Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Le budget du ministère de la Coopération doit répondre chaque année à deux objectifs :
– assurer les moyens d'une présence solidaire et fidèle de la France auprès de ses partenaires du Sud les plus proches.
– aider à construire dans ces États, un développement réel, durable et partagé.
Chaque année aussi, parce que la vie internationale évolue rapidement, ce budget doit permettre à notre politique de coopération de s'adapter. Il est l'instrument de mesure de notre engagement envers l'Afrique, celui qui permet aussi le changement.
J'ai le sentiment que le projet que j'ai l'honneur de présenter ce soir devant vous, répond à ces objectifs, et qu'il constituera, en cohérence avec les missions que le Gouvernement a définies pour le ministère de la Coopération, un outil de travail efficace et sérieux.
Vous avez bien voulu reconnaître, Monsieur le rapporteur de la Commission des Finances, cette "incontestable cohérence". Vous avez bien voulu noter, Monsieur le rapporteur pour avis de la Commission des Affaires Étrangères, que ce texte "consolidait et confirmait" des évolutions souhaitables. Vous observez, Monsieur le rapporteur pour avis de la Commission de la Défense, que ce budget "affiche clairement une volonté de préparer l'avenir". Je vous en remercie. Et je voudrais, avant de présenter les grandes orientations de ce projet de budget, vous rappeler dans quel contexte il se situe, et selon quelle logique il se conçoit.
1. – L'Afrique fait face dans des conditions nouvelles au défi du développement.
Les perspectives économiques et sociales devant lesquelles nos partenaires africains étaient confrontées en 1993, celles que j'exposais ici-même en octobre dernier, étaient particulièrement préoccupantes.
Dans un environnement géopolitique nouveau, le risque d'abandon menaçait l'Afrique. Celle-ci était en panne de croissance.
En 1993, les besoins de financement de la zone franc atteignaient 50 milliards de FF, soit un montant équivalent à celui de presque 10 années de contributions budgétaires françaises. Le PNB de la zone avait décru de 7 % entre 1985 et 1993, le revenu par habitant de 40 %. Ni nos partenaires, ni nous-mêmes ne pouvions creuser davantage ce gouffre.
Sur le plan politique, malgré l'éveil à l'aspiration démocratique, de nombreux blocages subsistaient : les calendriers électoraux étaient gelés en République Centrafricaine, au Togo, au Gabon : les incertitudes étaient lourdes ailleurs. L'afro-pessimisme gagnait des partisans. Depuis quelques mois, un espoir renaît.
Je ne prétendrai pas que les grandes évolutions intervenues cette année vont miraculeusement apporter des solutions à une situation encore terriblement difficile. Mais force est de reconnaître que certaines d'entre elles ouvrent maintenant la voie au redémarrage.
Au premier plan, bien entendu, la dévaluation du Franc CFA, intervenue le 12 janvier dernier. Il fallait prendre cette décision. Elle seule était à même de rompre la spirale financière que j'évoquais à l'instant ; elle seule pouvait permettre le retour de l'Afrique dans la communauté financière internationale et remettre sur les rails les programmes nationaux de redressement économique.
Dans les semaines qui ont suivi la dévaluation, le FMI et la Banque Mondiale ont donc retrouvé les États qu'ils avaient désertés. Des programmes ont été conclus et des financements libérés : les montants devraient atteindre 10 milliards de francs en 1994 contre un milliard en 1998.
La France a pris toute sa part dans cet exceptionnel effort en annulant 50 % de la dette publique des pays à revenu intermédiaire et 100 % pour les pays les plus pauvres. Le coût total se chiffrant à 25 milliards de francs. Nous avons agi auprès de l'Union Européenne pour l'inviter à accompagner cette mobilisation, et 130 millions d'écus au titre de la facilité d'ajustement structurel sont venus ainsi s'ajouter à ces financements nouveaux.
J'en profite pour répondre, Monsieur Thomas, à votre interrogation sur la cohérence entre les mécanismes communautaires de soutien aux exportations et notre politique d'aides. Il n'y a pas de contradiction entre le commerce et l'aide. Les Accords de Lome, dont nous aurons à protéger les principes lors de la présidence française de l'Union Européenne l'année prochaine, instituent un volet commercial préférentiel et sans réciprocité au profit des pays ACP.
Par ailleurs, la dévaluation du Franc CFA a bouleversé les termes de l'échange rendent infiniment moins attractives les importations, qu'elles soient de produits finis ou de biens agricoles, qu'elles viennent d'Europe ou d'Amérique Latine, s'agissant notamment de la viande.
