Texte intégral
Q. : Monsieur le Ministre, le groupe de contact envisage une diplomatie plus musclée, selon ses propres termes, et il envisage d'imposer son propre partage territorial de la Bosnie. Comment imposer ce plan à des gens qui n'en veulent pas ?
R. : Je ne pense pas qu'il faille se mettre dans une logique de confrontation. Le rôle du groupe de contact est de proposer une solution. Il est vrai que, dans un premier temps, nous avons souhaité que les parties concernées c'est-à-dire les Croato-musulmans d'un côté, les Serbes de l'autre, se mettent spontanément d'accord sur un arrangement territorial. S'ils n'y parviennent pas, si la discussion prend du retard ou s'enlise, il n'est pas absurde que le groupe de contact fasse une proposition mais pas une imposition.
Q. : Que veut dire diplomatie plus musclée alors?
R. : J'ai toujours souhaité que les grands pays qui constituent le groupe de contact, les Américains, les Russes, les Européens, ne soient pas simplement spectateurs qu'ils soient acteurs. Donc, qu'ils s'engagent davantage dans la discussion pour faire avancer les choses. Parce que cela fait des mois et des mois que l'on discute maintenant. S'il n'y a donc pas une sorte de pression diplomatique internationale, on ne débouchera pas. Il faut donc c'est tout un art d'exécution - trouver la bonne ligne entre une sorte d'obligation imposée de l'extérieur, qui n'aurait aucune chance d'aboutir et puis le simple rôle de spectateurs.
Je crois que les choses, d'une certaine manière - je ne veux pas faire preuve d'optimisme prématuré évoluent plutôt positivement. Quand le Président des États-Unis dit, comme il l'a dit hier, « il faut une solution négociée et politique, si cette solution est obtenue, je confirme que les Américains participeront sur le terrain à la mise en œuvre d'un accord de paix » et enfin « l'idée de lever l'embargo sur la fourniture des armes dans l'ensemble de l'ex-Yougoslavie est une idée simpliste », eh bien je pense que la diplomatie américaine va dans la bonne direction.
Q. : Cela n'évolue pas assez vite, vous disiez il y a deux jours que nous en tirerons les conséquences. Que vouliez-vous dire ? Comment cela peut-il se traduire ?
R. : Je n'ai pas changé d'avis. Nous nous sommes réunis le 13 mai dernier à Genève ; nous avons plus qu'esquissé, dessiné, ce que pourrait être les grandes lignes d'un règlement global ; nous les avons proposés aux parties. Elles discutent. Cela ne peut pas durer indéfiniment. Parce que la situation sur le terrain, même si elle s'est stabilisée depuis quelques mois, notamment depuis l'ultimatum à Sarajevo, reste extraordinairement fragile et précaire.
La France a dit très clairement quelle était son opinion. Si d'ici l'été on constate un blocage, une obstination de chaque côté, une impossibilité d'arriver à un accord sous quelque forme que ce soit, alors nous ne resterons pas indéfiniment, nous ne maintiendrons pas indéfiniment nos soldats dans la situation dans laquelle ils se trouvent.
Je crois que maintenant c'est clair pour tout le monde. Et nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi, la plupart de nos grands partenaires européens le pensent aussi.
Il faut simplement bien en mesurer les conséquences et bien réfléchir. La bonne solution, ce n'est évidemment pas celle-là; la bonne solution, c'est d'arriver à une cessation générale des hostilités le plus vite possible, à un arrangement institutionnel, à un arrangement territorial entre les parties et puis après, il faudra s'engager dans le travail de reconstruction de cette malheureuse Bosnie qui a été déchirée.
Q. : À propos du Rwanda, les rebelles du FPR ont fait savoir ce matin qu'ils ne voulaient pas que des casques bleus français participent à la mission d'assistance des nations unies au Rwanda, la MINUAR. Quel rôle peut jouer la France ?
R. : On ne nous a pas demandé de participer à la force des Nations unies; le Secrétaire général des Nations unies n'a pas émis de demande. Nous constatons que l'une des parties en présence récuse la participation de la France, nous n'avons donc rien à y faire.
Nous n'avons pas l'intention de nous imposer, ce qui ne veut pas dire que nous resterons indifférents ou que nous soyons indifférents. La France est vraisemblablement le pays qui a, le plus vite, et de la manière la plus ambitieuse, mis en place une aide aux réfugiés, ce que l'on appelle une action humanitaire. D'abord dans les pays qui entourent le Rwanda, au Burundi où nous sommes très présents. M. Douze-Blazy est allé annoncer il y a quelques jours l'installation d'une antenne chirurgicale du Samu mondial au Burundi. Et également en Tanzanie où il y a des camps de réfugiés de plus de 200 000 personnes, où la situation est abominable, là encore, les entreprises françaises ont mis en place ou vont mettre en place des dispositifs pour assainir l'eau, pour faire en sorte que les risques d'épidémies soient un peu moins grands qu'ils ne le sont aujourd'hui. Enfin, nous aidons les ONG qui travaillent au Rwanda, il y en a plusieurs, en leur fournissant par exemple des véhicules pour qu'elles puissent acheminer leur aide.
Vous voyez que, même si on ne souhaite pas notre participation à la force des Nations unies, nous sommes loin de rester inertes et au contraire, nous agissons.
Q. : Est-ce que par exemple, la France pourrait aider militairement et en armes les casques bleus ghanéens, par exemple, qui font partie de la MINUAR ?
Nous sommes évidemment disponibles. Si on nous demande de participer à l'équipement d'un certain nombre de contingents de pays africains, ghanéens, sénégalais ou autre, nous le ferons bien entendu. Cela se décidera en liaison avec les Nations unies. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour arrêter ce que j'ai appelé moi-même ce génocide du Rwanda, qui est insupportable pour la conscience universelle, et tout particulièrement pour la conscience française.