Interview de M. Jacques Toubon, ministre de la culture et de la francophonie, à RTL le 18 septembre 1994, sur les journées du patrimoine.

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J.-P. Tison : Peut-on faire un premier bilan ?

J. TOUBON : C'est une augmentation de 5 à 10 %, de la fréquentation globale. Il y a quelques différences. Je me réjouis de constater qu'il y a une très forte augmentation dans le Nord-Pas-de-Calais où je me trouvais hier. Aujourd'hui, le goût du public le porte vers de nouveaux itinéraires, de nouveaux thèmes. Les grands monuments, les grandes institutions parisiennes sont toujours aussi fréquentés, mais en même temps, le public se porte vers de nouveaux lieux. C'est un affinement du goût du public pour le patrimoine, dont je me réjouis.

J.-P. Tison : Il y a quelques déceptions ?

J. TOUBON : Certaines régions très riches de patrimoine, comme la Bourgogne, ont eu une fréquentation inférieure à l'an passé. Cela est peut-être dû à des Facteurs météorologiques.

J.-P. Tison : Votre directeur du patrimoine au ministère de la Culture, disait que le nombre de visiteurs avait moins d'importance que la qualité des visites ?

J. TOUBON : La visite d'un monument, la vision d'un objet dans une église, dans un château, tel ou tel site industriel, bref le patrimoine, c'est autre chose que de s'extasier, de s'émouvoir devant tel ou tel site, telle ou telle beauté de la main de l'homme ou de la nature. Il y a aussi toute une « destruction » qui permet de donner à notre émotion une raison pour faire en sorte que ce patrimoine soit, pour nous, une raison de vivre et une raison d'avoir confiance dans l'avenir. Ma croyance absolue c'est que, dans une société divisée, à la dérive comme la nôtre, quand l'on veut savoir où l'on va aller, il faut souvent se demander : d'où vient-on ?

J.-P. Tison : Cette année s'est ajouté « un circuit des sites des goûts ».

J. TOUBON : L'art culinaire, les produits du terroir font partie de la culture française. Le ministère de la Culture a un intérêt très direct pour cela : nous avons un conseil national des arts culinaires. Il a distingué 100 sites remarquables du goût. La hase de notre culture n'est seulement une culture savante, mais une culture du travail, de la vie de tous les jours.

J.-P. Tison : Vous vous êtes occupé d'un pont transbordeur.

J. TOUBON : Oui, sur la Charente près de Rochefort a été construit un pont d'une cinquantaine de mètres de haut qui permet à une nacelle de passer d'une rive à l'autre de la Charente et donc de transporter des voitures et leurs passagers. En 1967, il a été remplacé par un pont routier normal. Depuis, un mouvement s'est créé pour qu'il ne soit pas détruit et, de plus, qu'il soit remis en service. Grâce essentiellement au financement de notre ministère, il a pu être remis en service en juillet dernier. 15 000 personnes ont emprunté la nacelle. À l'époque, il n'y a eu que six ponts de ce type qui ont été construits de par le monde.

J.-P. Tison : Quel est le monument qui vous est le plus cher ?

J. TOUBON : Saint-Savin et ses fresques murales, c'est ce qui me donne le plus d'émotion. Mais je peux aussi citer l'église romane de Talmont construite sur un promontoire, le baptistère des VIII/IXe siècles à La Ferté-sous-Jouarre.

J.-P. Tison : Il y a, à Paris, au musée des monuments français, une exemplaire reproduction des fresques de Saint-Savin.

J. TOUBON : En matière de sculpture ou de peinture de l'époque gothique, il y a au musée des monuments français, au Palais de Chaillot, des reproductions tout à lait excellentes. Ce musée va devenir l'élément central d'un grand Centre National du Patrimoine. Il va approfondir pour le grand public comme pour les professionnels, le patrimoine, développer l'information sur le patrimoine, et ceci parallèlement à la Fondation Nationale du Patrimoine qui aura pour objectif de permettre la participation de tous les citoyens. Le patrimoine n'est pas seulement l'affaire de l'État. Il faut que chacun y participe en contribuant par ses subventions à la sauvegarde de tel ou tel monument. Le patrimoine c'est l'affaire Lie tous.