Texte intégral
Bernard Pons : "Chirac est le candidat légitime du RPR"
Comme Charles Pasqua, le président du groupe gaulliste de l'Assemblée nationale affirme : "Il n'y aura pas deux candidats du RPR à la présidentielle".
Les journées parlementaires du RPR, qui se dérouleront demain et après-demain à Colmar, auront pour thème "La lutte contre l'exclusion" et "Pour un nouvel élan social". De nombreuses personnalités politiques – le premier ministre Édouard Balladur ; le président du RPR, Jacques Chirac ; le président de l'Assemblée nationale, Philippe Séguin ; le ministre des Affaires étrangères et secrétaire général du RPR, Alain Juppé ; et Charles Pasqua – s'exprimeront à la tribune. À la veille de ces journées, le président du groupe RPR de l'Assemblée, Bernard Pons, s'explique dans nos colonnes sur les divisions apparues au sein de son groupe.
Le Figaro : La liste des députés "balladuriens" d'une part, "chiraquiens" de l'autre, s'allonge de jour en jour. On a l'impression que vous ne tenez plus vos troupes.
Bernard Pons : C'est simplement une impression. J'ai le sentiment que l'on veut forcer les uns et les autres à se déterminer soit dans un sens soit dans l'autre, ce qui n'est pas très convenable. L'immense majorité des députés RPR souhaite le calme et la sérénité, et nos collègues se détermineront le moment venu.
Le Figaro : La multiplication des déjeuners à l'Hôtel Matignon et des rencontres à l'Hôtel de Ville n'est pas qu'une impression…
Bernard Pons : Il est normal que le Premier ministre ait des contacts réguliers, sur un plan un peu informel, avec les députés de sa majorité.
Des députés majeurs
Le Figaro : Ces déjeuners n'ont donc, selon vous, aucune signification politique ?
Bernard Pons : Absolument aucune. La France est un pays où la convivialité est quelque chose d'important. Il est tout à fait normal que les députés RPR et UDF se rendent à l'invitation du Premier ministre comme à l'invitation du président du président du RPR. Cela ne veut pas dire pour autant qu'ils adhèrent à tous les orientations qui sont prises par les uns ou par les autres. Les députés sont majeurs, le jour où ils voudront s'exprimer, ils le feront ne toute clarté, publiquement.
Le Figaro : Certains d'entre eux l'ont déjà fait, dans des termes sans ambiguïté.
Bernard Pons : Je n'ai pas de jugement à porter sur le comportement des députés du groupe. Si certains tiennent des propos excessifs, ils en assumeront la responsabilité. Je crois que les jugements excessifs se retournent toujours contre ceux qui les profèrent.
Le Figaro : Ne craignez-vous pas que le groupe des députés RPR se scinde en deux ?
Bernard Pons : Il y a toujours, dans une possibilité de rêve, une possibilité de cauchemar ! Mais je n'y crois pas. Les gaullistes ont déjà connu des moments difficiles et ce qui les rassemble est beaucoup plus important que ce qui les divise. Je pense donc qu'après des débats, des préférences exprimées ici ou là, l'ensemble des députés RPR se retrouveront pour soutenir le candidat qui leur paraîtra être porteur des intérêts de la France pour les sept ans à venir.
Le Figaro : Lors de ces journées, allez-vous, à l'instar de votre homologue au Sénat, Josselin de Rohan, réclamer le "silence dans les rangs" ?
Bernard Pons : Je profiterai des journées de Colmar pour en appeler à la sagesse, à la raison des députés RPR. Je les exhorterai à l'union, à la tolérance, au rassemblement. Que, sur 260 députés RPR, il y ait quelques individualités qui peut-être se comportent mal, c'est dans la nature des choses. Cela ne doit pas entraîner un jugement péjoratif sur l'ensemble du groupe.
Le Figaro : Fidèle de Jacques Chirac, estimez-vous toujours qu'il est le candidat "naturel" du RPR à l'Élysée ?
