Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre délégué à la santé, sur les missions de l'hôpital public et le rôle des services déconcentrés, à Strasbourg le 27 mai 1993.

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Circonstance : 49ème congrès du Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH) à Strasbourg le 27 mai 1993

Texte intégral

Madame le député-maire,
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs,

Pourquoi le cacher, c'est pour moi un grand plaisir que de participer, aujourd'hui, aux travaux de votre congrès.

Étant hospitalier moi-même, je connais l'importance et la représentativité de votre syndicat. Je connais aussi le rôle actif qu'il a joué pour faire progresser les statuts professionnels mais aussi pour moderniser notre système de santé et plus particulièrement l'hôpital public.

J'ai regardé avec attention votre projet de plateforme qui est sans doute au cœur de vos débats. La richesse des réflexions que vous menez montrent largement les choix auxquels l'hospitalisation publique est confrontée.

Comme vous je partage l'idée selon laquelle « il n'est plus possible pour des cadres responsables de s'extraire des contingences du monde extérieur à l'hôpital ».

Le monde change, les mutations s'accélèrent. L'hôpital doit aussi changer, s'adapter, se transformer.

Récemment une loi hospitalière a redéfini les missions et l'organisation des établissements de soins. Ce texte est loin d'être parfait, mais il n'est pas question aujourd'hui de réouvrir un chantier législatif. L'heure est aujourd'hui à l'action même si des assouplissements aux textes en vigueur doivent être apportés.

Nommé depuis quelques semaines à la tête de ce ministère, je considère que ma mission prioritaire est avant tout de renforcer l'efficacité de l'organisation des soins dans le respect d'une politique de santé publique.

Plus précisément, je pense que la force principale de l'hôpital public, quel que soit les changements auxquels il ne pourra échapper, est de rester au service de la santé publique. L'État doit réaffirmer son rôle en ce domaine. Dans ce contexte, la place des chefs d'établissements et de l'ensemble des cadres hospitaliers est capitale.

I. – L'hôpital public doit rester au service d'une politique de santé publique.

1.1. En premier lieu l'hôpital ne saurait se dérober à ses missions de service public. Il doit notamment garantir un accès équitable de tous aux soins les mieux adaptés.

Une telle mission implique un effort particulier dans la prise en charge des personnes les plus démunies. L'hôpital doit pleinement participer à la lutte contre les exclusions.

Il s'agit là d'une obligation morale et de solidarité à laquelle les hôpitaux publics sont particulièrement attachés.

La promotion des soins aux plus défavorisés passe aussi par une meilleure prise en charge de la couverture sanitaire des détenus.

Je compte sur le dynamisme du secteur hospitalier pour que l'amélioration du système de soins en milieu pénitentiaire soit rapide et exemplaire.

1.2. L'hôpital public doit également être en mesure de diversifier ses prestations, afin de mieux répondre aux nouvelles demandes des populations.

Je pense plus particulièrement aux structures de soins alternatives à l'hospitalisation qui reposent depuis peu sur une nouvelle base réglementaire.

S'agissant des structures pratiquant la chirurgie ambulatoire, le secteur privé a très notablement développé cette activité et c'est une bonne chose.

L'hôpital public ne doit pas se désintéresser d'une activité aussi stratégique et moins onéreuse.

À cet égard l'excédent des lits de chirurgie doit être reconverti au profit de ces nouvelles formes de prise en charge qui correspondent à une réelle demande.

De la même manière l'hôpital public se doit de développer les structures d'hospitalisation à temps partiel.

Il est également essentiel que l'hôpital public sorte de ses murs pour développer des structures d'hospitalisation à domicile, dont un récent rapport du CREDES vient de souligner les insuffisances en France.

Ici encore les excédents de lits doivent permettre le développement de ces structures par redéploiement des moyens.

1.3. L'hôpital public doit également s'intégrer à la politique d'aménagement du territoire.

Le gouvernement réaffirme la priorité absolue qui s'attache à regrouper sur des sites de moyenne proximité les plateaux techniques hospitaliers les plus conséquents. Le regroupement s'impose car il est la garantie d'une plus grande sécurité et qualité des soins.

L'objectif principal poursuivi est de constituer un réseau gradué et coordonné des divers prestataires de soins : hôpitaux, cliniques et professionnels de santé.

Cette complémentarité entre les divers acteurs favorisera la construction de filières de soins plus adaptées aux besoins des patients, évitant ainsi redondances, doubles emplois et parcours inutiles.

