Texte intégral
"On prend les mêmes ! Et on recommence…"
Par Bernard Bosson
Le débat sur Maastricht ayant été définitivement tranché par le peuple français, la polémique sur le franc fort ayant été définitivement réglée par l'action gouvernementale permettant la baisse des taux d'intérêts, le mythe de "l'autre politique" semblant avoir été définitivement écarté, certains, dans la majorité, ont trouvé le moyen d'ouvrir de nouvelles querelles.
La première porte sur le rythme des réformes.
Certains "bons apôtres" susurrent que le gouvernement devrait aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin dans les réformes importantes dont la France a besoin.
C'est méconnaître la réalité de la société française caractérisée par les peurs de nombreuses catégories sociales, par le pessimisme né d'une décennie de rigueur et de déceptions, par le besoin de considération et d'adhésion à des projets d'avenir.
Aujourd'hui, le temps n'est plus aux réformes technocratiques imposées. On ne réformera pas, et c'est heureux, la société française à la hussarde.
Il faut prendre le temps de respecter les hommes, d'écouter, de dialoguer, de convaincre, d'entraîner sur des projets d'avenir. C'est toute l'ambition qui inspire la politique du Premier ministre : mettre en place la "réforme-participation" il faut des évolutions progressives dans le cadre de plans conçus non pas dans une simple vision comptable, mais comme des projets porteurs d'avenir et concertés.
Ceux qui prônent des réformes rapides en grand nombre oublient la fragilité de notre tissu social et négligent ce formidable appel à la participation. Toute précipitation en la matière serait gage d'échec et conduirait à la paralysie.
La seconde querelle porte sur le sujet dont nous étions pourtant tous convenus de ne pas parler si loin de son échéance : l'élection présidentielle.
Il n'est pas l'heure d'affirmer haut et fort qu'il faut absolument qu'en 1995 la majorité présente deux candidats distincts au premier tour.
Ce n'est pas l'heure :
– au moment où l'on s'efforce dans la France entière de présenter un candidat unique aux élections cantonales ;
– au moment où l'on s'efforce de présenter une liste unique aux élections européennes ;
– au moment surtout où les Français attendent de la majorité cohésion et travail au service de la France et non pas querelles d'arrière-garde et affichages d'ambitions présidentielles prématurées.
Il n'est pas l'heure d'ajouter à la liste des candidats naturels, virtuels, les candidats de principe qui souvent, d'ailleurs, font partie de la catégorie des candidats éternels.
Prenons garde à ne pas anéantir par des querelles, des ambitions prématurées, nos chances pour la présidentielle de 1995.
Prenons garde à ne pas être battus une fois de plus par notre pire ennemi : nous-mêmes.
Prenons garde à ne pas recommencer à préférer marquer des buts contre son camp plutôt que de mener le débat d'idées.
Prenons garde à ne pas remettre en marche cette formidable machine que ta majorité a inventée et, qui, en 1981, a provoqué les résultats que nous connaissons : la machine à perdre !
24 mars 1994
Démocratie moderne
Le premier tour des élections cantonales n'a pas traduit, alors que cela est souvent le cas dans une élection intermédiaire, de mécontentement à l'égard de l'action gouvernementale.
Certes, dans une élection cantonale, l'enjeu local est souvent déterminant. Le jugement porté sur l'action du département, la cote de sympathie des candidats, leur implantation vaut souvent plus que leur investiture. De plus, et les chiffres de participation le montrent, la France rurale a plus voté que la France urbaine, et la France des plus de 45 ans s'est davantage rendue aux urnes que les jeunes. L'analyse des résultats démontre que la volonté de renouvellement est forte lorsque des candidats trop usés font le "combat de trop". Les électeurs ont aussi, dans de nombreux cas, adressé un signal fort appelant à la moralisation de la vie politique.
Au niveau national, dans les difficultés que rencontrent le pays, au regard des efforts demandés aux uns et aux autres, ces résultats, s'ils doivent être analysés avec modestie, sont un avertissement pour les orfèvres de la critique, les spécialistes des "y'a qu'à", les funambules du soutien-critique.
Ils sont aussi un désaveu pour ceux qui, à gauche, font entendre face à chaque mécontentement le tintamarre de la récupération politicienne, et pour ceux qui au PS tentent une nouvelle fois de faire croire aux Français que le vieux mythe des 35 heures va régler la question du chômage. Triste évolution que celle de Michel Rocard, qui se voulait l'adepte du "parler vrai" et du "gouverner autrement", et qui en est réduit pour "socialiser vrai" à "mentir autrement". Le vote de dimanche est aussi la démonstration claire que les Français refusent les promesses et les chimères même lorsqu'elles font rêver. Ils sont, en revanche, prêts à entendre la vérité, dans sa difficulté, pour peu qu'on ne leur mente pas. Pour les fausses promesses, les Français ont déjà donné.
Pour autant, il serait irréaliste de voir dans ce vote un blanc-seing donné à l'action du gouvernement. Même si les perspectives économiques s'améliorent, grâce à l'action d'assainissement et de relance, le drame du chômage, et notamment du chômage des jeunes, est insupportable et demeure porteur de risque d'explosion sociale. Face à lui, on ne peut que regretter le blocage de notre société. On ne peut que s'étonner de l'amnésie et de "l'impudeur" des socialistes, créateurs des CES et autres stages-parkings. Le gouvernement n'a jamais prétendu que la loi quinquennale et le CIP, allaient régler à eux seuls la question de l'emploi. Mais qui pourrait douter, aujourd'hui, que la volonté du Premier ministre est de tout faire pour permettre aux jeunes de faire sauter le premier verrou de l'insertion dans la vie active que constitue la première embauche. Certes, un certain nombre d'aspects du CIP méritaient discussion et modifications, aujourd'hui apportées, mais ils ne méritaient pas ce rejet global fait d'a priori.
Espérons que service de la jeunesse, bonne foi et dialogue l'emporteront.
Pour l'avenir, il nous reste :
– à confirmer dimanche les orientations du premier tour ;
– et surtout, à poursuivre dans la voie de la réforme-participation qui seule permettra les nécessaires adaptations du pays.
Ce n'est qu'en fin d'année que les Français pourront porter un jugement véritable sur 21 mois d'action gouvernementale au service du redressement du pays.