Texte intégral
Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de recevoir aujourd'hui les participants à ces rencontres organisées par la Fondation France Libertés, et notamment les Albanais et les Serbes qui, à l'initiative de Mme Danielle Mitterrand, ont commencé par ouvrir un dialogue au cours des réunion d'hier et de ce matin. Ce dialogue est indispensable. L'Assemblée nationale est tout à fait dans son rôle en accueillant une telle entreprise, au service de la paix et des droits de l'Homme. Je salue votre initiative. Mais avant que vous repreniez vos travaux, je voudrais par deux ou trois réflexions personnelles apporter une contribution à ce débat primordial.
L'escalade engagée par M. Milosevic doit être condamnée et arrêtée. Mais ce n'est pas seulement depuis quelques semaines que la situation au Kosovo est inacceptable.
La République fédérale de Yougoslavie affirme en effet sa souveraineté juridique sur le Kosovo. Or, politiquement, moralement, les personnes qui résident dans cet État sont privées des libertés normalement garanties, sont dépouillées de cet élément fondamental d'identité que constitue l'usage de sa langue. Est-ce à nous de rappeler à M. Milosevic que sa République se prétend fédérale et que le minimum serait de souscrire à ce qu'elle proclame elle-même, si elle ne veut pas être carcérale ?
En dénonçant cette attitude, je pense bien sûr d'abord aux Albanais, qui sont les premiers et les plus nombreux à en souffrir. Mais d'une certaine façon, beaucoup de Serbes eux-mêmes, au Kosovo et en dehors du Kosovo, sont aussi victimes de cette politique. Ils vivent dans la guerre civile, larvée ou ouverte. Ils sont eux-mêmes privés de leurs libertés, à commencer par celle d'aller et venir, puisqu'ils ne sont pas autorisés à sortir du Kosovo, de crainte que, las de l'existence qu'ils doivent y mener, ils ne quittent le Kosovo, fût-ce pour la Serbie, ce qui risquerait d'affecter l’équilibre démographique du Kosovo au détriment des visées de M. Milosevic...
Nous savons que maintenant les pressions et les brutalités quotidiennes, le déni continu des droits élémentaires, ne lui suffisent plus. On est passé aux opérations militaires, avec armée et forces spéciales et quels que soient les engagements pris par le pouvoir de Belgrade, compte tenu des précédents, même s'ils ne sont pas exactement identiques, nous savons malheureusement jusqu'où les choses peuvent aller.
La position officielle française, définie par le Président de la République et le gouvernement, est bien connue, et j'y souscris pour ma part. Il me paraît important de souligner que la crise actuelle ne saurait se résoudre par un simple retour au statu quo ante, car cet état de choses était lui-même intolérable comme je le disais au début de mon propos.
Dans cette enceinte, nous pouvons exprimer directement. Je pense personnellement que la situation en Yougoslavie et dans la région ne pourra durablement être orientée vers la paix que pour autant que les destinées de la RFY auront été confiées par ses citoyens à des dirigeants, qui eux, n’auront pas de responsabilité dans l’épuration ethnique, dans les crimes contre l’humanité, dans la ruine de leur pays et de son image dans le monde. Le régime actuel de Belgrade par son attitude antérieure a perdu son crédit. Je vois mal comment on pourrait lui faire confiance. Il fallait que ce fût dit.
Mesdames et messieurs, ce qui est en jeu au Kosovo, c’est la défense des libertés et des droits des personnes ; c’est donc aussi la défense de principes fondamentaux pour l’Europe. La paix et la justice ne pourront pas triompher si ne reculent pas la haine et la peur de l’autre, si les protagonistes qui en ont le courage ne parviennent pas à renouer le contact par-delà les idéologies et les différents historiques. C’est pour cela que le dialogue que vous lancez ici est si important. Je vous remercie, encore Madame, Monsieur le Président, de l’avoir organisé. Je souhaite ardemment que le dialogue puisse s’imposer comme la voie de la raison, de l’humanité et de l’espoir.