Je n'éprouve donc pas d'inquiétude particulière et je suis persuadé que nos amis africains auront à cœur de reconquérir leur marché intérieur. Ils ont désormais le moyen de le faire. Aujourd'hui, dix-huit mois après, le bilan est encourageant : la dévaluation du franc CFA a ouvert un espace nouveau au développement. De nombreux indicateurs le confirment.
Les opérateurs économiques qui exprimaient leur réserve redeviennent optimistes et confiants. Y compris nos entrepreneurs, Monsieur le rapporteur de la Commission des Finances. Le Président du Comité ACP du CNPF déclarait, le 7 octobre dernier, que les effets de la dévaluation étaient "globalement positifs". Au nom des entreprises françaises, qui connaîtront au demeurant une baisse de leurs effectifs expatriés accélérant en cela un mouvement déjà ancien d'africanisation, ils se déclaraient "confiants dans l'avenir économique de ces pays".
En restaurant la vérité des coûts et des prix, la mesure redonne ses chances à l'immense potentiel agricole, aux filières de produits vivriers ou d'exportation dont dépend la majorité de la population africaine et qui doivent servir de base à leur développement. Les exemples sont nombreux : élevage et coton en zone sahélienne, café, cacao, hévéa en zone tropicale, produits de première transformation partout.
Certes, se pose la question de la durabilité des avantages comparatifs ainsi retrouvés. Deux conditions seront nécessaires pour l'assurer : la maîtrise du niveau général des prix et le retour des investisseurs susceptibles d'améliorer la productivité générale des économies. La première est pratiquement satisfaite. La seconde demandera plus de temps, mais commence à recevoir des signaux encourageants. J'y reviendrai.
Pour la première fois depuis 1987 (depuis 7 ans) la croissance économique en Côte d'Ivoire a été positive au premier semestre. Tous les objectifs fixés avec le FMI et la Banque Mondiale ont été respectés, avec parfois d'importantes marges. La croissance du secteur agricole a été de 3,8 %, celle du secteur industriel de 5 %. Les recettes budgétaires sont supérieures dans ce pays de 30 % à celles réalisées au premier semestre de l'an passé.
Certes, ces résultats sont les meilleurs de la zone franc et tous les pays n'atteignent pas les mêmes performances. Mais un effet d'entraînement est déjà perceptible en Afrique de l'Ouest, y compris dans les pays enclavés comme le Mali et le Burkina Faso. La hausse des prix est contenue dans les normes initiales, tandis que les troubles sociaux prédits par certains ne se sont pas produits.
L'influence du Nigeria ne doit pas être surestimée. Cela dit, le taux de dévaluation choisi a permis de casser le processus de destruction des industries en zone franc. On ne peut pas adopter comme principe de suivre le Nigeria en collant le CFA au naira dont la gestion n'est motivée que par les désordres internes et les cours du pétrole.
Les mesures d'accompagnement décidées par la France ont permis dans les domaines les plus sensibles de faire face aux conséquences immédiates de la dévaluation :
– d'abord au profit des africains eux-mêmes : j'ai, par exemple, de bonnes nouvelles sur la manière dont s'effectue la rentrée scolaire, où grâce à un financement du Fonds d'Aide et de Coopération, près de la moitié des livres scolaires ont vu leur prix baisser de plus de 50 %. Dans le domaine du médicament, l'introduction sur le marché privé de médicaments génériques, la réforme des circuits de distribution, ont réussi, avec l'aide du FAC, à réduire les tensions dans ce secteur ;
– enfin, la création d'un Fonds spécial de développement, passé de 300 à 400 MF, a ouvert un champ nouveau à nos aides en affectant des subventions aux petits projets urbains consommateurs de main d'œuvre, distributeurs de pouvoir d'achat, et apportant aux populations les plus démunies une amélioration visible de leurs conditions de vie.
Nos entreprises, nos compatriotes, ont également bénéficié de mesures de soutien, tant dans le domaine de la protection sociale, que dans l'aide à la trésorerie. J'ai pris, je crois, une part très active à l'adoption par les administrations concernées des mesures appropriées, qu'il s'agisse de la création d'une indemnité exceptionnelle à nos compatriotes retraités, ou de la mise en place d'une facilité de trésorerie, via la Caisse Française de Développement.
