis pour une réforme de l'État. L'État s'occupe de tout et il ne s'occupe pas de ce qu'il devrait s'occuper. L'État, il devrait s'occuper de la justice, de la sécurité, de la Défense nationale, des affaires étrangères, c'est ses premières missions et que je suis pour donner des crédits bien plus importants à la justice pour que… Thierry Jean-Pierre qui est ici le dirait mieux que moi, pour que dans le domaine financier ils aient d'abord une formation, et puis ensuite ils aient des hommes pour pouvoir travailler, pour qu'ils puissent… je suis allé rencontrer un juge d'instruction, je dirais même une juge d'instruction tout à fait récemment qui m'a dit, si je devais traiter tous les dossiers que j'ai là autour dans mon bureau, il me faudrait 10 ans tellement j'ai peu de personnel. Mais qu'on leur donne du personnel ! Il faut que la justice passe. Et puis enfin et je terminerai là-dessus, je crois que lorsqu'on assume des hautes fonctions politiques, on prend ses responsabilités et je dirais d'une manière tout à fait sereine et grave au président Dumas, je ne l'accuse pas, je ne sais pas s'il est coupable…

Michèle Cotta. - Vous diriez la même chose à Jean Tibéri ?

Charles Millon. - … Je crois qu’il existe la présomption d’innocence mais que dans certains cas, on fait passer l'institution avant sa propre personne et qu'aujourd'hui, le 5e personnage de l'État qui préside une institution importante qui est le Conseil constitutionnel, qui garantit les lois, je ne pense pas qu'il puisse continuer à assumer ses fonctions alors que les juges ont souhaité qu'il soit sous contrôle judiciaire.

Paul Guilbert. - Elle vaut pour Madame Tibéri la présomption d'innocence dont vous parlez, alors que son mari en est tout à coup la victime par ricochet. Qu'est-ce que vous dites ?

Michèle Cotta. - Il doit démissionner, le maire de Paris ?

Charles Millon. - Non, non, non… mais je ne demande pas… qu’il doit démissionner… je demande à Monsieur Roland Dumas de faire la comparaison…

Michèle Cotta. - Oui mais nous on pose cette question.

Paul Guilbert. - On vous pose une autre question. On vous pose une question sur le maire de Paris.

Charles Millon. - Je pense que cela n’a pas de rapport, les degrés sont complètement différents.

Paul Guilbert. - Donc il semble que la femme ne soit plus présumée innocente si j’en crois le battage incroyable qu’il y a.

Charles Millon. - Non, non, je suis pour le respect de la présomption d’innocence. De toute façon, la seule chose que je sais, c’est qu’on n’attachera jamais les médias et je suis contre les attacher. Quand j’entends les gens me dire « mais il faudrait empêcher les médias de parler ». Je dis non car le jour où on empêchera les médias de parler, il n’y aura plus de justice car les médias permettent de lever des vrais problèmes. Mais par contre ce que je souhaite, c’est que les juges respectent une déontologie, qu’ils ne soient plus méprisés parce que dans certains cas, ça provoque la révolte de certains juges, qu’ils soient considérés et qu’on leur donne les moyens d’assumer leurs missions.