Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Mesdames,
Messieurs,
C'est pour moi un grand plaisir de saluer ce matin, en tant que Maire de Paris, les responsables, administrateurs et cadres du Crédit Agricole, rassemblés pour célébrer le centenaire de l'acte fondateur de votre institution, c'est-à-dire la loi du 4 novembre 1984, qui a donné un statut légal aux caisses mutuelles locales de crédit agricole.
Soyez assurés que le plaisir qu'éprouve le maire de Paris à vous souhaiter la bienvenue est totalement partagé par l'élu corrézien que je suis, qui mesure la place éminente que tient le Crédit Agricole dans le développement du milieu rural.
Quel parcours extraordinaire que celui suivi par vos caisses locales au cours du siècle écoulé, et quelle magnifique leçon pouvons-nous en tirer pour l'avenir !
Nous devons rendre hommage à la clairvoyance des hommes politiques de cette fin du 19e siècle et du début du 20e, qui ne sont pas seulement contentés de conforter la République naissante, mais qui ont aussi établi solidement les fondations de nombreuses institutions : les départements, les syndicats professionnels, les mutuelles d'assurance et de crédit, les associations, qui structurent encore aujourd'hui notre société civile, aussi bien urbaine que rurale.
Parmi ces hommes, je tiens à rendre un hommage particulièrement appuyé, non seulement à Jules Menne qui fut l'initiateur de la loi que nous célébrons, mais aussi à Henri Queuille, plus proche de nous dans le temps, qui fut l'ardent défenseur de l'agriculture française et le soutien actif de ses institutions mutualistes.
Nous devons marquer aussi notre reconnaissance aux générations successives d'administrateurs de cadres et d'agents du Crédit Agricole, dont vous êtes les dignes successeurs, qui ont fait de votre institution la première banque française, et l'un des toutes premières à l'échelle mondiale.
Et c'est en toute connaissance de cause que j'ai eu la fierté, en tant que Premier ministre, et sur la proposition de François Guillaume en 1986, de parachever l'évolution du Crédit Agricole, conformément à vos souhaits.
Ainsi était solennellement reconnue l'exceptionnelle réussite de votre institution, et l'éminent mérite de ses administrateurs et de ses cadres.
Le succès du Crédit Agricole tient à l'esprit mutualiste qui inspire l'action de vos caisses locales et régionales et permet une gestion décentralisée, ou la dimension humaine est toujours présente. Ce succès est aussi la preuve de la solidité et de la qualité d'une certaine culture et d'un ensemble de valeurs rurales qui font la force de notre pays.
La fidélité à l'esprit mutualiste, aujourd'hui est nécessaire dans une société où se développe l'exclusion, où le déséquilibre entre les villes et les campagnes menace notre cohésion nationale, doit, plus que jamais, guider votre action.
Les défis du 21e siècle sont aussi redoutables que ceux de vos prédécesseurs ont eu à relever. Ils sont pour vous une formidable incitation à agir.
Le Crédit Agricole ne doit pas oublier ses origines agricoles et rurales, même si son succès en a fait une banque généraliste présente aussi bien dans les grandes agglomérations que dans les campagnes les plus reculées.
Vous avez accompagné la prodigieuse révolution agricole, commencée dans les années 60, qualifiée de révolution silencieuse par Michel Debatisse, révolution qui a fait de notre pays la deuxième puissance agricole mondiale, après les États-Unis.
Cela vous a été parfois reproché, car toute réussite a ses revers, et des déséquilibres sont apparus au niveau des marchés, engendrant des difficultés sociales trop souvent douloureuses.
Mais si cette révolution silencieuse avait été artificiellement freinée, le sort des agriculteurs s'en serait-il trouvé amélioré ? Permettez-moi d'en douter.
Ce qu'il faut retenir de cette évolution des trente dernières années, c'est que l'adaptation de l'agriculture à une nouvelle donne mondiale n'est pas terminée, et que la dimension sociale de toute restructuration ne doit jamais être perdue de vue.
Il appartient aux responsables politiques et professionnels d'en tenir pleinement compte, en proposant et en mettant en œuvre toute forme d'exclusion, socialement et humainement inacceptable.
Le Crédit Agricole, fort de sa vocation mutualiste a déjà prouvé sa capacité à proposer de telles solutions.
Je suis de ceux qui pensent que le défi alimentaire sera l'un des plus redoutables que nous aurons à affronter au cours des prochaines décennies.
La récente conférence du Caire sur la population, nous commande d'agir pour que cet enjeu soit au cœur des préoccupations des responsables politiques.
