Texte intégral
Le CNI commence à surmonter le traumatisme provoqué par le décès accidentel, l'été dernier, de son président, Yvon Briant. Il s'est donné de nouvelles instances et un nouveau président en la personne de Jean-Antoine Giansily, conseiller de Paris. Et il se prépare à repartir sur des bases nouvelles. C'est ainsi qu'il vient de se doter d'une revue mensuelle "France Réelle", qui sera officiellement présentée ce soir, à l'occasion d'une réunion à la Tour Eiffel. Jean-Antoine Giansily explique pour le Quotidien" les ambitions du CNI.
Le Quotidien : Après la disparition d'Yvon Briant, où en est le CNI ?
Jean-Antoine Giansily : Avec la mort d'Yvon Briant, le CNI a été décapité. D'autant plus que nous avions axé sur sa personnalité toute notre stratégie de communication. C'était un choix délibéré. Il a peut-être fait grincer quelques dents. Mais la personnalisation est un peu devenue une nécessité politique. Tout le monde identifie le RPR à Jacques Chirac. Et même, s'il n'en est plus le président, quand on pense au Parti républicain, on songe aussitôt à François Léotard.
La disparition d'Yvon Briant nous a donc obligés à réviser notre attitude en matière de communication. Celle-ci, désormais, va être plus idéologique, axée sur la diffusion de notre programme que nous présentons dans une plaquette plus détaillée et du journal "France Réelle", que nous lancerons ce soir, à l'occasion de cette réunion de la Tour Eiffel.
Le Quotidien : Vous venez de parler de votre programme. Mais en quoi se différencie-t-il de celui des autres formations de l'opposition ?
Jean-Antoine Giansily : La vérité oblige à dire que sur bien des points, nous avons été en avance sur les autres. Je pense notamment à la question de l'immigration que nous avons eu le courage d'aborder alors que les autres se voilaient la face. Aujourd'hui, nous faisons toujours des propositions originales. Et certaines d'entre elles risquent, je crois, de choquer certains de nos partenaires de l'opposition. Ainsi, nous proposons une nouvelle politique étrangère. Nous estimons, en effet, qu'il conviendrait de réexaminer les lieux privilégiés qui unissent la France à l'Afrique et de renforcer l'effort en faveur des pays de l'Europe de l'Est qui devrait être une priorité absolue. Je citerai encore la fiscalité. Dans ce domaine, nous préconisons l'instauration d'un taux unique de TVA et la limitation à 33 % du taux de l'impôt sur les sociétés. Et du fait de notre origine (il ne faut pas oublier que nous sommes le Centre national des indépendants et paysans), nous avons toujours accordé une attention particulière à la défense de l'agriculture. Sur ce sujet aussi, nous avons été, en somme, en avance sur les autres. Nous n'avons pas attendu la crise de la nouvelle politique agricole commune et du GATT pour nous saisir du problème. Et nous venons d'actualiser nos propositions dans un "manifeste pour l'agriculture et le monde rural". Car nous affirmons qu'il ne faut pas songer aux seuls agriculteurs qui représentent 7 % des Français, mais à la France rurale dans son ensemble dont la vie dépend pour une large part de l'agriculture et qui représente le quart de la population.
Le Quotidien : Quelle est votre démarche dans la perspective des prochaines élections législatives ?
Jean-Antoine Giansily : Il faut être réaliste en ce qui concerne les élections. À l'automne de 1991, notre comité directeur a décidé que tout en recherchant l'alliance avec les formations de l'opposition, nous garderions notre liberté de manœuvre. Ainsi y aura-t-il des candidats qui seront investis par le CNI, le RPR et PUDF, et d'autres candidats qui se réclameront du seul CNI. Nous envisageons d'en présenter entre 50 et 75. Dont au moins 25 dans le cadre de l'Union de l'opposition. Certes, nous ne participerons pas aux rencontres qui se poursuivent actuellement entre les deux grandes formations de la droite. Mais je suis, bien évidemment, en contact avec les dirigeants du RPR et de l'UDF. Et ils sont obligés de reconnaître que, dans un certain nombre de circonscriptions, c'est nous qui sommes à même de présenter le candidat qui a le plus de chance de parvenir à l'emporter. Et puis, pour qu'il y ait une alternance franche, il faut une majorité qui englobe le CNI.
Le Quotidien : Une petite formation comme in vitre peut-elle survivre entre les deux géants que sont le RPR et l'UDF ?
