Interview de M. Alain Madelin, ministre des entreprises et du développement économique chargé des PME et du commerce et de l'artisanat, président du mouvement Idées-Action et vice-président de l'UDF et du PR, dans "Le Figaro" le 20 septembre 1994, sur ses relations avec M. Jacques Chirac, le RPR et la majorité dans la perspective de l'élection présidentielle de 1995.

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Intervenant(s) : 
  • Alain Madelin - Ministre des entreprises et du développement économique, chargé des PME et du commerce et de l'artisanat ;
  • Anne Fulda - Journaliste

Circonstance : Réunion du Forum Innovation et Entreprise à Paris septembre 1994

Média : Le Figaro

Texte intégral

"Il n'y a pas, par nature, de candidat de l'UDF ou du RPR"

À la veille du Forum Innovation et Entreprise qu'il clôture demain aux côtés de Jacques Chirac, le ministre de l'industrie souligne : "ne cherchez pas d'allégeance là où il y a indépendance".

Président du mouvement idées Actions et ministre des Entreprises, Alain Madelin a semblé ces derniers temps pencher en faveur de la candidature de Jacques Chirac dont il partage certaines thèses et dont il apprécie "les qualités humaines et l'énergie". Sa présence à l'université d'été du RPR, son discours sur la réforme et le fait qu'il soit demain aux côtés de Jacques Chirac, lors du forum Innovation Entreprise, laissant penser que ce ministre d'Édouard Balladur serait plutôt chiraquien. Y'a-t-il un axe Chirac-Madelin ? Le ministre des Entreprises répond au Figaro.

Le Figaro : Où en est votre association Idées Actions ? Pourquoi et pour qui travaille-t-elle ?

Alain Madelin : Idées Actions a bien travaillé depuis quelques mois. Nous avons à l'heure actuelle une centaine de cercles en province, une trentaine de cercles de réflexions et déjà 190 parlementaires se sont associés à nos travaux. Nous livrerons nos réflexions et propositions lors de notre première convention nationale qui se tiendra le 12 octobre à Paris. Avec Idées Actions, nous voulons répondre à la question : un président pour quoi faire ? Et seulement à cette question en toute indépendance ? Quant au choix des personnes, il ne relève pas d'Idées Actions. En effet, notre mouvement se situe par nature au cœur de l'union de la majorité ; on y côtoie autant d'UDF que de RPR et chacun y est libre de choisir son candidat. Notre force, c'est justement cette diversité. Notre force c'est aussi l'engagement de la société civile pour réformer, quitte à bousculer les forces du statu quo et un certain establishment.

Le Figaro : Votre présence à l'université d'été du RPR, votre discours sur la nécessaire rupture sociale et enfin le fait que vous soyez demain aux côtés de Jacques Chirac laissent cependant supposer que vous avez choisi votre candidat. Alors y a-t-il un axe Chirac-Madelin ?

Alain Madelin : Je me suis effectivement rendu à l'université d'été du RPR en ami, en dirigeant du parti républicain, comme président d'Idées Actions et comme partisan de l'union de la majorité. Je m'étonne que l'on s'en étonne. Je participe aussi demain à un débat dont le thème est "l'initiative locale au service de l'emploi" et où Jacques Chirac est invité. Je n'ai pas à m'en justifier car c'est la place du ministre des Entreprises. Au surplus que n'aurait-on dit si j'avais refusé d'y participer en raison de la présence de Jacques Chirac. J'ai été son ministre de l'industrie pendant deux ans. J'en ai gardé une estime personnelle et j'ai toujours plaisir à parler avec lui des problèmes de l'entreprise. Je sais ce que les querelles de personnes nous ont déjà coûté et par tempérament je n'y suis guère porté. Ne cherchez pas d'allégeance là où il y a indépendance.

Le Figaro : Que pensez-vous de l'entrée de Raymond Barre dans la course présidentielle ?

Alain Madelin : Raymond Barre fait partie, comme Jacques Chirac, comme le Premier ministre et comme d'autres, des hommes qui peuvent légitimement prétendre exercer la plus haute fonction de l'État. J'apprécie ses propositions, même s'il peut y avoir entre nous des divergences concernant telle ou telle proposition.

Le Figaro : Pensez-vous que l'UDF doit absolument avoir son candidat ?

Alain Madelin : Je pense que sous la Ve République, ce ne sont pas les partis politiques qui doivent présenter leur candidat. Il s'agit d'une démarche personnelle de ceux qui estiment être porteurs d'une certaine vision de la destinée de leur pays. Il appartient ensuite aux partis politiques et aux hommes politiques  de se déterminer. Ne renversons pas l'ordre des facteurs. Il n'y a pas par nature un candidat de l'UDF ou du RPR.

Le Figaro : Que pensez-vous de cette fin de septennat et des déclarations de François Mitterrand sur son passé ?

Alain Madelin : Cela fait trente ans que tout le monde connaît le parcours de François Mitterrand. Le découvre aujourd'hui ceux qui veulent bien le découvrir. C'est en 1974, en 1981 ou en 1988 qu'il fallait polémiquer avec lui. Aujourd'hui, il est le chef de l'État. Cet acharnement dans la dernière ligne droite a quelque chose d'inconvenant, de profondément choquant. Ce que je me demande c'est pourquoi ceux qui feignent de découvrir aujourd'hui le passé de François Mitterrand se sont-ils tus pendant si longtemps ? Cela étant, je me demande aussi pourquoi François Mitterrand cherche à attirer lui-même l'attention sur son passé. Ce que je ne peux pas comprendre c'est que le chef de l'État semble toujours ignorer la nature des lois anti-juives de Vichy et la négation scandaleuse de la dignité humaine que ces lois représentent dès octobre 1940.