Bernard Pons : Le mot "naturel" ne me paraît pas convenir, il est le candidat "légitime".
Primaires : hors délai
Le Figaro : Rencontrez-vous souvent Édouard Balladur ?
Bernard Pons : Au moins tous les mardis, aux déjeuners de Matignon quand ils ont lieu. Je ne manque jamais d'y participer. On y parle très franchement.
Le Figaro : Quand devrait, selon vous, s'ouvrir la campagne présidentielle ?
Bernard Pons : Suffisamment tôt pour que tout le monde ait la possibilité de bien connaître, non seulement les candidats, mais surtout leurs projets, leurs propositions. Avant la fin de l'année, certainement.
Le Figaro : Charles Pasqua "n'imagine pas" que le RPR puisse avoir deux candidats à la présidentielle. Est-ce votre avis ?
Bernard Pons : Je l'ai moi-même réclamé. Je me félicite de voir que Charles Pasqua fait la même analyse que moi. Il n'y aura pas deux candidats du RPR.
Le Figaro : Est-il encore temps d'organiser des "primaires" ?
Bernard Pons : J'avais donné mon accord à l'organisation de primaires à l'intérieur de la majorité, qui devaient s'échelonner sur une longue période, entre six mois et un an. Il faut qu'elles se passent dans un esprit de grande sérénité, donc il faut du temps. Je crois qu'on est un peu hors délai.
Le Figaro : Jacques Delors est-il un adversaire dangereux pour 1995 ?
Bernard Pons : Absolument pas. M. Delors a fait les preuves de sa fragilité et quelques fois de son incompétence. Lorsqu'il était ministre des Finances, il été à l'origine de trois dévaluations en moins de dix-huit mois, un record de France ! Et, comme président de la Commission européenne, il n'a pas donné l'image d'un homme déterminé et pugnace. Il a des qualités mais, à mon avis, pas celles d'un chef d'État.
Le Figaro : Quel sera l'état d'esprit des députés RPR lors de la session budgétaire ?
Bernard Pons : Lors de la discussion budgétaire, nous soutiendrons et nous aiderons le gouvernement, qui est en face d'une tâche difficile et compliquée, puisqu'il faut essayer de résorber le déficit budgétaire, et en même temps donner les moyens aux différents départements ministériels d'assumer leur tâche.
Vendredi 23 septembre 1994
RMC
P. Lapousterle : De l'avis unanime, J. Chirac a prononcé, hier, un discours énergique et musclé. A-t-il franchi un nouveau pas dans la campagne électorale ?
Bernard Pons : Tout le monde reconnaît que J. Chirac a prononcé un très important et excellent discours. Il a analysé la situation de notre pays, les maux dont souffre la France et l'intérêt d'un grand débat national à l'occasion de l'élection présidentielle. Je crois qu'il a franchi un pas de plus dans sa démarche qui est connue. Ce n'était pas une surprise pour les parlementaires RPR.
P. Lapousterle : Que manque-t-il pour que J. Chirac dise carrément qu'il est candidat ?
Bernard Pons : C'est lui qui décidera le moment venu. Personne, à l'heure actuelle, ne peut avoir de doutes sur sa démarche.
P. Lapousterle : Parmi les maux de la France il a évoqué "l'approche strictement gestionnaire". Chacun y a vu des corps à la méthode d'E. Balladur. Est-ce votre avis ?
Bernard Pons : Non. Je ne crois pas. C'est une analyse globale. J. Chirac considère que notre pays, depuis très longtemps, souffre de certaines structures qui – progressivement – se sclérosent. La thèse que défend J. Chirac depuis très longtemps est que le futur septennat doit être l'occasion d'un profond changement dans un certain nombre de domaines très importants.
P. Lapousterle : Y compris par rapport à ce qui se fait maintenant ?
Bernard Pons : Oui. Le gouvernement est animé des meilleures intentions, en particulier dans la lutte contre le chômage, la réforme du système éducatif. Mais il ne peut aller au-delà de certaines limites à cause des structures qui ne le permettent pas.