1.4. Enfin l'hôpital public se doit de développer des programmes d'évaluation de la qualité des soins.

Les fédérations des cliniques privées viennent de mettre en place un bureau d'assurance qualité afin d'organiser dans leurs établissements les procédures d'évaluation prévues par la loi hospitalière.

Il me paraît essentiel que l'hôpital public s'engage lui aussi dans une démarche de cette nature. Je vous rappelle d'ailleurs que le renouvellement des installations et des équipements s'effectuera dorénavant à partir d'une évaluation de leur utilisation et non plus seulement au regard de leur conformité à des normes techniques et des critères purement quantitatifs.

II. – Mon second développement sera pour réaffirmer le rôle essentiel de l'État dans le domaine de la politique hospitalière.

L'État s'engage résolument dans une politique de déconcentration dans le domaine hospitalier notamment à travers la mise en œuvre de la planification sanitaire.

Je veillerai personnellement à ce que les préfets de région impulsent une action en ce sens avec un souci de grande concertation.

Il ne reste pas moins vrai que la responsabilité de l'État est fondamentale dans ce secteur que ce soit en raison des enjeux de santé publique et de solidarité ou en raison des enjeux financiers liés à la politique de santé.

2.1. En premier lieu, il incombe à l'État d'assurer la mise en œuvre de la planification sanitaire.

Vous l'avez compris, cet enjeu est essentiel car la planification permettra d'orienter l'offre de soins dans le sens d'une meilleure réponse aux besoins de la population.

La loi hospitalière et ses textes d'application ont mis à votre disposition plusieurs outils nécessaires à sa mise en œuvre. La planification est désormais, pour l'essentiel, du ressort des services déconcentrés de l'État au niveau régional.

Mais elle ne pourra réussir que si elle se fait en étroite concertation avec les élus, l'assurance maladie et l'ensemble des acteurs de santé.

Seul le dialogue, auquel je vous invite, entre les établissements et les autorités ayant en charge la planification permettra de dégager les solutions les plus adéquates.

De même, la réussite de l'adaptation de l'offre de soins suppose que les orientations retenues ne soient pas la simple addition des demandes des établissements.

Là aussi je vous invite à faire en sorte que les projets d'établissement, prévus par la loi, soient motivés par l'intérêt des usagers en même temps que par les propositions des professionnels de santé.

2.2. Par ailleurs, la maîtrise des dépenses de santé est un axe prioritaire de la politique du Gouvernement.

Nul ne peut ignorer que la France consacre aujourd'hui plus de 9 % de son PIB aux dépenses de santé et que ce chiffre nous place au premier rang des pays européens.

Cette forte progression des dépenses au cours des dernières années ne se traduit pas par des résultats sensiblement meilleurs en termes de santé publique.

Elle risque bien au contraire de remettre en cause notre système de protection sociale et explique en partie les graves déséquilibres financiers des régimes d'assurance maladie dont le déficit n'a cessé d'augmenter et risque d'atteindre 97 milliards de francs en 1993.

Nous avons donc le devoir de veiller à ce que les dépenses de santé croissent à un rythme compatible avec celui de la richesse nationale.

Il est indéniable que les hôpitaux publics se sont engagés dans la voie de la rigueur tout en s'efforçant de développer une médecine hospitalière de haut niveau.

Cet effort ne pourra être poursuivi que si la recherche constante de l'efficacité de la gestion est maintenue et renforcée.

Le succès de la maîtrise des dépenses de santé et la poursuite du progrès médical reposent sur votre adhésion et sur le dialogue que nous développerons et auquel je suis tout particulièrement attaché.

Toutefois la maîtrise des dépenses ne pourra être acceptée que si les règles de répartition des ressources changent et garantissent une plus grande équité.

La responsabilité première de l'allocation des ressources doit rester de la compétence des services déconcentrés ; car elle est indissociable de la planification.

Il convient donc de mettre en place et sans attendre une allocation rationnelle, concertée et plus juste des ressources.

2.3. À cette fin, l'État doit moderniser la gestion du système de santé par la voie des expérimentations.

Une plus équitable répartition des ressources entre les établissements passe d'abord par une plus grande transparence et une meilleure connaissance de l'activité et des coûts.

C'est un préalable. Il est impossible d'envisager une transformation du mode de financement si les hôpitaux comme les cliniques ne font pas un effort pour développer rapidement les instruments de recueil de l'information.

