Texte intégral
Q. : Qu'avez-vous à dire aux Français qui ne comprennent pas l'impuissance des forces militaires de l'ONU face à ce que le Général Briquemont appelait les « blancs-becs », serbes de Bosnie ?
R. : C'est la présence des forces de l'ONU qui permet l'acheminement de l'aide humanitaire nécessaire aux populations de Bosnie ; le bataillon français a aussi permis l'accord de cessez-le-feu signé Bihac, la semaine dernière, par les deux parties musulmanes. En Croatie, les Casques bleus ont supervisé la signature de cessez-le-feu en Krajina, et permis de réduire les tensions dans les zones d'affrontement entre serbes et croates. En Macédoine, enfin, ils contribuent par leur présence à prévenir l'extension du conflit. Partout, ils sauvent quotidiennement par leur présence des milliers de vies humaines.
Certes, l'ONU n'a pas empêché la poursuite des combats et les stratégies militaires des parties, mais il faut rappeler que cela n'entre pas dans le cadre du mandat qui lui a été confié et qui reste, pour ce qui concerne la Bosnie, strictement humanitaire. C'est la nature de ce mandat qui doit faire l'objet d'une attention très grande de la communauté internationale et peut-être d'une révision.
Q. : Comment expliquer que la guerre du Golfe ait été expédiée en quelques jours d'attaque, et que là nous soyons humiliés et l'Europe ridiculisée ?
R. : Les situations ne sont pas comparables : dans le cas des opérations du Golfe, la coalition à laquelle nous appartenions avait reçu mandat du Conseil de sécurité de répondre à une agression de l'Irak sur le territoire du Koweït, État indépendant.
Dans le cas de la Bosnie et même si le soutien de la Serbie est patent, il s'agit d'une guerre civile à l'intérieur d'un État. La communauté internationale n'a déclaré la guerre à personne. L'Europe a choisi la voie de l'action humanitaire et des négociations ; cette option ne peut aboutir que par la volonté des parties. À défaut nous devrions reconsidérer cette politique.
Q. : Seriez-vous favorable à un compte à rebours à imposer aux Serbes avec une date-butoir au-delà de laquelle les forces de l'OTAN attaqueraient ?
R. : Nous devons continuer à maintenir la pression sur les belligérants afin de promouvoir dans les meilleurs délais une solution négociée. C'est pourquoi nous tenons à ce que les sanctions prises par l'ONU contre la Serbie ne soient levées que dans le cas où un véritable plan de paix serait signé.
Q. : Confirmez-vous que 19 000 jeunes incorporables ayant demandé à servir sous les drapeaux se sont entendu répondre négativement ? Si l'armée manque de crédits, ne doit-elle pas en profiter pour revoir l'organisation, et peut-être la durée du service national ?
R. : La réalité des faits que vous évoquez est assez sensiblement différente de ce que l'on a pu en dire. Les jeunes peuvent aujourd'hui choisir jusqu'à deux mois avant la date retenue le moment auquel ils seront appelés au service national. On constate ainsi traditionnellement un afflux de demandes pour les incorporations de l'automne, à la fin du cycle universitaire. Or les besoins des armées à un moment donné ne correspondent pas forcément aux demandes des jeunes gens, pas pour des raisons budgétaires d'ailleurs mais pour des raisons d'organisation.
Le code du service national prévoit donc la possibilité de décider de deux à six mois la date d'incorporation demandée par les jeunes gens. Ceux-ci en sont avisés un mois avant la date ; l'avis les informant de cette décision leur indique qu'en cas de difficultés particulières (emploi, études notamment) ils pourront malgré tout être incorporés à la date choisie : 5 000 jeunes environ ont ainsi vu leur demande d'appel en février acceptée.
Pour l'avenir la Direction du service national étudie les possibilités d'amélioration du dialogue qu'elle entretient en permanence avec les jeunes gens afin de réduire au minimum ces difficultés. Il faut cependant être conscient que ces décalages sont la contrepartie inévitable de la possibilité offerte à tous de pouvoir librement choisir la date de leur incorporation. Ce progrès-là il ne faut pas à mon sens la remettre en cause.
Il ne s'agit donc pas d'abord d'un problème budgétaire et une réduction de la durée du service national ne réglerait rien mais aurait au contraire un effet dévastateur sur nos armées et le rôle des jeunes appelés. Je l'ai indiqué : en dessous de 10 mois on a des soldats mais on n'a plus d'armée. Les appelés dans cette hypothèse ne pourraient plus tenir que des fonctions de soutien peu valorisantes.
Q. : Vous venez à Tours installer le COFAT : le Commandement des organismes de formation de l'Armée de Terre et visiter les installations souterraines de surveillance radar de Cinq-Mars-la-Pile : comment définiriez-vous le poids militaire de la Région ?
R. : Plus de 20 000 personnels militaires et civils du ministère de la Défense sont affectés dans la Région Centre. L'installation du COFAT à Tours renforce la vocation de formation très affirmée de la région Centre dans le dispositif militaire : École d'application du train à Tours : École supérieure d'application du matériel à Bourges et à Châteauroux ; Écoles de la Délégation générale pour l'armement à Bourges ; formation des pilotes de chasse à Tours, des pilotes de transports à Avord.
La base d'Avord constitue de plus un élément essentiel du dispositif opérationnel de l'armée de l'air puisque s'y trouvent stationnés les avions de détection aéroportée (AWACS) et que ses infrastructures lui permettent d'accueillir les avions de combat les plus performants.
Le Centre a aussi et conservera une vocation traditionnelle en matière d'industrie d'armement même si ce secteur connaît actuellement une crise profonde liée à la baisse des commandes d'armement et à une concurrence mondiale très rude qui touche notamment les établissements de la société G.I.A.T. – Industrie de Bourges et de Salbris.
C'est une de mes principales préoccupations et j'étudie avec mes collaborateurs des solutions qui permettent d'assurer dans de bonnes conditions la reconversion et le développement de cette Région.