Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, dans "Le Parisien" le 10 septembre 1998, sur la crise traversée par la droite.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Le Parisien

Texte intégral

Q – Comment réagissez-vous quand Jean d'Ormesson, écrit, dans « Le Figaro », que, par dépit, il va « devenir socialiste » ?

François Hollande. – Je ne suis pas dupe : je sais qu'il n'en sera rien ! En fait, le secret espoir de d'Ormesson, c'est que la droite, redynamisée, par ses coups de semonce, puisse à nouveau se substituer à nous. Je reconnais qu'il y a là une forme d'hommage qui m'amuse.

Q – N'êtes-vous pas tenté de dire, comme Alain Peyrefitte au temps du gaullisme flamboyant : « si on ne fait pas de bêtises, on est là pour trente ans » ?

– Surtout pas ! En démocratie, la règle, c'est l'alternance. Je suis persuadé qu'il suffira que l'opinion ne nous considère plus à la hauteur de nos engagements pour qu'elle nous renvoie à nos chères études. Je ne confonds pas le désarroi de la droite avec l'état réel des forces électorales.

Q – Comment comprendre la crise que traverse la droite ?

– Il y a, d'abord, une crise de leadership, provoquée par la dissolution et ses conséquences. Philippe Séguin n'est pas en harmonie avec tous les membres de son parti : cela pèse. Au sein de l'UDF, François Léotard est en décalage avec beaucoup de ses amis : cela pèse aussi. Surtout, l'ensemble des leaders de la droite contestent leur chef naturel, Jacques Chirac. Ce qui pèse encore plus. Sans compter que la droite connaît une grave passe de stratégie : elle hésite sur son destin. Pour reconquérir le pouvoir, doit elle compter sur elle-même ou chercher l'adhésion de forces extrêmes ? Tant que la droite n'aura pas retrouvé confiance, cette crise durera.

Q – La droite a-t-elle tiré les leçons de son échec de 1997 ?

– Non. Et c'est bien là un des problèmes. Elle croit qu'elle a été battue parce qu'elle n'était pas assez à droite, alors que c'est l'inverse. Élue sur le thème de la « fracture sociale », elle a perdu les législatives car elle était trop à droite. Et parce qu'elle a oublié que sa principale composante, le gaullisme, n'était pas seulement une force conservatrice.

Q – Vous avez dit que l'état de déliquescence de la droite n'était pas une aubaine pour vous. Comment vous croire ?

– Je suis sincère. L'état de la droite et la tentation d'une partie de l'opposition, heureusement minoritaire, de s'allier à l'extrême droite font que la gauche doit se monter encore plus responsable. Nous sommes aujourd'hui en charge de nos propres intérêts, mais aussi de ceux de la République.