Texte intégral
Q - Hier, vous avez exprimé fortement - comme des membres du RPR, comme des membres de l'ancien gouvernement de M. Juppé - votre solidarité, votre soutien et votre confiance, mais est-ce que le maire de Paris pouvait ignorer ce que faisait son adjoint aux finances ?
- « Le maire de Paris a 40 000 fonctionnaires. Alors si tel ou tel fait devait être avéré, il faudrait venir lui reprocher de ne pas avoir suivi jour après jour l'assiduité de chacun des 40 000 fonctionnaires. Non, je crois qu'en matière de responsabilité du Président de la République, disons les choses : il faut arrêter de fantasmer. On a fantasmé parce que Madame Guigou, il lui est arrivé d'être plus prolixe que ce soir. Là, elle a des consignes de M. Jospin de se taire, elle doit avoir des consignes particulières parce que, elle, quand elle dérape, elle dérape sérieusement. Et elle avait dit en particulier que le Président de la République était un justiciable comme un autre. »
Q - Ce n'est pas votre avis ?
- « Ce n'est pas ce que dit la Constitution. »
Q - Il y a divergence là-dessus.
- « Non. Il y a des gens qui sont très minoritaires qui prétendent que non. Moi j'ai une preuve en tant qu'ancien président de l'Assemblée nationale qui me parait évidente. Qu'a voulu le constituant de 1958, d'ailleurs dans la tradition républicaine et dans le respect du principe de séparation des pouvoirs ? Il à voulu que les principaux acteurs du jeu politique soient protégés. Je prends l'exemple des sénateurs et des députés. Jusqu'à 1995, c'est-à-dire jusqu'à une réforme constitutionnelle que j'ai inspirée, pour mettre en cause un député ou un sénateur, pour le poursuivre, pour le mettre en examen, il fallait demander l'autorisation de l'Assemblée à laquelle il appartenait. Rappelez-vous de l'affaire Tapie : grand débat, etc. Si on suivait par exemple M. Duhamel (à propos de sa déclaration selon laquelle le Président de la République ne bénéficierait pas d’une "immunité juridique absolue", ndlr), ça voudrait dire que la Constitution aurait prévu une moindre protection pour le Président de la République que pour les députés et pour les sénateurs. »
Q - Donc le Président de la Républiques n'est pas un citoyen comme les autres si on lit la Constitution ?
- « Eh bien non, ce n'est pas un citoyen comme les autres, et je crois qu'une mise en cause du Président de la République dans ce type d'affaire est infondé constitutionnellement, de la même façon qu'elle est absurde pratiquement. Parce que pas plus que le maire de Paris, le président du RPR ne pourrait être inquiété. Le président du RPR, A. Juppé l'a excellemment expliqué, il est là - et je suis bien placé pour en parler moi aussi - pour définir les grandes lignes d'une action politique, il n'est pas là pour assurer une gestion qui est de la responsabilité du secrétaire général. »
Q - Le Monde affirme que vous avez fait licencier des permanents du parti. Vous pensiez que la gestion n'était pas claire ?
- « Pas du tout. C'était pour une raison simple qui nous ramène à notre sujet. Aujourd'hui, contrairement à ce qui existait avant 1988 et pendant la période transitoire de 1988 à 1995, l'essentiel des ressources des partis politiques vient de la subvention publique. Actuellement, pour l'année 1997 si je ne m'abuse, le pourcentage dans nos recettes du RPR, ça pourrait être la même chose pour les autres partis, de ce qui vient de l'Etat, c'est 77,1 %. »
Q - Qui est au prorata de vos élus.
- « Voilà. Alors comme il ne vous a pas échappé qu'en 1997 on a eu moins d'élus qu'on en avait eu en 1993, par définition, notre budget du coup s'est trouvé rabaissé et j'ai dû faire comme le fait un entrepreneur en difficulté, c'est-à-dire procéder malheureusement à des licenciements. »
Q - Diriez-vous, comme certains, que nous sommes en plein état de droit avec cet exercice des juges, ou que c'est un abus de droit ?
- « Je crois qu'il y a trois questions auxquelles on ne peut pas échapper et qui résument toute cette affaire qui ne concerne pas que le RPR, qui ne concerne pas que l'opposition, qui concerne tout notre système politique. Première question : est-ce que M. Juppé est un homme honnête et est-ce qu'il a agi honnêtement ? La réponse est oui. Je n'ai d'ailleurs entendu personne prétendre le contraire. Deuxième question : est-ce que le juge applique la loi ? La réponse est oui aussi. Alors il y a incontestablement une contradiction entre les deux réponses. »
Q - Donc il faut la changer ?
- « D’où une troisième question : est-ce que la situation actuelle, avec ce genre de contradiction, est saine en termes d'équité, pour la démocratie ? La réponse est non. Alors qu'est-ce qui s'est passé ? On s'est mis dans une seringue. On est passé de 1988 : pas de législation sur le financement des partis, à 1995 à un système tout à fait nouveau. Mais on n'y est pas passé d'un seul coup. Il a fallu trois lois pour arriver à un système qui marche : 1988, 1990, 1995. »
Q - Votées par la droite et la gauche d'ailleurs.
- « Absolument, dans un consensus. Pourquoi trois lois ? Tout simplement parce qu'on n'avait pas trouvé le bon système. Ce qui explique que certains cas litigieux ait pu continuer à exister entre 1988 et 1995, et en particulier, certains emplois fictifs.
Q - Qu'est-ce qu'il faut faire maintenant ? Vous demandez au Premier ministre une nouvelle loi ?
- « Ecoutez, oui ! Je lui demande une nouvelle loi. Je lui demande de prendre ses responsabilités parce que tout cela est très dangereux pour la démocratie. Très dangereux pour la démocratie parce que la démocratie est discréditée, parce que des gens honnêtes sont poursuivis, et parce que la classe politique souffre d'un discrédit qu'elle ne mérite pas. Or cela peut durer pendant dix ou quinze ans, parce que le système de l'abus de bien social cela peut durer. »
Q - Est-ce que vous n'auriez pas été plus fort si vous aviez réclamé cela au moment de l'affaire Emmanuelli, par exemple ?
- « Lorsque H. Emmanuelli a connu les problèmes auxquels vous faites allusion, moi, en tant que président de l'Assemblée nationale, je lui ai fait part de ma solidarité - il peut en témoigner - et je n'ai pas été de ceux qui ont tenté d'exploiter politiquement cette affaire. C'est vrai que nous étions dans un problème analogue. Alors qu'est-ce qu'il faudrait faire ? Vous avez posé la question et je vais essayer d'y répondre. Il ne s'agit pas de faire une loi d'amnistie, d'autant que celle de M. Rocard en 1990 nous a fait beaucoup de mal, et explique d'ailleurs les insuffisances de la législation actuelle. Je ne demande pas cela. Je demande simplement qu'on fasse la part entre ceux qui se sont conduits honnêtement et ceux qui ont pu faire des malhonnêtetés. C'est-à-dire non pas une loi d'amnistie mais une loi qui dise, s'agissant de la période transitoire de 1988 à 1995, qui donne la liste précise des faits délictueux qui doivent être mis en cause. »