On veut freiner la croissance démographique et on a raison. Mais il faut aussi imaginer où et comment devront être développées les productions alimentaires et comment seront rendues solvables les nouvelles demandes émanant des peuples pauvres. La France ne peut pas limiter ses légitimes ambitions dans ce domaine au seul motif que nos amis américains voudraient en faire une chasse gardée.
Une démarche réductrice inspire trop souvent les décisions qui sont prises par l'Union Européenne, qu'il s'agisse des quotas limitant les productions ou de l'application rigide du gel des terres, qui conduit à l'extension des jachères, alors qu'un nombre croissant d'hommes, de femmes et d'enfants souffrent et vont souffrir de malnutrition.
Aujourd'hui, ce n'est plus seulement d'une politique agricole à échéance de 5 ans dont nous avons besoin, mais d'une stratégie agro-alimentaire valable pour les deux prochaines décennies et dont la finalité ultime doit être la satisfaction des besoins alimentaires d'une population planétaire en expansion rapide. Une telle stratégie doit être élaborée à l'échelle mondiale et la France doit en prendre l'initiative.
Le malaise social que nous ressentons aujourd'hui ne nourrit-il pas d'une certaine myopie qui rend difficile la conception de grands projets ambitieux à long terme ?
La même observation peut être faite pour notre politique d'aménagement de l'espace et de développement local.
Le mérite de Charles Pasqua est d'avoir lancé un grand débat, en lui donnant les perspectives qu'il convenait. La reconquête de notre espace rural est en effet l'affaire d'une génération et nous devons en tracer les grandes orientations sans retard.
Fort de son implantation très décentralisée et de sa vocation rurale, le Crédit Agricole est appelé à prendre toute sa part dans la mise en œuvre de ce projet ambitieux qui devra mobiliser toutes les énergies.
Dans cette reconquête de l'espace, le rôle des PME et PMI sera déterminant, comme il sera tout aussi décisif pour le renforcement de nos échanges commerciaux avec le reste du monde.
Parce qu'elles peuvent, plus facilement que mes grands groupes industriels, s'adapter rapidement à des marchés en perpétuelle évolution et souvent très segmentés, les PME et PMI doivent devenir le fer de lance de notre économie.
Elles constituent aussi le principal gisement de créations d'emplois dont nous avons tant besoin pour faire reculer le chômage.
Le renforcement des fonds propres des PME-PMI, y compris les coopératives agricoles, est un élément clé de leur développement. Le savoir -faire du Crédit Agricole en la matière sera, je n'en doute pas, largement mis à contribution, et un effort considérable devra également être entrepris pour développer les activités de conseil dont ces entreprises ont impérativement besoin.
Enfin, la préservation de notre environnement, et la mise en valeur de notre patrimoine artistique et naturel, constituent aussi des défis majeurs qu'il convient de relever.
Le Crédit Agricole qui dispose dans ces deux domaines d'une expertise reconnue, doit être partie prenante aux actions qui seront engagées.
En conclusion, Mesdames et Messieurs, je dirai que le succès est exigeant.
À la place qu'il occupe aujourd'hui dans la société française, le Crédit Agricole doit être considéré comme le partenaire incontournable des politiques nationales qui devront être conduites pour relever les grands défis du siècle prochain, qu'il s'agisse du défi alimentaire planétaire, de la reconquête de notre espace rural, de la lutte contre le chômage qui passe par la création d'emplois nouveaux, ou la préservation de notre environnement et de notre patrimoine.
Dans tous ces domaines, les attentes de nos concitoyens sont immenses.
La tâche à entreprendre n'en est que plus passionnante.
Pour réussir, nous devons faire preuve de clairvoyance, de lucidité et d'ambition, c'est-à-dire de la même clairvoyance, de la même lucidité et de la même ambition que celles qui animaient les pères fondateurs de notre République, lorsqu'ils ont créé les fondations, qui ont permis le développement des syndicats professionnels, des associations et des mutuelles.
C'est en restant fidèles à l'esprit mutualiste, fondée sur la prééminence de l'homme, fidèle aux valeurs de notre enracinement rural, que vous assurerez les succès futurs de votre institution.
Je ne doute pas un seul instant que vous y parveniez, et mes vœux vous accompagnent dans cette entreprise, ô combien exaltante.
Que le second siècle d'existence du crédit Agricole soit aussi prometteur que le fut le premier, tel est mon souhait le plus sincère. Il vous appartient de l'exaucer.