P. Lapousterle : Le prochain candidat doit-il s'engager à ne pas dissoudre l'Assemblée actuelle ?
Bernard Pons : Cela dépend de la personnalité de chacun des candidats et du soutien qu'il peut avoir au sein de la majorité actuelle à l'Assemblée nationale. Chaque candidat n'a pas à perdre cet engagement. Pour J. Chirac, c'est tout à fait normal et naturel puisque, s'il y a une majorité très large aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, c'est essentiellement à lui qu'on le doit. Tous les députés de la majorité qui siègent à l'Assemblée nationale procèdent – soit directement, soit indirectement – un peu de lui.
P. Lapousterle : J. Chirac a dit tout le mal qu'il pensait des sondages. Ils ne doivent pas départager les candidats RPR à la présidence de la République ?
Bernard Pons : Les sondages sont un des éléments. C. Pasqua, dimanche dernier, sur 7/7, disait "Les sondages, cela monte et cela descend". C'est une photographie à un moment donné et dans une situation donnée. Or nous en sommes pas aujourd'hui dans une situation de compétition pour l'élection présidentielle. Les sondages – obligatoirement – sont déformés. À partir du moment où nous serons dans la véritable phase de l'élection présidentielle, quand tout le monde connaîtra tous les candidats déclarés, les sondages auront une valeur plus précise.
P. Lapousterle : L'idée de M. Pasqua d'organiser des primaires au sein de la majorité est-elle bonne ?
Bernard Pons : A. Juppé s'est expliqué clairement là-dessus, hier. Nous y étions favorables il y a déjà un certain temps. Mais pour nous, ce devait être une démarche progressive qui devait s'échelonner sur plus de 6 mois et vraisemblablement sur un an. Il est trop tard aujourd'hui. En définitive, si l'on voulait la mettre en place, nous, nous sommes d'accord. Il faudrait que les différents candidats issus de la majorité soient d'accord aussi.
P. Lapousterle : Quand M. Pasqua a parlé du "matelas électoral" qui est le sien et de "l'affection" que les militants RPR lui portent et qu'il compte utiliser pour appuyer l'un ou l'autre candidat du RPR, qu'en avez-vous pensé ?
Bernard Pons : C'est une démarche qui est tout à fait logique. C. Pasqua est un des leaders de notre formation politique, comme P. Séguin, comme A. Juppé et comme d'autres. Chacun d'entre nous a une espèce de "matelas" dans la mesure où il a une cote de popularité ou d'affection à l'intérieur de notre mouvement.
P. Lapousterle : Cela signifie que M. Pasqua considère qu'à l'intérieur du RPR il y a plusieurs candidats à la présidence, au moins deux ?
Bernard Pons : Ce n'est pas un secret pour personne qu'il y a plusieurs candidats potentiels. Au moins deux et peut-être plus.
P. Lapousterle : À votre avis, J. Chirac a priorité sur E. Balladur ?
Bernard Pons : J. Chirac est celui qui a redressé le mouvement gaulliste à l'époque où il partait en déshérence. Ce mouvement gaulliste, nous considérons qu'il est indispensable qu'il soit fort et qu'il soit présent, dans l'intérêt de la France, pour défendre les valeurs auxquelles nous sommes attachés. J'ai eu l'occasion de le dire : tout ce qui existe au sein du RPR procède de l'action qui a été conduite par J. Chirac. Il en est, en quelque sorte, le père spirituel. Il a une crédibilité plus grande et une légitimité plus grande.
P. Lapousterle : M. Longuet – qui a quelques ennuis avec la justice – dit que même s'il était mis en examen, il ne démissionnerait pas. Approuvez-vous sa position ?
Bernard Pons : C'est une déclaration qui lui est personnelle. Lorsque le gouvernement a été constitué, le Premier ministre a déclaré que si un membre de son gouvernement était mis en examen, il lui demanderait de démissionner. C'est un problème qui se situera – le cas échéant – entre le Premier ministre et le ministre concerné.