Texte intégral
Il y a une quinzaine de jours, M. le ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé, s'était adressé à vous, ici-même pour un tour d'horizon sur les problèmes du Rwanda. Mercredi dernier, mon directeur de cabinet, le préfet Castellani, vous avait à nouveau réunis pour une réunion technique, à l'effet de mieux connaître de quelle manière les organisations humanitaires que vous représentez appréhendent les problèmes de plus en plus cruciaux que connaissent les malheureuses populations rwandaises et, de notre part, quelles formes de soutien étaient de nature à vous permettre de contribuer plus efficacement, à soulager leur misère dont l'ampleur à ce jour, stupéfie.
Aujourd'hui, j'ai tenu à ouvrir personnellement cette réunion, sachant cependant que M. le Premier ministre ayant convoqué l'ensemble des membres du gouvernement dans un quart d'heure, je ne pourrai être présente avec vous que quelques instants, mon directeur de cabinet prendra le relais.
Ce matin, au Conseil des ministres, qui s'est tenu, vous le savez sous la présidence de M. Édouard Balladur, la situation du Rwanda a été longuement évoquée : la fin des combats, l'émergence d'un nouveau gouvernement et surtout la mobilisation tardive mais significative de la communauté internationale au vu des spectacles désolants que chacun a pu découvrir sur les écrans de télévision, tout cela a contribué à modifier profondément la situation antérieure où la France, dans son effort pour protéger les populations en proie à la panique et à l'exode, a entrepris de subvenir à leurs besoins essentiels, mais s'est trouvée un peu seule.
Un certain nombre d'entre vous, et je les en félicite, n'avaient pas attendu cette mobilisation médiatique pour venir sur le terrain et contribuer ainsi à nous aider.
D'autres, c'était leur droit, n'avaient pas caché qu'ils préféraient attendre que ce soit la communauté internationale qui prenne le leadership de l'action humanitaire pour se manifester concrètement.
J'ai reçu hier une délégation que m'a envoyée le haut-commissaire aux réfugiés, Mme Ogata, en prélude à la visite qu'elle fera à M. le Premier ministre vendredi prochain. Cette délégation m'a confirmé la volonté du haut-commissariat de mettre très rapidement des moyens importants en faveur de l'ensemble des réfugiés du Rwanda.
Par ailleurs, ce matin, le directeur général de l'US AID, M. Atwood, est venu au Quai d'Orsay pour nous préciser différents aspects de l'approche de son gouvernement sur le problème rwandais. Son approche du problème est également très positive.
Les choses sont maintenant donc très claires : Le gouvernement français, est entré en contact aujourd'hui même avec le nouveau gouvernement rwandais. Sachant que le mandat des Nations unies donné à la France au titre de l'opération « Turquoise » se termine dans moins d'un mois, ce sera, soit la MINUAR, soit les autorités nouvellement constituées à Kigali, soit peut-être les deux de concert, qui auront désormais à répondre du devenir des populations qui se trouvent encore dans la zone humanitaire sûre, population évaluée à près d'un million de personnes, sachant cependant que ces chiffres se modifient d'heure en heure (dans un sens ou dans l'autre, puisqu'on a commencé à observer à Cyangugu des flux de réfugiés vers la région de Bukavu en territoire zaïrois).
Quoiqu'il en soit, qu'il s'agisse de la région de Goma ou du sud-ouest du Rwanda, encore dans la mouvance de l'opération « Turquoise », les conditions de subsistance, d'hygiène et de santé demeurent dramatiquement déplorables et les besoins à cet égard ne cessent de s'accroître impitoyablement.
Je suis obligée de dire que, dans toutes les zones dont il s'agit des gens meurent de faim, d'épuisement, ou du fait de maladies engendrées par la promiscuité et le manque d'eau potable et de soins qui pourraient rapidement dégénérer en épidémies redoutables.
Qui pourrait admettre que les organisations que vous représentez ne s'engagent pas plus avant pour remédier à cette catastrophe, alors même qu'aussi bien les Nations unies que le gouvernement français n'attendent que vos propositions pour soutenir les initiatives que vous prendrez ?
Telle est ma préoccupation et il m'a paru nécessaire à nouveau de vous la faire partager.
Cela étant, je m'en voudrais de ne pas souligner, comme je l'ai fait ce matin au Conseil des ministres, la nécessité que tout soit fait de la part du nouveau gouvernement rwandais, de la part des organisations internationales et aussi je crois, de la part de vos organisations humanitaires, Mesdames et Messieurs, pour que l'aide à apporter à l'ensemble des réfugiés dispersés à l'intérieur et à l'extérieur du Rwanda, se situe dans une perspective forte du retour de ces gens dans leurs foyers et qu'ils y retrouvent leurs moyens d'existence antérieurs dans un climat de sécurité retrouvée. Il ne fait pas de doute que, s'il devait en être autrement, la présence durable de ces pauvres gens dans des camps de fortune sur le pourtour de l'État rwandais ou à l'intérieur des frontières de celui-ci, constituerait à la fois un drame insoutenable pour la communauté internationale mais aussi un risque de désordre plus grand encore pour les mois à venir dans la zone géographique concernée.
Aussi, je compte vraiment sur vous pour nous aider de toutes les manières possibles à poursuivre et atteindre cet objectif de retour à la paix civile au Rwanda.