Interview de M. René Monory, président du Sénat, à RTL le 13 septembre 1994, sur la prestation télévisée de François Mitterrand, les relations de ce dernier avec le régime de Vichy, et la construction européenne.

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M. Cotta : Est-ce que le plaidoyer du Président est inédit dans votre souvenir ?

R. Monory : Sûrement dans le souvenir de beaucoup, il est inédit puisque l'on n'a jamais vu beaucoup un Président s'expliquer comme ça. Comme président du Sénat j'ai regardé cela avec beaucoup d'attention, mais j'éviterais tous les commentaires qui pourraient être interprétés d'une façon suspecte. Je veux éviter toute polémique.

M. Cotta : Le parcours politique du chef de l'État vous a-t-il étonné ?

R. Monory : Je n'ai pas de commentaires. Tout le monde connaissait le parcours de F. Mitterrand bien avant l'émission. Je n'ai pas de commentaires à faire sur ce sujet, et surtout pas de commentaires partisans. Je suis très prudent et réservé car ma position est sans doute plus difficile qu'un autre.

M. Cotta : Pensez-vous que pour beaucoup Vichy a été un passage obligé ?

R. Monory : Vichy n'a pas été un passage obligé. Il y en a beaucoup qui n'ont pas suivi Vichy. C'est vrai que dans cette période-là, il y avait sans doute des troubles dans les esprits Mais je n'ai pas de commentaires à faire sur la position de F. Mitterrand.

M. Cotta : N'avez-vous pas un avis personnel sur le parcours du chef de l'État ?

R. Monory : J'ai un avis personnel, mais je vous ai dit que je ne rentrerai pas dans la polémique sur ce sujet qui est beaucoup trop grave. Hier soir, j'avais un peu de peine de voir le Président se sentir obligé de s'expliquer comme cela parce que ce n'est pas comme cela que l'on termine un mandat. Je suis donc un petit peu triste et c'est tout ce que je peux dire.

M. Cotta : Êtes-vous sensible à la volonté du Président de ne pas attiser les divisions sur ce sujet entre Français ?

R. Monory : Je suis sensible surtout à l'idée de ne pas attiser les polémiques sur ce sujet. C'est un passé difficile. J'avais l'impression, hier soir, que le Président dialoguait plus avec lui-même qu'avec J.-P. Elkabbach. Il dialoguait avec lui-même, avec son passé. C'était pathétique.

M. Cotta : Trouvez-vous que les socialistes, en s'indignant, essayent de se refaire une virginité à bon compte ?

R. Monory : Ils ne sont pas tous dans cet état d'esprit. Il y en a au contraire qui défendent complètement F. Mitterrand. S'il y a une morale dans l'histoire, ils doivent détendre F. Mitterrand car ils ont bien été contents de le trouver pour se faire élire à une certaine période.

M. Cotta : Ressentez-vous F. Mitterrand comme un adversaire politique ou comme un collègue de combat ?

R. Monory : J'ai toujours mené le combat en politique. Je n'aurai pas à me comparer au président de la République. Ce n'est donc pas un collègue de combat mais c'est un homme politique qui a beaucoup combattu comme moi-même j'ai combattu dans mon coin et dans ma case à moi.

M. Cotta : Est-ce que le fait que vous ayez peut-être à remplacer temporairement le chef de l'État, si la maladie le fait trop souffrir, vous préoccupe ?

R. Monory : Cela ne me préoccupe pas, mais c'est ce qui m'amène à avoir une très grande réserve dans les commentaires que je peux faire sur l'entretien de F. Mitterrand d'hier soir. Vous comprenez bien que si la maladie l'oblige à partir, c'est moi qui serai obligé d'aller à l'Élysée. Cela serait d'ailleurs quelque chose d'important dans ma vie, mais je ne vais pas m'amuser aujourd'hui à critiquer, à commenter, à juger. Je laisse faire les évènements.

M. Cotta : Entrer à l'Élysée vous donnerez-t-il des envies d'être candidat comme A. Poher ?

R. Monory : Pas plus qu'aujourd'hui. Je n'ai pas l'idée de me présenter aujourd'hui. Je n'ai jamais manifesté l'idée d'être candidat à la présidence de la République, et je ne vois pas pourquoi je changerai. Laissons faire le temps, et chaque chose en son temps. Aujourd'hui, je pense, comme le président l'a dit hier soir, qu'il ira jusqu'au bout.

M. Cotta : Vous sentez vous politiquement proche du chancelier Kohl ?

R. Monory : Très proche. Entre nous le courant a bien passé, et c'est vraiment une grande amitié qui existe maintenant. J'allais à Bonn pour autre chose puisqu'il y avait la réunion des présidents d'Assemblée. Quand j'ai téléphoné quelques jours plutôt, immédiatement il m'a dit qu'il voulait me voir. C'est un homme pour lequel j'ai beaucoup d'estime. Il y a six mois on ne lui donnait que peu de chances et il a gagné en disant la vérité.

M. Cotta : Y-a-t-il une leçon pour la France dans son appel aux syndicats ?

R. Monory : Je crois qu'en France on a bien compris cela aussi, mais il faut l'exprimer encore plus fort. Le chancelier Kohl est en train de gagner parce qu'il a réussi sa réunification.

M. Cotta : Cela vous paraît-il contestable d'exclure l'Italie du noyau dur européen ?

R. Monory : La seule maladresse de ce texte que j'approuve est d'avoir nommément désigné des pays. D'ailleurs c'est moins net que ce que vous dites. Je suis peut-être le mieux placé pour en parler contrairement aux questions de tout à l'heure car c'est moi qui ai mis en place le SME. J'ai fait le tour des capitales à l'époque et si j'avais écouté chacun on ne l'aurait jamais lait. On l'a fait, les Anglais ne sont pas venus au départ. Ils sont venus après. Alors aujourd'hui, est-ce que l'on doit claquer notre vitesse sur le plus lent ou le plus rapide ? Je n'exclus personne mais il faudra bien que l'on avance.

M. Cotta : Vous avez dit qu'il fallait 3 % de croissance pour relancer la pompe mais pourtant nous sommes sous ce chiffre ?

M. Cotta : Ce n'est pas moi qui aie inventé ce chiffre. Tous les experts ont toujours dit cela. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de solutions. D'ailleurs le Premier ministre en a proposé quelques-unes qui me paraissent valables. Mais pour les RMIstes qui n'ont pas travaillé depuis deux ans, il faudra mettre en place des équipes pour les marier avec des entreprises faute de quoi ce sera difficile de les réinsérer. Je crois que c'est une bonne idée.