Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, vice-président de Démocratie libérale, à RMC le 19 mai 1998, sur la recomposition de la droite au sein de L'Alliance et sur le mode de scrutin des élections européennes.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

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Quelle est votre réaction devant la garde à vue de Mme Tiberi hier, dénoncée par le RPR comme une manipulation politique ?

– « Je ne me prononcerai pas sur une affaire dont la justice débat. Je trouve en effet que la pression médiatique sur le sujet est excessive. Mais je crois que ce qui est triste dans toute cette affaire, c'est qu'il fut un temps où la mairie de Paris était pour l'opposition une sorte de gestion exemplaire, un atout. Je ne voudrais pas que cela devienne un boulet pour les combats futurs. »

Est-ce que c'était une apparence ?

– « Je ne le crois pas. J. Chirac a su inventer une gestion municipale proche, comme il a le contact populaire, une gestion municipale qui faisait rayonner Paris à l'extérieur. Je ne voudrais pas que, pour l'avenir et pour la droite, la mairie de Paris devienne un boulet encombrant. »

Est-ce qu'on cherche à atteindre le Président de la République ?

– « Je ne crois pas. Il y a beaucoup de malice politique, mais le Président de la République est au-dessus de ces contingences. »

C'est la même question que l'on peut se poser pour R. Dumas, qui est Président du Conseil constitutionnel et qui fait l'objet de procédures judiciaires : est-ce que M Tiberi, politiquement, qu'il soit coupable ou non, devra démissionner ?

– « Chacun est face à sa conscience. Il s'agit de problèmes moraux, de problèmes d'éthique mais aussi de problèmes politiques. Mais ce n'est pas le provincial que je suis qui se permettrait de juger les affaires de Paris... »

On vous a connu plus audacieux…

– « Sur ces sujets-là, il s'agit de choses graves qui mettent en cause des personnes, je crois que les approximations pourraient être coupables. »

Vous êtes vice-président de Démocratie libérale, président de région. Est-ce que tout d'abord, de manière définitive, Démocratie libérale a quitté l'UDF ?

– « Démocratie libérale a pris sa liberté. Je crois qu'au fond, l'UDF, telle qu'elle a été construite, a vécu. Il nous faut aujourd'hui inventer une nouvelle entente, comme le dit la motion votée à 84 % par les militants de Démocratie libérale samedi dernier. Avant, il y avait une structure, sans entente, maintenant il faut une entente sans structure. Au fond, ce que demande Démocratie libérale, c'est une sorte de convention collective qui rassemble les centristes, les radicaux, les libéraux sur des objectifs communs, sur des candidatures communes à l'intérieur de l'Alliance. Mais on essaye de définir un projet, de bâtir une stratégie, qui n'est pas fondée sur des structures, mais sur un programme. La priorité, à l'Alliance, est la solidarité entre libéraux et centristes. »

L'organisation qui s'appelait UDF doit cesser ?

– « Elle n'a plus de sens aujourd'hui. Quand je pense qu'on a demandé à M. Giscard d'Estaing de la quitter, pour voir dans l'état où elle se trouve aujourd'hui. Quand M. Giscard d'Estaing parlait au nom de l'UDF, cela avait vraiment une autre allure. Aujourd'hui, l'UDF ne répond plus à l'attente de l'opinion. Il faut comprendre que les Français veulent des réponses à des questions précises, ils ne veulent pas qu'on leur réponde par des structures. Il faut leur dire comment on traite le problème de l'emploi des jeunes, comment on réforme la taxe professionnelle, comment on bâtit une Europe ambitieuse, mais en même temps proche des citoyens. Il faut répondre à toutes ces questions. Aujourd'hui, l'Alliance doit bâtir un programme gouvernemental, construire un contre-gouvernement pour marquer les socialistes au quotidien. Il faut répondre aux questions des Français par des propositions concrètes et précises, et non pas par des influences de structures. »

Est-ce que la logique veut que le groupe de l'UDF à l'Assemblée nationale disparaisse, comme l'UDF ?

