Lettre de M. Robert Hue, secrétaire national du PC, à M. Jacques Chirac, Président de la République, publiée dans "L'Humanité" le 2 septembre 1998, sur l'aide que la France se doit d'apporter à la Russie en crise.

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Média : L'Humanité

Texte intégral

« La France ne peut évidemment rester indifférente à la crise financière politique et sociale en Russie. A ses conséquences désastreuses pour des peuples dont l’histoire et le destin ont si souvent croisé ceux de notre peuple. A ses répercussions dont toutes ne sont pas encore connues – sur les économies des autres grands pays du monde. Aux déséquilibres aggravés provoqués en Europe par un nouvel affrontement d’un pays dont la présence et le rôle ont toujours beaucoup compté pour la France.

A l’évidence, les « thérapies de choc » ultralibérales appliquée à doses massives par les institutions financières internationales, avec le concours actif d’affairistes sans scrupules à l’égard de leur peuple, ont contribué de façon décisive – quelles que soient les critiques sévères que l’on puisse porter, et que je porte, sur les vices du système antérieur – à cette situation de chaos. C’est pourquoi je dois vous dire combien je regrette votre prise de position solennelle, appelant à « la poursuite des réformes » engagées sous l’égide du Fonds monétaire international. Elle me semble contrevenir gravement aux exigences d’une situation dont les conséquences, désormais, débordent largement les frontières de cet Etat et interpellent l’Europe et la communauté internationale.

J’ai la conviction que, par-delà les différences d’options économiques et politiques, une évidence s’impose aujourd’hui : si l’on veut se prémunir contre les risques de déstabilisation généralisée, aux conséquences incalculables, on ne peut exiger des futurs dirigeants de Russie qu’ils poursuivent dans une voie qui a mené à une si dramatique impasse.

C’est pourquoi je considère que l’intérêt de la France et le sens de la contribution à la solution des problèmes actuels ne sauraient être de faire siennes les conditions drastiques mises par les institutions financières internationales à l’octroi des crédits nécessaires au prochain gouvernement russe. Au contraire, il me semble que notre pays de soit de prendre l’initiative d’une révision des critères d’attribution de l’aide. A mes yeux, pour préserver les chances d’une issue positive, les nouvelles priorités doivent être la satisfaction des besoins les plus pressants de la population, le redressement de l’économie nationale et la restauration des prérogatives de la puissance publique face à l’irresponsabilité des marchés financiers.

La France serait dans son rôle en usant de son influence dans toutes les instances internationales auxquelles elle participe directement – en particulier l’Union européenne, le G7 et le Fonds monétaire international – pour inscrire sans délai cette question à l’ordre du jour. »