Interview de M. Marc Vilbenoît, président de la CFE CGC, dans "Les Echos" le 20 septembre 1994, sur la situation économique et la politique du gouvernement Balladur.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Les Echos

Texte intégral

En marge des turbulences électorales, le président de la confédération des cadres appelle les hommes politiques et les partenaires sociaux à réfléchir sur le long terme. Dans l'immédiat, il Invite les partenaires sociaux à conclure un nouveau contrat social.

Dans le bouillonnement qui précède toute période électorale, le président de la CFE-CGC a manifestement décidé de se poser en sage. À quelques jours du cinquantième anniversaire de son organisation, Marc Vilbenoît indique en effet "aux Échos" qu'il s'est fixé pour cheval de bataille "d'amener le monde politique, les entreprises et les salariés à bâtir un plan à long terme pour donner à la France une chance de survie". Une démarche selon lui d'autant plus déterminante que les organisations syndicales sont tributaires d'une double élection – à la tête du CNPF en décembre et à celle de l'État en mai – et craignent des surenchères. D'où un seul credo pour cette rentrée sociale : "Essayons de poser les vrais problèmes, de développer des projets à long terme."

L'avenir de notre économie réside avant tout dans le renforcement de notre tissu industriel, notamment les industries de haute technologie qui nécessitent des investissements lourds, se décidant sur longue période, explique en effet le président de la confédération des cadres. "Or il y a de moins en moins de décideurs qui prennent des décisions sur le long terme", remarque-t-il.

De même, si Marc Vilbenoît accueille favorablement les signes de reprise, ainsi que la politique conduite par le Premier ministre, il entend garder sa capacité de critique. "C'est positif, mais n'allons pas dire que tous nos problèmes sont résolus pour autant." Au contraire, "c'est justement en période d'amélioration qu'il est possible d'engager des réformes de fond, notamment pour l'emploi". Si les objectifs affichés par Édouard Balladur lui semblent être de bon sens – réduire le chômage de 1 million –, de même que les éléments qui concourront, selon le Premier ministre, à y parvenir – croissance de 3 %, allègement des charges du travail, plus de souplesse et plus de formation –, Marc Vilbenoît reste circonspect : "Ce n'est qu'un cadre, certes positif, mais rien de plus qu'un cadre dont il faudra débattre." Pour y parvenir, il appelle les partenaires sociaux à bâtir un nouveau contrat social, notamment pour sortir le patronat de sa torpeur".

Priorité à la maîtrise des dépenses

Sur le reste de la politique gouvernementale, Marc Vilbenoît souhaite, "après l'étape de désendettement des entreprises, une étape consommation". Certes, la mesure en faveur des emplois familiaux annoncée par Édouard Balladur est, selon lui, tout à fait positive ; Marc Vilbenoît fustige même ceux qui la qualifient de mesure pour les bourgeois du XVIe". "Mais ce n'est qu'un premier pas". Deuxième reproche au gouvernement : les allégements de charges des entreprises se sont uniquement centrés sur les bas salaires, or "ce n'est pas en rivalisant sur les bas salaires que l'on pourra gagner notre pari".

En homme prudent, Marc Vilbenoît se refuse à défendre un régime universel de protection sociale, comme le fait notamment la CFDT. Il existe déjà des lieux universels de protection sociale – les urgences des hôpitaux –, argumente-t-il, "or les exclus sont tellement désocialisés qu'ils ne s'y rendent même pas". Surtout, l'objectif premier est de "maîtriser les dépenses et organiser un financement cohérent".