– « Tout ceci va être discuté dans cette convention collective. Ce serait la logique : un intergroupe de l'Alliance, c'est-à-dire que tous les députés de l'Alliance se rassemblent et bâtissent une stratégie commune. Il faut aller un jour vers un groupe parlementaire de l'Alliance. Les étapes devront être progressives pour aller vers ce groupe politique de l'Alliance. Il est un peu trop tôt encore aujourd'hui. Tout va dépendre de cette convention collective qui pourrait être le lien logique et le chemin vers l'alliance entre les anciennes formations de l'UDF. À Démocratie libérale, les parlementaires sont demandeurs de plus d'autonomie, de plus de liberté pour pouvoir bâtir leur projet, sans être paralysés par des structures vieillissantes. »

Est-ce que cela vous semble bien parti, avec ces présidences tournantes, ce côté un peu flou, personne ne sait comment y adhérer... ?

– « Je remercie F. Léotard et P. Séguin d'avoir donné le feu vert de l'union. Ils ont ouvert la voie à un vrai espoir. Mais attention, l'union ne dispense pas de la rénovation. Ce qui est aujourd'hui demandé à la classe politique, c'est la rénovation, la modernisation. Il ne faut pas que l'on fasse du ravalement de façade et que derrière, la maison de l'opposition continue à se délabrer. Il faut faire une rénovation en profondeur, pour être proche des citoyens, pour répondre sur le terrain à leurs attentes. Je crois que l'Alliance est un feu vert formidable. Mais maintenant : silence radio pour les états-majors. Il faut que l'on parle sur le terrain, que l'on crée des comités régionaux de l'Alliance, que l'on discute sur un programme qui vienne de la base. La dynamique de l'Alliance doit être ascendante. »

À ma connaissance, C. Millon est toujours vice-président de Démocratie libérale, il veut être membre de l'Alliance : est-ce que cela est souhaitable, est-ce qu'il faut qu'il ait sa place dans l'Alliance ?

– « C. Millon au moment où il a été exclu de l'UDF, a donc été exclu de Démocratie libérale. C. Millon n'est pas dans l'Alliance, il construit une formation politique, la Droite, qui est fondée sur une analyse et sur une stratégie complètement distincte de celle de l'Alliance. Il n'est pas question aujourd'hui d'un partenariat qui permettrait à C. Millon de rentrer dans l'Alliance. Ceci devra être débattu par les instances de l'Alliance, mais je note que l'ensemble des formations de l'UDF ont adhéré à la prise de position du parti d'une part, et que le RPR d'autre part exclut de son organisation tous ceux qui ont un accord ou qui vivent en partenariat avec le Front national. »

Croyez-vous qu'il y aura des élections présidentielles anticipées, comme le dit M. Bartolone ?

– « Je ne le crois pas. Je crois que le Président de la République est quelqu'un qui doit aujourd'hui faire en sorte que son mandat puisse être, pour les Français, l'occasion de profonds changements. Il y a encore beaucoup de travail à faire dans les réformes pour moderniser la société française. Je crois que les élections ont été quelque peu précipitées dans le passé. Nous avons devant nous une période sereine, qui est une période sans élections d'ici les élections municipales de 2001, même s'il faudra passer les européennes. C'est l'occasion de traiter les problèmes de la France en profondeur, de faire en sorte que nous soyons capables de nous moderniser et de reformer nos structures, de changer beaucoup de nos comportements, de faire en sorte que la société française ne soit pas attardée dans le prochain siècle ! »

J. Chirac est la référence ou une référence ?

– « C'est la référence. J. Chirac, Président de la République, pour l'Alliance, c'est forcément la référence. »

Vous avez parlé des européennes : est-ce qu'il faut absolument changer le mode de scrutin, dès la prochaine élection ?

– « Il faut changer le mode de scrutin dès la prochaine élection. Pour plusieurs raisons, et d'abord pour rapprocher le député européen du territoire. Je crois qu'il est absurde d'avoir ces lois nationales et je crois qu'une représentation interrégionale serait plus efficace sur le terrain. On pourrait défendre l'Atlantique, la Méditerranée, et l'ensemble des auditeurs de RMC pourraient avoir dans leur sud-est des députés qui défendraient leur cause et leurs particularités. C'est important que cela soit fait rapidement pour qu'on n'ait pas le sentiment que tout ceci est une réforme d'opportunité. Je suis vraiment européen. Je suis pour qu'il y ait un vrai dialogue régions-Europe, donc je crois qu'une élection régionale pour les européennes, c'est un progrès. »