Texte intégral
Laurence Masurel : Après l’électrochoc des régionales et des cantonales, la droite selon vous, doit-elle procéder d’urgence à sa recomposition ?
Jean-Marie Le Pen : Mais c’est une question virtuelle que vous me posez là ! Avant même de parler de recomposition de la droite, il faut d’abord laisser l’édifice s’écrouler. Puis il faudra déblayer les ruines, ensuite creuser les fondations, avant de pouvoir la reconstruire.
Laurence Masurel : Pourtant Philippe Séguin, Nicolas Sarkozy, Alain Madelin, François Bayrou veulent s’y atteler…
Jean-Marie Le Pen : … Séguin, voyez-vous, me fait penser au type qui veut arrêter de fumer et qui demande sans cesse une dernière cigarette. En réalité, « ils » ont pris une culotte écrasante, et tout ce qu’ils trouvent à dire, c’est qu’« il faudrait qu’on voie ce qu’on va faire, qu’on étudie les raisons de notre échec ». Mais moi, je peux leur dire pourquoi ils ont tout raté. Ils se sont partagé le pouvoir pendant trente ans, ils ont échoué sur tous les problèmes, parce qu’ils appliquent la politique et les méthodes de la gauche.
Laurence Masurel : Si demain les leaders de la droite décident de se regrouper dans une grande formation, le Front national restera-t-il seul dans son coin et poursuivra-t-il son travail de sape de la droite traditionnelle ?
Jean-Marie Le Pen : Le Front national gardera son identité. Il considère que, s’il doit y avoir recomposition, celle-ci doit se faire autour de notre mouvement, le seul à avoir un corps de doctrine et à incarner l’avenir. On ne va tout de même pas demander aux partis de la défaite de nous expliquer comment il faudrait construire un parti de la victoire ! Le Front national doit être, selon moi, le pilier de la reconquête.
Laurence Masurel : Au font, votre seul objectif, c’est de faire éclater la droite ? Ce n’est pas glorieux…
Jean-Marie Le Pen : Notre but est d’arracher la France à une décadence mortelle avant qu’il ne soit trop tard. Ce n’est pas de casser la droite, elle se casse toute seule. Elle n’a pas besoin de nous. La vitesse à laquelle évoluent, en France, les phénomènes d’immigration, de chômage, d’insécurité, de fiscalisme, de corruption laisse prévoir le pire, sans parler des échéances irréversibles que créent, pour ceux qui les ont signées, l’euro et le basculement de notre pays dans l’euro-mondialisme. A partir de l’année prochaine, il n’y aura plus de France, on a l’impression que les Français ne se rendent pas compte de ce à quoi se sont engagés, en leur nom, les politiciens. La République une et indivisible va disparaître. Il ne restera qu’un sac vide.
Laurence Masurel : Autrement dit, vous allez continuer à dénoncer, violemment la droite, quoi qu’elle fasse, même si elle vient d’être affaiblie lors de ces dernières élections ?
Jean-Marie Le Pen : Tant que la droite ne se sera pas résolue à douter des positions comparables aux nôtres, je ne vois pas comment elle pourra constituer une force politique capable de s’opposer à la gauche. Tant qu’elle vivra sous l’inhibition médiatique de l’alliance avec le Font national, elle n’a aucune chance de survie.
Laurence Masurel : Pourtant, vous avez accordé votre soutien à des élus UDF ou RPR aussi différents que Jean-François Mancel, Jacques Blanc, Jean-Pierre Soisson, Charles Baur et surtout Charles Millon. C’est donc que vous vous sentez proche d’eux ?
Jean-Marie Le Pen : Mancel a été un exécutant d’ordres du RPR, mais dès qu’il n’y a plus occupé la fonction de secrétaire général, il a réagi en tant que président du conseil général de l’Oise. Il a compris qu’il serait battu s’il ne faisait pas alliance avec nous au second tour. Je rappelle d’ailleurs la doctrine républicaine : au premier tour, on choisit au second tour, on écarte ! Cela ne veut pas dire que nous nous sommes ralliés au programme de Mancel, pas plus que je n’aurais demandé qu’on se rallie au programme du Front national si j’avais été élu en Paca. En vérité, j’aurais cogéré la région avec les élus de la droite. Le Front national n’a jamais frappé d’ostracisme ses adversaires.
Laurence Masurel : Pourtant, sur Léotard, vous avez tapé dur ?
Jean-Marie Le Pen : Vous plaisantez ou quoi ? M. Léotard a eu 90 % de temps de télévision de plus que moi ; il s’est toujours défini comme un ennemi résolu du Front national. Il s’est présenté pour nous battre et ridiculiser Le Pen. Et le boomerang lui est revenu à grande vitesse dans le nez.
Laurence Masurel : Certains, à l’UDF et au RPR, disent qu’il faut avaler le Front national, comme Mitterrand et le PS l’ont fait avec le Parti communiste.
Jean-Marie Le Pen : Oui, mais pour avaler le Front national, il faut avoir une grande gueule, puis des dents, puis des griffes pour tenir. Sans ça…
Laurence Masurel : Personne ne trouve donc grâce à vos yeux dans la droite républicaine ?
Jean-Marie Le Pen : Ah non ! Ni Léotard, ni Balladur, ni Pasqua, ni Madelin, ni personne.
Laurence Masurel : Décidément, vous êtes intraitable. Est-ce qu’un jour vous serez plus tranquille, plus pacifié ?
Jean-Marie Le Pen : Mon objectif, ce n’est pas de gouverner, mais pour faire aboutir un certain nombre de réformes. Si je ne réussis pas, ou si je n’en ai pas le temps physique, je laisserai à des gens qui ont un autre tempérament, et d’autres qualités que les miennes, le soin de les faire.
Laurence Masurel : Plus on vous diabolise et plus avez l’air heureux !
Jean-Marie Le Pen : Nous devrions être écrasés par la propagande presque unanime que distillent télévisions, radios et journaux. Or c’est le contraire. C’est que le peuple oppose une résistance à sa mise en servitude médiatique.