Interview de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères, accordée aux radios le 29 avril 1994 et déclaration sur la signature de l'accord économique israélo-palestinien.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Signature d'un accord israélo-palestinien définissant les relations économiques entre Israël et les territoires occupés à Paris le 29 avril 1994

Texte intégral

Interview du ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé, aux radios (Paris, 29 avril 1994)

C'est un accord capital, et la France est heureuse d'avoir pu offrir aux délégations : l'hospitalité de son Centre de conférences, et également le soutien et l'aide du ministère des Affaires étrangères.

Vous savez que nous avons, dès le départ, dès le 13 septembre dernier, soutenu à fond cet accord, et nous ne le faisons pas simplement en accueillant les délégations, nous le faisons aussi en nous engageant financièrement et économiquement. Nous avons beaucoup développé notre aide aux Palestiniens dans les Territoires occupés. J'ai reçu récemment les délégations palestinienne et norvégienne qui sont venues nous parler des problèmes de la police palestinienne. La France va faire un effort important en matière de formation et d'équipement, et les Douze à Luxembourg, sur notre proposition, ont accepté de débloquer, dans un délai aussi rapide que possible, je l'espère, dix millions d'écus pour contribuer au fonctionnement de cette police.

Q. : À ceux qui regrettent que la France n'ait pas été plus présente dans cette négociation, qu'est-ce que vous répondez ?

R. : Je trouve ce genre de considération toujours dérisoire. Ce qui compte, ce n'est pas de savoir qui a fait quoi, qui a joué quel rôle, qui est le plus important ou le moins important, ce qui compte, c'est de savoir si le processus de paix avance. La France l'a souhaité pendant des décennies, elle a prôné le dialogue direct entre les Israéliens et les Palestiniens. Nous avons eu une très grande joie quand nous avons vu que ce dialogue s'instaurait et que la reconnaissance mutuelle intervenait. Voilà, nous faisons tout ce que nous pouvons avec d'autres pour aider.

Q. : La semaine prochaine, il y aura une signature importante au Caire. Est-ce qu'intimement, vous avez confiance en ce processus, est-ce que vous pensez que cette paix sera solide ?

R. : Oui, parce que l'alternative, c'est la catastrophe et !e chaos. Je l'avais dit, comme d'autres d'ailleurs, dès le 13 septembre, il y aura des obstacles sur le chemin de la paix, il y en a eu. Tous ceux qui préfèrent la guerre à la paix vont s'employer à faire capoter ce processus. Il y a eu les horribles attentats de part et d'autre que vous connaissez. Mais pourtant, ça ne s'arrête pas. Ceux qui ont fait le choix de la paix avec beaucoup de courage, avec un sens de la responsabilité, une stature d'hommes d'État qui mérite l'admiration gagneront, j'en suis sûr. Je pense à Itzhak Rabin, à Shimon Pérès, Yasser Arafat, à toute son équipe.

Q. : Vous avez une idée de la date à laquelle Yasser Arafat (inaudible) ?

R. : Non, ça, on le saura, je l'espère, rapidement au Caire, puisque de bonne nouvelles viennent d'Égypte. Il semble que l'accord global Gaza-Jéricho, qui permettra le retrait des troupes israéliennes et l'installation de l'autorité palestinienne, devrait être signé dans les jours qui viennent.

Q. : Vous êtes tenté comme certains de faire un rapprochement historique entre ce qui se passe aujourd'hui en Afrique du Sud et ce qui va se passer la semaine prochaine dans les Territoires occupés ?

R. : J'ai l'habitude de dire que la vie internationale nous apporte jour après jour son lot de catastrophes, et puis, de temps en temps, il y a comme cela des événements historiques qui nous réchauffent le cœur. Il y a eu l'accord de principe d'Oslo le 13 septembre dernier, et puis il y a les élections en Afrique du Sud. J'y étais moi-même il y a deux ou trois mois, j'avais été impressionné là-aussi par le rôle que jouent deux hommes de stature exceptionnelle que sont Nelson Mandela et le Président de Klerk et malgré, là-aussi, toutes les embûches, la violence, les attentats, je suis convaincu qu'il y a une telle force, à la fois chez ces hommes et chez ce peuple, que l'on peut envisager l'avenir de l'Afrique du Sud avec confiance. En tout cas, c'est la conviction de la France, et c'est ce à quoi elle aidera.


Allocution du ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé, à l'occasion de la signature de l'accord économique israélo-palestinien (Paris, 29 avril 1994)

Mesdames et Messieurs, dans la vie internationale qui nous apporte bien des sujets d'inquiétude ou de tristesse, il y a fort heureusement des moments privilégiés. Il y a des dates phares comme celle du 13 septembre 1993, qui nous a apporté une de ces bonnes nouvelles que nous attendions tous depuis tant d'années.

La France, comme d'autres pays, souhaitait depuis longtemps qu'entre Israéliens et Palestiniens, le dialogue s'engageât enfin pour trouver la seule solution qui tienne, c'est-à-dire la solution de paix. Nous savions, le 13 septembre, que la route serait longue et, hélas, sans doute semée d'embûches. Ceux qui préfèrent la guerre à la paix se sont, hélas, manifestés depuis plusieurs mois, mais la volonté, le courage de ceux qui, de part et d'autre, ont choisi d'aller jusqu'au bout de leur logique a prévalu et c'est pour nous un grand sujet de satisfaction.

La France, pour sa part, a essayé d'aider au succès de ce processus. Elle l'a fait notamment, en accueillant à Paris, depuis le mois de novembre 1993, au Centre de conférences de l'avenue Kléber, le Comité de coopération économique israélo-palestinien qui a été créé par la déclaration de principes du 13 septembre. Ce Comité a travaillé sous les présidences de M. Shohat, ministre israélien des Finances et de M. Abou Ala, chef du Département économique de l'OLP à qui je tiens à rendre hommage, car ce n'était pas facile, et ils ont réussi.

Cet accord est fondamental, car il pose les bases de la coopération économique entre Israël et les Territoires occupés durant la période intérimaire et à travers elle, celles du mode de développement économique des Territoires, tant pour la période intérimaire que pour l'avenir. Je forme le vœu que ce volet économique soit très rapidement suivi par les autres volets de la négociation, et les nouvelles qui nous viennent du Caire sont encourageantes. Ainsi sera gravie la première marche vers la paix globale et juste que nous appelons tous ardemment de nos vœux pour votre région et pour la vie internationale tout entière.

Messieurs les chefs de délégations, je vous laisse maintenant le soin de procéder à la signature de cet accord, en vous renouvelant l'assurance que la France vous accompagne de tous ses vœux de succès.