Texte intégral
O. Mazerolle
L. Jospin a donné des bons points à son Gouvernement. On gouverne sérieusement, dit-il. Vous êtes d’accord ?
A. Bocquet
- « Je crois que L. Jospin et le Gouvernement gèrent les affaires du pays sérieusement. Ensuite, il y a des débats sur tel ou tel choix, mais les choses sont faites avec sérieux. »
O. Mazerolle
Vous avez bien noté qu'il dit que l'on fait même mieux que F. Mitterrand, qui avait renoncé à lutter contre le chômage !
A. Bocquet
- « Je pense que des mesures telles que les emplois-jeunes, telles que les 35 heures, que nous avons contribué à élaborer avec la majorité, ce sont des mesures qui vont dans le bon sens. »
O. Mazerolle
C'est mieux que Mitterrand ?
A. Bocquet
- « Je ne joue pas dans la cour des comparaisons. Nous ne sommes pas au même moment. Ce que je sais, c'est qu'évidemment, F. Mitterrand a progressivement entamé une dérive qui a conduit à ce que l'on sait, c'est-à-dire une situation sociale difficile, et que la gauche en a subi les conséquences. »
O. Mazerolle
Le Premier ministre se revendique également de Jacquet et de Zidane. Alors, il est à la fois un bon entraîneur et un bon meneur de jeu pour la majorité ?
A. Bocquet
- « Nous sommes en pleine période d'images footballistiques, et c'est de circonstance. Ce qui est important aujourd'hui, c'est de marquer le maximum de buts en faveur de ceux pour qui nous sommes dans la majorité, c'est-à-dire le monde du travail, les plus défavorisés. N'oublions jamais que nous sommes dans un pays où il y a une grave fracture sociale, avec sept millions de personnes qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Tous ces problèmes-là nécessitent des mesures urgentes. »
O. Mazerolle
Vous trouvez que la ligne d'attaque du Gouvernement est un peu faiblarde dans ce domaine ?
A. Bocquet
- « Je pense qu’il faut renforcer l'attaque. Il faut prendre des mesures un peu plus rapides, plus offensives encore, il faut aller plus vite et plus loin. C'est ainsi que mon ami R. Hue vient de déposer une proposition de loi pour demander l'augmentation de l'impôt sur les grosses fortunes. Comment expliquer que M. Pinault, par exemple, qui a vu sa fortune multipliée par quinze depuis quinze ans, voit cette fortune passer de douze à trente milliards en un an, ne paie pas l'impôt sur les grosses fortunes ! La première fortune de France ! Comment comprendre cela ! »
O. Mazerolle
L'orientation définie par le Premier ministre, c'est-à-dire peut-être un alourdissement de l'ISF, mais accompagné d’un allégement sur la transmission du patrimoine, cela vous irait ?
A. Bocquet
- « Nous sommes tout à fait satisfaits que l'on engage le débat à propos de l'ISF. »
O. Mazerolle
Engager le débat, mais la suite ?
A. Bocquet
- « La suite ? On a déjà eu des rencontres, avec notamment le ministre de l'Économie et des Finances, D. Strauss-Kahn, pour poser ces questions. Le débat parlementaire va s'engager et en ce qui nous concerne, nous allons tout faire pour que l'impôt sur les grosses fortune soit revalorisé, évidemment en prenant des précautions pour exempter les PME et PMI créatrices d'emplois. »
O. Mazerolle
Lorsque le Gouvernement a retiré son projet de modification du mode de scrutin européen, la semaine dernière, est-ce que les députés communistes ont eu cette fois l'impression d'avoir enfin servi à quelque chose ?
A. Bocquet
- « Pas seulement pour le projet de loi relatif à la modification du mode de scrutin pour les européennes ! Nous servons beaucoup. Nous avons contribué, par exemple, dans toute une série de projets de loi à les améliorer, à les renforcer dans un sens plus social notamment. En ce qui concerne ce projet de loi, chacun sait notre différence d'appréciation avec le Parti socialiste en ce qui concerne l'Europe. Nous sommes, nous, très attachés pour des raisons de fond, à ce que la circonscription France soit représentée à l'Assemblée européenne. En même temps, nous sommes attachés à la représentation proportionnelle. Alors, c'est une bonne chose. »
O. Mazerolle
Nous avons bien vu à cette occasion qu'il n'y avait pas de majorité pour le seul Parti socialiste. Alors pour vous, c'est un simple épisode, comme le dit L. Jospin, ou bien c'est une leçon ?