Vous avez été nombreux à nous alerter sur la situation parois dramatique que certains avaient dû affronter. Comme vous, j'ai rencontré, nos compatriotes expatriés, j'ai envoyé des missions sur le terrain, m'a paru indispensable d'intervenir auprès des administrations concernées pour l'adoption de mesures appropriées.
S'agissant des deux mesures d'aide aux entreprises que vous venez d'évoquer, elles ne sont de fait pas de la compétence de mon Département. Saisi très tôt des blocages de transferts, j'ai néanmoins systématiquement alerté mes correspondants sur leur caractère d'urgence. Des cas individuels ont été réglés notamment au Sénégal, Mais je partage votre préoccupation pour obtenir un règlement global du problème et je ne manquerai pas d'évoquer à nouveau cette question avec mon collègue Edmond Alphandéry.
Les prêts en franc CFA ? L'émission obligataire en francs CFA garantie par la Caisse Française de Développement va se mettre en place dans la zone. Je crois que cette première étape, malgré sa complexité, pourra permettre d'envisager les développements ultérieurs. J'ai demandé à la Caisse de lancer son projet avant la fin du mois de novembre.
Nous restons bien entendu très attentifs à la poursuite de cette phase et des programmes de redressement économique, dont il faut assurer la réussite globale, et nous intervenons très régulièrement tant auprès des gouvernements concernés qu'auprès du FMI et de la Banque Mondiale pour faciliter leur compréhension réciproque. Il faut à cet égard éviter que les rythmes d'évolution soient trop différents d'un pays à l'autre, et préserver l'unité de la zone franc. Vous avez raison, Monsieur le rapporteur de la Commission des Finances, le bilan est géographiquement contrasté. Plus fondamentalement encore, je l'évoquais tout à l'heure, il faudra adapter notre coopération, ses moyens et ses instruments à cette nouvelle donne.
Cet espoir qui renaît, je veux aussi le voir dans l'évolution des situations politiques, malgré les drames qui ont endeuillé le Rwanda. Les transitions démocratiques l'emportent heureusement en effet sur les despotismes. Je ne ferai qu'évoquer celle réalisée en Afrique du Sud, dont les conséquences rejaillissent sur toute l'Afrique. Nous avons, depuis ma prise de fonction, accompagné huit processus électoraux.
Nous avons repris notre coopération au Togo, à l'issue des élections législatives et de la mise en place d'un gouvernement. La semaine dernière à Libreville, le Gouvernement et l'opposition gabonaise ont paraphé un protocole d'accord pour un partage équilibré des responsabilités. J'étais présent, au nom de la France, à leurs côtés.
Au Mali, au Niger, des négociations et des accords se réalisent pour trouver une solution à la crise touarègue.
Au Burundi, chaque jour est davantage consolidé le processus de dialogue national qui a permis le 30 septembre l'installation d'un Président de la République et le 6 octobre la constitution d'un Gouvernement. La France apporte son soutien, comme elle privilégie partout la construction de la Démocratie, sans esprit d'hégémonie ou de complaisance. Nous continuerons d'attacher à cette marche vers la Démocratie la priorité qui lui revient. C'est un des principes même qui fonde notre politique africaine et que le Premier ministre rappelait au retour de son déplacement en Afrique de l'été dernier :
– le développement de l'aide et de la coopération fondé sur des réalités, et non pas sur des illusions ;
– l'établissement dans les États d'une véritable Démocratie politique ;
– la stabilité des États et le respect de leurs frontières.
2. – Dans ce contexte plus ouvert, notre coopération doit s'adapter et proposer à l'Afrique un nouveau contrat.
Nous devons saisir les opportunités de cette nouvelle phase de développement africain pour proposer à nos partenaires une coopération rénovée : celle qui privilégie le dialogue entre partenaires responsables et souverains, amis et solidaires mais aussi exigeants et rigoureux ; Une coopération qui concentre ses interventions dans les secteurs prioritaires ; une coopération enfin qui diversifie ses instruments et élargit son partenariat.
C'est cette ambition que j'ai récemment demandé d'animer aux responsables de nos 31 missions de Coopération dans le monde, et auxquels j'ai exposé, en les réunissant à Paris, les termes du nouveau contrat qui doit nous lier désormais à l'Afrique.
Ayons la volonté de bâtir, dans une relation de fidélité avec nos amis africains, un dialogue de responsabilité et d'estime. Notre amitié, nous la maintiendrons mutuellement si nous parlons un langage de vérité, de rigueur, mais aussi de confiance. C'est ainsi que nous préserverons aussi notre influence et que nous préparons l'avenir d'une Afrique qui doit saisir les chances offertes au développement. Le succès de cette démarche, de ce contrat, sera le succès des Africains à aborder les défis du troisième millénaire.