Jean-Antoine Giansily : Sans doute est-il parfois difficile de faire entendre sa voix. Mais de petits partis comme le CNI sont indispensables à la vie politique du pays. Les grandes formations sont devenues bien davantage des machines à accorder les investitures que le lieu privilégié de la réflexion politique. Les petits partis comme le nôtre n'ont peut-être pas de gros moyens. Mais ils réfléchissent davantage. Nous n'avons pas l'œil fixé sur les sondages et le calendrier électoral. Les vrais laboratoires d'idées, ce sont les petites indispensables pour assurer l'expression de toute les sensibilités de l'opinion.
Jean Lecannuet, sénateur maire (UDF) de Romen (Seine-Maritime) est en convalescence après avoir été brièvement hospitalisé en région parisienne. M. Lecanuet, 72 ans, n'avait pu présider le conseil municipal de la ville, vendredi soir. Dans un message transmis au conseil municipal, il précise avoir subi à "une légère intervention chirurgicale" et espère pouvoir reprendre "bientôt" ses fonctions.
30 décembre 1992
Le Figaro
Jean-Antoine Gianally, qui a succédé à Yvon Briant – décédé l'été dernier lors d'un accident d'avion – à la présidence du CNI, entend préparer "l'alternance franche" pour l'après-mars 1993. Le CNI, qui met l'accent sur "la communication idéologique", présentera 75 candidats aux élections législatives. M. Giansily répond à nos questions.
Le Figaro : Lors des régionales, Yvon Briant avait rompu les ponts avec le RPR et l'UDF. Où en sont vos relations avec les deux principales formations de l'opposition ?
Jean-Antoine Giansily : Je souhaite des rapports de coopération avec le RPR et I'UDF, car j'estime que le monolithisme, à droite, est par nature réducteur. Le CNI avait constitué trente listes autonomes aux régionales parce qu'il n'y avait plus de dialogue avec l'opposition. Je l'ai à l'époque regretté, mais les responsabilités étaient en partie partagées.
Yvon Briant a réveillé un parti qui était anesthésie. Il a peut-être commis des erreurs tactiques. Nous avions alors axé toute notre stratégie de communication sur sa personne. Mais sa disparition nous a conduits à réviser notre attitude, à privilégier l'élaboration d'un programme. Nous restons le parti du bon sens. J'espère amener le RFR et I'UDF à reprendre en main plusieurs secteurs de la politique.
Il nous faut en particulier une véritable politique de l'immigration. Car il faut considérer que les drames qui se déroulent à l'Est sont sans commune mesure avec ce qui se passe de l'autre côté de la Méditerranée. Nous considérons que l'immigration d'origine africaine doit être stoppée totalement, mais que nous devons être en mesure de prendre en compte les nécessités économiques des pays de l'ancien bloc soviétique. Le nombre des réfugiés politiques qui affluent notamment chaque année en Allemagne doit nous préoccuper au premier chef.
Le Figaro : Pensez-vous que la future majorité devra accepter de constituer un gouvernement de cohabitation ?
Jean-Antoine Giansily : Gagner les élections législatives de 1993 est vital pour les intérêts du pays. Quant à la cohabitation, elle est inéluctable. On ne peut pas dire aux gens "élisez-nous", puis refuser d'aller au charbon !
Le Figaro : Siégez-vous à la table des négociations pour les investitures accordées aux candidats aux législatives ?
Jean-Antoine Giansily : Non, mais j'ai rencontré à plusieurs reprises, depuis que je suis président du CNI, Édouard Balladur, Alain Juppé, François Bayrou, Bernard Bosson. Nous souhaitons, bien sûr, faire alliance avec les partis de l'opposition, mais en tout état de cause, nous présenterons une bonne cinquantaine de candidats, dont une vingtaine devraient être soutenus par le RPR et l'UDF. L'objectif est de remporter un maximum de circonscriptions détenues par la gauche.
Le Quotidien : Quels sont vos rapports avec le Front national ?
Jean-Antoine Giansily : Ils sont inexistants. Le FN mène un combat hyper nationaliste. Ce qui explique, par exemple, qu'en Corse, le FN n'existe pratiquement pas, n'ait aucun élu au conseil régional. Car le courant nationaliste a délaissé l'affection nationale. Plusieurs personnes qui ont quitté le FN ont rejoint les rangs du CNI. Ils méritent d'être traités avec tous les égards dus aux réfugiés politiques. Ils feront partie de la majorité de demain. C'est l'intérêt du pays, c'est ce que j'appelle l'alternance franche.