La médicalisation des systèmes d'information reste un objectif majeur. Des instructions seront données prochainement aux préfets en ce sens, et des expérimentations permettant de moduler le budget global de chaque établissement en fonction de l'activité à partir d'un indicateur issu des groupes homogènes de malades seront très rapidement mis en œuvre.

Par ailleurs des expérimentations seront conduites dans un certain nombre d'établissements volontaires en vue de donner plus de souplesse et d'autonomie de gestion aux hôpitaux publics. Ces expérimentations porteront sur les modalités de fonctionnement comptable et financier, de gestion et d'organisation des établissements de santé.

Ainsi, il sera possible de sortir, à terme, d'une logique de taux directeur uniforme appliquée trop mécaniquement à l'ensemble des hôpitaux et de permettre des comparaisons sur une base plus transparente et plus fiable entre les différentes institutions de soins.

Vous serez naturellement associés à la conduite de ces expérimentations.

III. – Dans ce contexte, les cadres hospitaliers ont pour mission de gérer les mutations dans le respect des principes ainsi définis.

Votre action sera en effet essentielle. J'ai tenu dès le 5 mai dernier, à rencontrer vos représentants pour vous témoigner ma volonté de dialogue.

Je compte en effet sur vous pour conduire les changements qui sont indispensables si nous voulons maintenir un haut niveau de qualité dans nos hôpitaux.

3.1. La transformation de l'hôpital dépend largement de votre action. Elle ne pourra se faire que par le dialogue.

J'ai conscience que les règles de gestion internes récemment définies peuvent paraître complexes. Mais celles traduisent la réalité des relations sociales dans les hôpitaux.

Il est indispensable que vous agissiez dans la transparence et que vous expliquiez vos objectifs. Je suis convaincu que seule une gestion interne participative et la mise en œuvre d'un véritable partenariat à l'intérieur de vos établissements sont de nature à faciliter l'adaptation des structures.

Je vous rappelle à cet égard que les conseils de service et les conseils de soins infirmiers récemment créés pour faciliter le dialogue interne doivent être mis en place. Il va sans dire que les commissions médicales ainsi que les responsables de service et d'unité doivent être pleinement associés à la marche des établissements.

3.2. Mais vous ne pourrez exercer votre rôle que si vous êtes reconnu.

Les responsabilités qui sont les vôtres n'ont cessé de s'accroître. Vous bénéficiez aujourd'hui d'une indéniable autonomie dans l'exercice de vos fonctions que beaucoup d'autres corps de la fonction publique vous envient et qui est justifiée en raison des responsabilités particulières qui sont les vôtres et qui sont liées à la spécificité de la fonction publique hospitalière.

La contrepartie de cette plus grande responsabilisation est l'évaluation de votre action.

Celle-ci devrait être généralisée après une phase d'expérimentation lancée depuis 4 ans. Cette nouvelle méthode d'appréciation qui constituera un pas décisif dans la modernisation de la gestion, sera aussi à mon sens un atout pour votre corps.

La responsabilité que vous exercez suppose aussi un déroulement satisfaisant de votre carrière.

Je n'ignore pas qu'en évoquant ce thème devant votre congrès j'aborde un point sensible. Je n'ignore pas non plus les efforts qui ont déjà été accomplis pour permettre à tous les cadres hospitaliers un déroulement de carrière conforme à leurs responsabilités et à leurs aspirations.

C'est ainsi par exemple que l'accès à la troisième classe a été sensiblement élargi pour les directeurs de quatrième classe.

Cependant, de nombreux points restent en suspens notamment s'agissant du régime indemnitaire. Je puis vous assurer que je resterai vigilant pour que votre statut social soit à la mesure de vos responsabilités.

Enfin, l'adaptation de l'hôpital suppose une réflexion sur l'évolution de vos métiers et sur vos attentes. S'agissant des cadres de direction, mes services viennent de lancer une étude sur l'avenir de la profession dont j'attends les résultats avec le plus grand intérêt.

Des démarches similaires pourront être entreprises au bénéfice de l'ensemble des cadres hospitaliers.

Pour conclure, je voudrais vous dire que la politique hospitalière que je souhaite conduire avec vous ne pourra réussir que si elle est pragmatique et réaliste.

Elle ne pourra réussir qu'avec votre plein concours et votre confiance. Vous faîtes un métier difficile. Je suis à votre côté.

Je vous remercie de votre attention.