La dévaluation du Franc CFA doit relancer les investissements. Nous avons à les favoriser en invitant la Caisse Française de Développement à aider les entrepreneurs à reconquérir leur marché intérieur. Des initiatives comme celles de l'organisation des producteurs exportateurs d'ananas en Côte d'Ivoire, celles des différents groupes industriels français pour lancer de nouveaux plans d'investissement dans le tabac, dans le chemin de fer, dans le bois, sont à encourager.
Le Premier Ministre a annoncé à Abidjan le 29 juillet dernier, qu'1,5 milliards de francs de ressources additionnelles serait alloué à la CFD pour financer des projets de développement économique en Afrique. Avec la diminution des disparités de politique économique entre les pays de la zone franc, un renforcement de la coopération régionale est nécessaire et utile.
À côté de cet effort, nous devrons aborder de façon plus globale les deux priorités du développement social : la santé et l'éducation.
– Dans le domaine de la santé, il convient d'accélérer les réformes institutionnelles pour une meilleure gestion des établissements hospitaliers, de faciliter l'accès du plus grand nombre aux soins élémentaires dans le cadre de dispensaires et de centres de santé, de réussir les projets spécifiques dans la lutte contre le SIDA et les grandes endémies. Notre choix va à une médecine de proximité.
– En matière d'éducation, c'est un immense chantier de restauration de l'enseignement primaire et du français, langue seconde, auquel il nous faut nous atteler. Il faut aussi favoriser les productions locales dans le domaine de l'édition scolaire. Je viens de le faire en préparant cette rentrée. Réorienter la formation professionnelle en adaptant l'enseignement technique aux vrais besoins du secteur productif. Enfin, concevoir un enseignement supérieur intégré à une dimension régionale.
Nous nous devons d'opérer également d'autres réorientations, en élargissant, par exemple, notre partenariat.
Dans les prochaines semaines, plusieurs rendez-vous sont organisés à ma demande avec les autres partenaires de la coopération, que vous connaissez bien. Les rencontres nationales de la coopération décentralisée, le 27 octobre prochain à Paris, me permettront de définir les bases d'une relation plus étroite avec les collectivités locales.
Dans ce domaine, des progrès restent en effet à réaliser pour coordonner nos interventions et établir une véritable cohérence entre la coopération d'État et les initiatives décentralisées. Les améliorations enregistrées sont insuffisantes, mais nous devons aller de l'avant.
Avec les ONG, le prochain Forum d'Agen et la table ronde du 20 novembre avec les pouvoirs publics confirmeront les avancées de notre dialogue et l'esprit très positif qui m'a permis de présenter plusieurs mesures nouvelles d'appui au monde associatif. Certaines d'entre elles ont été proposées dans le rapport que Monsieur Cazenave, parlementaire en mission, a récemment présenté au Premier ministre. Je le remercie pour son excellent travail.
Avec les entreprises enfin, nous devrons rechercher aussi les moyens d'une plus grande efficacité. Je me suis engagé dans une concertation régulière avec elles. Des rencontres ont été organisées à Paris au printemps dernier pour faire le point de la situation dans la zone franc. De nouveau, il faudra évaluer l'évolution des choses à la fin de l'année.
Nous devons en fait privilégier les projets susceptibles de fédérer les interventions publiques et privées, encore trop isolées entre elles.
Il n'y a aucune contradiction à voir opérer sur un projet donné, notamment dans le secteur productif, l'ensemble des partenaires français du développement. Nous savons très bien faire cela en France, notamment dans le développement local. Pourquoi ne pourrions-nous pas le favoriser au-delà ?
De cette organisation nouvelle de notre partenariat avec les entreprises, les collectivités locales, les ONG et de cette diversification de nos instruments, j'attends la construction d'un nouveau savoir-faire de la coopération adaptée à une période dont j'ai rappelé les opportunités. Il s'agit bien d'organiser au mieux l'expression de notre solidarité avec l'Afrique.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de budget qui vous est soumis est parfaitement cohérent avec les exigences de cette période nouvelle.
3. – Ce projet de budget rééquilibre nos interventions vers l'investissement et diversifie nos actions.
