Article de M. Yves Cochet, porte-parole des Verts, dans "L'Humanité hebdo" du 7 mai 1998, intitulé "Economiser l'énergie et diversifier les sources".

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Média : L'Humanité Hebdo

Texte intégral

Chaque énergie doit être utilisée au mieux de ses qualités pour répondre aux besoins réels des utilisateurs. Ces qualités sont autant économiques, qu’écologiques, énergétiques et sociales. Depuis longtemps nous contestons le choix du tout-nucléaire et militons pour une diversification des sources d’énergie, pour une utilisation plus rationnelle et pour les énergies renouvelables.

En France, l’origine nucléaire des trois quarts de l’électricité est un mauvais choix pour diverses raisons. Du point de vue économique d’abord : depuis vingt-cinq ans, 40 % de l’investissement public industriel a été capté par le nucléaire. La surcapacité du parc nous permet d’exporter massivement de l’électricité, mais on la vend à perte. Le tarif est nettement inférieur à celui payé par les ménages en France. Dans le monde, plus un seul pays n’investit massivement dans le nucléaire. En tant que marché économique, le nucléaire est condamné.

Du point de vue écologique, le nucléaire pose l’énorme problème du confinement de la radioactivité. La sécurité non seulement coûte cher, mais elle n’est jamais absolue. Se pose ensuite, le problème du coût du démantèlement des centrales, que même EDF a du mal à évaluer, et de la gestion des déchets à long terme. Que faire des déchets ? Les stocker en profondeur, comme cela semble être la voie envisagée par la France ? Les possibilités de transmutation des déchets restent du domaine de la spéculation. À l’heure actuelle, l’entreposage en surface a notre préférence. Cette voie est la plus raisonnable, parce qu’elle est réversible, si à l’avenir on dispose de nouvelles méthodes scientifiques pour mieux gérer les déchets. Du point de vue social enfin, un réacteur nucléaire de 1 300 mégawatts coûte environ 10 milliards de francs. Il génère quelque 2 500 emplois pendant les six ans de construction de la centrale, puis 500 emplois de maintenance. À investissement égal, les énergies renouvelables et les économies d’énergie créent cinq fois plus d’emplois.

Une politique énergétique doit donc reposer sur deux axes principaux : la diversification des sources et l’utilisation rationnelle de l’énergie. La pression des lobbies est parfois plus forte que la raison. Ainsi l’électricité, par exemple, devrait être réservée pour ses usages spécifiques : l’éclairage et la force électromotrice, c’est-à-dire les moteurs électriques. Le développement du chauffage électrique, qui concerne plusieurs millions de ménages en France, est une aberration, qui n’a pour origine qu’une stratégie de marketing d’EDF. Mais même dans ses usages « nobles », l’électricité doit être économisée. Si chaque foyer remplaçait une seule ampoule classique par une ampoule fluo compacte, qui dépense cinq fois moins d’électricité et dure cinq fois plus longtemps, ce seul geste économiserait la production annuelle de deux réacteurs nucléaires. Dans les pays du Sud aussi, des économies d’énergie sont possibles et nécessaires pour préserver les ressources naturelles. Par exemple, la cuisson des aliments dans des foyers fermés au lieu de foyers à feu ouvert, réduirait la consommation du bois.

Les pays du Sud ont de meilleures conditions que ceux du Nord pour produire de l’énergie à partir de systèmes fondés sur l’éolien ou le solaire. L’énergie primaire ne coûte rien et la technologie nécessaire est plus simple que celle des centrales nucléaires. Ces pays qui voient leurs besoins augmenter, doivent pouvoir bénéficier des technologies de pointe, que sont les technologies solaires, marémotrice, hydraulique, éolienne, ou le photovoltaïque (conversion d’une énergie lumineuse en une énergie électrique).

En France, d’autres économies d’énergie sont nécessaires. Dans le secteur des transports, une politique déterminée en faveur du transport collectif par rail pourrait permettre d’économiser un tiers de notre consommation de pétrole. L’énergie dépensée est dix fois moindre par voyageur transporté par le train que par la route. Il y va de notre santé et des engagements pris par la France au sommet de Kyoto pour réduire l’effet de serre.