Lettre de M. François Léotard, ministre de la défense, adressée aux chefs d'États-majors, sur l'actualisation périodique du Livre Blanc et la nécessité d'approfondir les orientations définies, Paris le 22 mars 1994.

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Intervenant(s) : 

Texte intégral

Note pour :

Monsieur le chef d'État-major des Armées,
Monsieur le délégué général pour l'Armement, 
Monsieur le secrétaire général pour l'Administration, 
Monsieur le chef d'État-major de l'Armée de terre, 
Monsieur le chef d'État-major de la Marine, 
Monsieur le chef d'État-major de l'Armée de l'air,
Monsieur le contrôleur général des Armées, 
Monsieur le directeur chargé des Affaires stratégiques

Objet : Suites du Livre Blanc.

Le Livre Blanc sur la défense 1994 qui vient d'être publié a pour ambition de définir, à l'horizon de 15 ans, le nouveau cadre de notre politique de défense : les tendances principales de l'évolution du contexte international et stratégique, les objectifs assignés à la défense, la stratégie et les concepts de défense, les orientations principales des capacités de nos forces armées qui en résultent, les ressources humaines, industrielles et financières nécessaires à la mise en œuvre de cette politique, enfin les lignes directrices des relations entre défense et société.

Cet exercice ambitieux, auquel la délégation aux affaires stratégiques a amplement contribué avec tous les grands services de la défense et au sein du secrétariat de la commission de M. Marceau Long, appelle deux types de prolongements.

Il m'apparaît d'abord nécessaire de prévoir une actualisation périodique du Livre Blanc, non pas dans sa totalité, mais dans tel ou tel de ses volets, en fonction des évolutions les plus significatives du contexte affectant la politique de défense. C'est ainsi que par exemple, l'environnement international, la politique européenne, les facteurs économiques, industriels, scientifiques peuvent subir, dans la période de transition où nous sommes entrés, des inflexions dont notre défense doit pouvoir rapidement tirer les conséquences. Je souhaite que la délégation aux affaires stratégiques procède régulièrement, dans cet esprit, à une confrontation entre les principales conclusions du Livre Blanc et les évolutions de l'actualité intéressant la défense. Le directeur chargé des affaires stratégiques animera cet exercice de réexamen, avec le concours de l'État-major des armées, de la délégation générale pour l'armement, des États-majors, du secrétariat général pour l'administration et du contrôle général des armées. Il fera rappelle de ces travaux au ministre en principe tous les deux ans, sauf s'il apparaissait nécessaire, du fait d'évolutions constatées dans l'intervalle, de procéder dans tel ou tel domaine à une actualisation plus rapprochée.

Un travail d'approfondissement de certaines orientations définies, ou parfois seulement esquissées, dans le Livre Blanc doit également être entrepris, dès maintenant. Il convient de développer des études sur la nouvelle stratégie d'emploi des forces conventionnelles, les principaux scénarios de crise, le rôle futur des alliances et de l'ONU, l'articulation entre la dissuasion nucléaire, les forêts classiques et le concept de défense aérienne élargie, l'accroissement et la prise en compte des nouvelles capacités de renseignement, la notion de « remontée en puissance », pour ne citer que quelques exemples. Le directeur chargé des affaires stratégiques me proposera, en concertation avec l'État-major des armées et la délégation générale pour l'armement, la liste des travaux appelant une action prioritaire et me rendra compte régulièrement de l'état d'avancement de ces études. À cette fin :

– la délégation aux affaires stratégiques constituera des équipes restreintes pluridisciplinaires chargées, selon le cas, de piloter ou d'assurer le secrétariat des groupes de travail qui seront constitués sur chaque concept ou thème fédérateur ; 
– l'État-major des armées, avec l'aide des trois États-majors, et la délégation générale pour l'armement mettront en place rapidement les personnels et moyens nécessaires pour contribuer à ce processus permanent de réflexion et d'évaluation ; 
– celui-ci s'appuiera, enfin, sur la participation d'organismes extérieurs au ministère, avec l'aide, en particulier, de la fondation pour les études de défense.

Ces dispositions me paraissent de nature à entretenir et prolonger rapidement le mouvement de réflexion qui a accompagné l'élaboration du Livre Blanc.