A. Bocquet
- « Je crois qu’il y a d’abord un enseignement à tirer, c’est qu’il vaudrait mieux que les projets de loi soient mieux préparés en amont par l’ensemble des composantes de la majorité. J’ai déjà eu à faire remarquer à plusieurs reprises, notamment au ministre chargé des relations avec le Parlement, que parfois, les textes nous arrivaient trop tard et nous étions un peu devant le fait accompli. C’est, à mon avis, une mauvaise méthode, mais je crois que déjà des choses ont évolué. Par exemple, pour la loi des 35 heures, les choses sont allées dans un meilleur sens. »
O. Mazerolle
Vous allez remettre cela à la rentrée sur la modification du mode de scrutin pour les élections régionales ?
A. Bocquet
- « Nous avons exprimé notre désaccord en ce qui concerne la modification pour le mode de scrutin des élections régionales. »
O. Mazerolle
Vous pourriez aller voter contre ?
A. Bocquet
- « Nous avons voté contre. »
O. Mazerolle
Cette fois, massivement ?
A. Bocquet
- « Nous avons voté contre et il y aura une deuxième lecture. Nous pensons, à ce propos, que la barre des 5 % est une barre qu'il faut respecter, permettant à toutes les formations, dans leur diversité, d'exister dans le cadre des élections régionales en particulier. »
O. Mazerolle
Vous avez dit, tout à l’heure : mon ami R. Hue. Pourtant, on vous a prêté des propos très durs sur lui. Alors vous êtes d'accord avec lui sur tout ?
A. Bocquet
- « Comme vous l'avez dit, on m'a prêté, on m'attribue des paroles que je n'ai pas prononcées. »
O. Mazerolle
C'est vraiment votre copain, R. Hue ?
A. Bocquet
- « Tout à fait. C'est un ami et nous travaillons ensemble en permanence, en ce qui concerne notamment la gestion des affaires parlementaires. »
O. Mazerolle
Que répondez-vous à ceux qui, parmi les communistes, disent que R. Hue est plus populaire à l'extérieur du parti que dans le parti. Il ressemble à Gorbatchev, qui a fini par se casser la figure ?
A. Bocquet
- « Ce sont des calomnies. Il y a une campagne menée depuis quelques semaines tendant à diviser les dirigeants communistes, à porter atteinte à l'unité des communistes. Je pense que cette campagne n’est pas fortuite, mais elle sera mise en échec. »
O. Mazerolle
Pourtant dans votre région, le Nord et le Pas-de-Calais, il y a une déperdition des militants qui s'en vont à la Ligue communiste révolutionnaire ?
A. Bocquet
- « Il paraît qu'il y a deux anciens communistes qui ont adhéré à la LCR et on en fait des papiers dans tous les journaux. Cela me paraît un peu excessif. Pensons aux milliers de communistes, aux dizaines de milliers de communistes du Nord-Pas-de-Calais qui se battent chaque jour aux côtés des salariés, qui ont des difficultés, qui agissent pour les défendre avec notamment cette pétition nationale que nous avons lancée pour relever le pouvoir d'achat, pour baisser la TVA sur quelques produits ciblés, en particulier le gaz et l’électricité, pour réclamer un moratoire sur les plans de licenciements, pour reconduire l'augmentation de l’allocation de rentrée scolaire à 1 600 francs. Voilà ce que font les militants communistes. »
O. Mazerolle
La ligne R. Hue, c'est la bonne ?
A. Bocquet
- « La ligne, est la ligne du Parti communiste, de sa direction dans sa diversité. C'est la ligne de notre XXIle congrès, définie par la majorité des communistes. C'est celle-là qu'on applique les uns et les autres, chacun avec sa différence, bien entendu. »
O. Mazerolle
Quand vous entendez un de vos députés, tout de même, M Gremetz, critiquer tout cela, vous avez envie de dire comme R. Hue « oh, repli sectaire ! Tout cela est teinté de néo-stalinisme ! » ?
A. Bocquet
- « Je n'aime pas beaucoup les étiquettes. »
O. Mazerolle
C'est ce qu'a dit R. Hue !
A. Bocquet
- « Je parle en mon nom. Je suis contre tout étiquetage. Chaque communiste a le droit d'exprimer son point de vue, à condition de ne pas porter d'attaques personnelles. Je ne pense pas que ce soit la pratique qui sied au sein du Parti communiste, où doit régner la fraternité et le respect mutuel. »
O. Mazerolle
Donc les communistes vont continuer à appuyer le Gouvernement ?
A. Bocquet
- « Les communistes sont au Gouvernement, sont dans la majorité. Ils ont l'intention de continuer à y travailler, avec leur originalité, leur spécificité, avec leurs propositions, mais ce qui compte, c'est que l'intervention des gens se fasse, que les gens poussent à la roue, que les citoyens interviennent pour aller vers des réformes de structures qui fassent que la gauche puisse réussir complètement. »
O. Mazerolle
Allez « Zizou Jospin !» ?
A. Bocquet
- « Allez à la gauche. »