Déclaration de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, sur l'Islam et la Mosquée de Paris, Paris le 7 avril 1994.

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  • Simone Veil - ministre des affaires sociales de la santé et de la ville

Circonstance : Visite de Mme Veil à la Grande Mosquée de Paris le 7 avril 1994

Texte intégral

Monsieur le recteur,

En réponse à vos paroles de bienvenue, qui m'ont beaucoup touchée, je voudrais sans empiéter sur le temps de dialogue qui nous attend, dire en quelques mots pourquoi il m'a été particulièrement agréable d'accepter votre invitation.

L'institution que vous dirigez, Monsieur le recteur, est d'abord bien sûr un lieu de prière, et je sais toute la ferveur qui s'y exprime, notamment quand des événements tragiques en appellent à toutes les consciences.

Mais pour le ministre de la République que je suis, elle est aussi un lieu de mémoire et un lieu de rencontre.

Lieu de mémoire, d'abord puisqu'elle a été édifiée en hommage rendu aux musulmans morts pour la France. Mais le souvenir de ceux qui ont ainsi fait sacrifice suprême de leur vie pour la France est à mes yeux le puissant symbole d'une très longue histoire commune, celle de la France et de l'Islam. Histoire millénaire, faite de conflits bien sûr mais aussi de vie en commun, d'échanges culturels et spirituels, de tout ce qui tisse une familiarité.

L'Islam n'est pas en France une religion étrangère, ni même une religion importée, c'est celle de millions d'hommes et de femmes dont beaucoup sont français, ou souhaiteront le devenir. C'est aussi la religion, et plus largement la culture, de nombreux étrangers qui enrichissent notre société par leur travail et leur participation à la vie nationale.

C'est cette réalité de l'Islam en France qui s'offre ici, Monsieur le recteur, à la rencontre des autres. La beauté des lieux, le signe de ce minaret qui fait partie du paysage de Paris, attirent de nombreux visiteurs, qui sont heureux dans les cours ou autour du thé traditionnel de bénéficier de l'hospitalité dont l'islam fait une valeur sacrée.

Au plus profond de soi-même, chacun sait que la Mosquée est une maison ouverte à tous, musulmans ou non : par ses services sociaux, par sa bibliothèque, et surtout par sa constante présence dans les échanges tant avec les autres grandes religions qu'avec les institutions publiques, les associations, les courants de pensée.

Il est donc tout naturel que je sois ici aujourd'hui, comme ministre de l'intégration et que chargée en outre des droits de la femme, je vienne rencontrer plus particulièrement des femmes musulmanes de France. Chacune de celles que vous avez réunies illustre cette réalité de l'intégration à la française dont notre pays est fier et que, comme l'a récemment rappelé le Premier ministre en installant le Haut conseil à l'intégration, le Gouvernement entend maintenir et renforcer.

C'est en effet pour notre pays la seule manière d'être fidèle à son histoire et à son identité que de prouver la vitalité de ce modèle et le respect qui est dû aussi bien aux traditions et aux valeurs de chacun qu'à la loi commune qui s'impose à tous.

Dans les difficultés et parfois les drames qui nous entourent, c'est un beau message, que celui de musulmans et de musulmanes qui vivent sereinement leur foi dans une société laïque, où l'égalité des sexes est une valeur fondamentale.

Comme ministre de l'intégration, j'ai souhaité donner à l'action en faveur des femmes une priorité : la rencontre que vous avez bien voulu organiser sur le thème de la femme musulmane en France se situe donc au cœur de mes préoccupations, et je vous propose, sans plus attendre, de donner la parole à nos invitées avec lesquelles je serai heureuse de dialoguer.