Établi à 7 732 MF, le projet de budget est stabilisé à un niveau proche de celui voté en 1994. C'est en fait dans la répartition de ses moyens qu'il traduit les nouvelles priorités de ce ministère. La progression des autorisations de programme de + 5,3 % et des crédits de paiement de + 19,6 % témoigne d'un choix résolument tourné vers la croissance économique des États.
Monsieur le rapporteur de la Commission des Finances, cette relance est exceptionnelle dans le contexte budgétaire que vous connaissez. Vous savez qu'il n'y a pas de progression des dépenses civiles en capital dans le projet de loi de finances. Mon département fait figure d'heureux privilégié et je compte bien, sur la base des résultats que nous obtiendrons en 1995, plaider l'année prochaine pour la relance progressive de l'aide à l'investissement dont j'ai indiqué les orientations sectorielles. Les crédits d'investissement représentent désormais plus de 30 % du projet de budget.
Le deuxième poste budgétaire reste l'assistance technique dont le plan de déflation se poursuit. 363 postes seront supprimés l'année prochaine.
Notre dispositif doit continuer à s'adapter pour répondre plus efficacement aux besoins de nos partenaires et maintenir notre rayonnement. La mise en place d'une expertise par projet, plus technique et plus spécialisée, est confirmée. Nos coopérants seront encore plus utiles en se concentrant sur les secteurs de haut niveau, non encore pourvus par les nationaux. Leur légitimité et leur efficacité en seront accrues. Je reste très attentif à leurs conditions de travail et d'emploi, que je m'efforcerai d'améliorer.
Les concours financiers accusent une baisse souhaitée, que vous qualifiez, Monsieur Thomas, "d'excellente nouvelle". C'est, en effet, dans la logique de la dévaluation et de la reprise des financements internationaux, qui permettent à la France de consacrer ses aides à des priorités plus productives.
J'en viens aux autres moyens de coopération :
1. Malgré une baisse due essentiellement à l'effet change sur les rémunérations des assistants techniques, la coopération militaire reste à mes yeux essentielle. Elle joue un rôle décisif dans la prévention des crises que le Livre Blanc sur la défense élève au rang de priorité première. J'ai souhaité depuis mon arrivée au ministère lui donner les moyens d'une nouvelle efficacité.
Permettez-moi de vous préciser par exemple que la Mission Militaire de Coopération bénéficie de moyens modernes et permanents de fonctionnement lui permettant d'assurer une veille opérationnelle depuis ses locaux rue Monsieur.
Je suis également à l'origine de l'association à part entière des chefs de mission d'assistance militaire à l'exercice de prévisions réalisé pays par pays, pour nos orientations à moyen terme.
La coopération est une. Toutes ses composantes participent à notre politique d'aide.
Je voudrais ainsi rassurer ceux d'entre vous qui se sont interrogés sur l'évolution de ce moyen.
– Le premier instrument de la coopération militaire, c'est l'assistance technique.
J'ai considéré qu'il était important de la préserver et j'ai pu ainsi obtenir qu'aucune diminution d'effectifs ne soit mise en œuvre dans l'assistance technique militaire. L'effectif budgétaire de 1994, soit 715 personnes, est reconduit en 1995. Les redéploiements internes me permettront même d'augmenter le nombre des coopérants dans les États où la situation le commande, et de gérer de surcroît une réserve pour faire face à des missions nouvelles.
– Le second moyen, c'est l'aide directe en équipement aux armées nationales : 180 MF en 1995. Les chiffres sont clairs, il y a reconduction des dotations, alors que, vous le savez, la nomme de cadrage était une diminution de 15 % des interventions sur titre IV et de 1,5 % des emplois.
– Le troisième moyen est la formation des étrangers dans nos écoles en France. À la différence des deux moyens précédents, cette action évolue à la baisse et contribue à l'effort d'économie.
Remettons-nous pour autant en cause un des axes importants de notre coopération militaire ? Je crois qu'il serait excessif de le soutenir.
– D'abord parce que les besoins des armées nationales, dont les effectifs sont en constante diminution, deviennent plus sélectifs, plus spécialisés. Le niveau des stages appelle ainsi une technicité plus grande, qui entraîne un contrôle plus strict des candidatures.
– Ensuite, parce que je souhaite, comme pour les boursiers civils dont vous aurez aussi observé la diminution, que se développent des formations sur le terrain, mieux adaptées aux conditions d'emploi et de fonctionnement des armées nationales.
J'ai demandé à la Mission Militaire de Coopération de renforcer la formation des formateurs dans les écoles interafricaines et dans les écoles nationales. 128 officiers ou sous-officiers instructeurs de spécialités y sont déjà affectés.
C'est dans ces écoles aussi que se renforcent les liens si précieux entre militaires français et africains, et c'est plus encore en investissant "humainement" sur place que nous apportons un vrai soutien à nos amis.
Enfin, j'introduis une nouveauté dans notre dispositif de coopération militaire en lui permettant pour la première fois depuis la création de ce ministère, d'avoir accès aux ressources du Fonds d'Aide et de Coopération. Il y avait en effet quelque anomalie à soumettre au FAC les opérations de sécurité intérieure instruites par le Service de Coopération Technique International de Police au profit des forces gérées par le ministère de l'intérieur, et de l'interdire aux mêmes opérations relevant des gendarmeries.
Cette anomalie disparaît dès cette année, et déjà notre coopération militaire y trouve un souffle nouveau : 2 projets, l'un pour la Mauritanie, l'autre pour le Bénin ont été acceptés en juillet dernier à hauteur de 26 MF. La Mission Militaire de Coopération prépare d'autres projets nouveaux que le Comité Directeur du FAC aura à connaître en 1995. Il y aura à ce titre des actions de formation, car il n'est pas exact d'indiquer que le FAC ne peut les prendre en charge. Nombreux sont au contraire les projets qu'il finance, intégrant stages et sessions d'études.
Par l'ensemble de ces mesures, je crois pouvoir dire que ce budget fait toute la place qu'elle mérite à notre coopération militaire, qui se modernise, qui évolue, qui répondra encore mieux l'année prochaine aux objectifs que nous lui assignons.
2. Le Chapitre consacré aux ONG et à la coopération décentralisée a fait l'objet d'une hausse significative à la mesure de la qualité du dialogue poursuivi cette année avec ces partenaires de développement. En augmentation de + 9,5 %, il remet à niveau les crédits consacrés aux associations de volontaires, et aux collectivités locales. Un plan d'extension des effectifs est présenté au titre de l'opération "Mille volontaires".
Bien mieux, la concertation entre les pouvoirs publics et les ONG se poursuit ces jours prochains et débouchera sur des mesures complémentaires. Vous savez que le FAC a financé en 1994 des projets ONG à hauteur de 55 MF. J'ai pris l'engagement d'augmenter encore cette somme en 1995. Je crois que dans ce domaine aussi, quelque chose a changé.
Pour conduire toutes ces actions, mettre en œuvre les orientations, mon administration disposera en 1995 de crédits stabilisés en niveau, mais augmentés en pouvoir d'achat. Il était devenu nécessaire de retrouver quelques marges d'action, alors que nos services à l'étranger travaillent dans des conditions quelquefois difficiles.
Je veux rendre hommage à tous ces agents qui spécialement n'ont ménagé ni leur peine ni leur talent cette année pour contribuer à la réussite de notre mission.
C'est ainsi indirectement, Monsieur le rapporteur de la Commission des Finances, que je réponds à votre remarque concernant l'Agence de Développement. Il est vrai que toute réforme institutionnelle exigera du temps et ne pourra se concevoir sans une intense réflexion préalable.
J'ai constaté pour ma part, et vous l'avez d'ailleurs relevé, Monsieur le rapporteur de la Commission des Affaires Étrangères, qu'un effort réaliste de coordination des différents acteurs de l'aide pouvait suppléer à beaucoup des inconvénients engendrés par leur dispersion.
Le ministère de la Coopération doit jouer pleinement son rôle et de tuteur et de coordinateur. Vous pouvez compter sur moi pour l'assumer.
De multiples contacts que nous avons pris à Paris ou en Afrique, – j'en suis pour ma part à ma 47e visite en 18 mois –, nous retirons aujourd'hui un optimisme raisonnable pour l'avenir de l'Afrique et de notre coopération.
Bien sûr des drames divisent encore ce continent, mais en a-t-il le singulier privilège ? Je crois qu'il faut d'abord en retenir que nous ne pouvons pas accepter l'exclusion d'une partie entière de notre planète et que, pour notre part, nous entendons bien rester fidèles aux obligations que nous confère l'Histoire.
L'Afrique, par ses hommes, sa culture et ses richesses, a les moyens de s'en sortir. C'est notre conviction. Aujourd'hui, forte de ce constat, moins que jamais la France n'entend abandonner ce continent. Comme au moment des indépendances, elle continue d'estimer que c'est aussi son intérêt bien compris, comme l'affirmait déjà, il y a trente ans, le Général de Gaulle.