Texte intégral
Certaines époques historiques connaissent des bouleversements si profonds qu'on y voit s'estomper les repères et les clivages qui structurent les luttes idéologiques, sociales et politiques.
Nous vivons l'une de ces époques. Une mondialisation libérale galopante remet en cause le rôle de l'État, comme garant, en France plus qu'ailleurs, du progrès économique et du bien-être social. Par le jeu sans frein de la concurrence, elle exerce une vive pression sur nos emplois, nos salaires et nos acquis sociaux.
Pour la première fois depuis la Révolution française, si on excepte les deux guerres mondiales, les femmes et les hommes n'ont ni espoir, ni perspective, ni horizon pour eux-mêmes, et plus terrible encore pour leurs enfants, l'avenir semble bouché.
Il n'y a plus d'ascenseur social.
Depuis près de dix ans, l'implosion du bloc soviétique a fait disparaître cet univers bipolaire en place depuis un demi-siècle, avec ses tensions permanentes, mais aussi avec son relatif équilibre. Sur la scène internationale, il n'y a plus qu'un seul shérif, les États-Unis, attentifs à réprimer les désordres contraires à leurs intérêts, mais inerte et impuissants devant la montée des nouvelles grandes puissances asiatiques, la dissémination nucléaire, le terrorisme islamiste, le génocide banalisé, les catastrophes alimentaires et écologiques dont nous n'avons vu encore que des signes avant-coureurs.
Je reviens un instant sur les intégrismes qui se développent partout et qui apportent partout, relégation de la femme, perte des libertés, retour à la barbarie. Retenons un seul exemple : l'Afghanistan !
Eh bien, dans ce pays, les milices islamistes conduisent une irrésistible offensive et d'ores et déjà les Talibans contrôlent plus de 80 % du territoire.
Pourquoi cette victoire rapide ?
Simplement parce que les parrains des Talibans, l'Arabie Saoudite et le Pakistan livrent du matériel moderne et engagent des hommes sur le territoire. C'est l'Iran qui crie au complot. Cela laisse rêveur !
En attendant Kaboul va devenir une base du terrorisme international. Et déjà les intégristes mordent la main qui les a nourrit. Après les scandaleux, monstrueux attentats de Nairobi et de Dar-Es-Salam, que nous condamnons avec force, peut-on pour autant approuver les frappes militaires unilatérales ? La France a été plus frappée que les USA par le terrorisme de Beyrouth à Port-Royal. Elle a quelque autorité pour rappeler que la lutte contre le terrorisme ne commence pas par le mépris du droit international.
Quels effets auront ces frappes ? Dresser à nouveau le sentiment des peuples du Sud contre les USA. Est-ce que le rapport Nord-Sud sera celui des attentats et des représailles ?
Les luttes sociales elles-mêmes se sont fragmentées et éparpillées.
Face aux conséquences de la mondialisation libérale et de l'européisme, elles s'expriment tantôt par des révoltes parfois violentes, toujours impuissantes, et tantôt par des mouvements forts, mais catégoriels. Le potentiel de mécontentement est considérable. Mais il est de peu d'effet, faute de converger vers des objectifs réalistes et unificateurs.
La construction européenne quant à elle, est entrée dans une crise aiguë que ne saurait masquer le passage à l'euro.
On nous le présentait à gauche comme à droite comme un rempart contre les excès de la mondialisation libérale et pour faire contrepoids aux États-Unis d'Amérique.
Aujourd'hui chacun peut découvrir et mesure l'imposture.
Chacun peut aujourd'hui s'apercevoir que si elle sert effectivement les intérêts de cercles économiques restreints et de quelques privilégiés, elle est, pour le plus grand nombre, un facteur d'aggravation, notamment dans le domaine social mais aussi en s'attaquant à la citoyenneté.
Dans sa dure réalité, l'Europe d'aujourd'hui apparaît commun un club du libre-échange en quête incessante de nouveaux membres sans ambition commune, un agent destructeur de nos services publics, sacrifiés au mythe de la libre concurrence, en même temps qu'un carcan de déréglementations tatillonnes qui prétendent déterminer jusqu'au contenu de nos assiettes et à la variété de nos fromages.
Dans un tel contexte, notre vie politique se caractérise par une perte de repères, tempérée depuis l'an dernier par une lueur d'espoir.
Cette perte de repères est réelle à gauche – une mère poule n'y reconnaît plus ses poussins – mais est particulièrement évidente à droite.
Un parti qui ose se prétendre l'héritier du gaullisme capitule aujourd'hui dans sa majorité devant la supranationalité européenne. L'idée de Nation, abandonnée par ceux qui jadis la prônaient, est récupérée par le Front National, et dévoyée vers une stérile agitation anti-immigrée, masquant les vrais problèmes.
Les hommes politiques de droite, qui affichent leur vertueuse réprobation lorsqu'ils n'ont pas besoin du Front National, hésitent de moins en moins, à de notables exceptions près, à passer sous ses fourches caudines, pour peu que leur fonction soit en jeu, comme l'ont confirmé les dernières élections régionales.
Voici quelques jours, un organe de presse proche du Front National, s'employait à banaliser les crimes vichystes et nazis en appelant contre les immigrés à la reprise des rafles et des camps de concentration.
Il est tout de même significatif que ce moment soit choisi par le parti de Monsieur Madelin, pour réintégrer dans son groupe parlementaire, l'ineffable Monsieur Blanc, qui dirige avec l'appui du Front National, cette région même où se tient notre université d'été.
Sans dirigeants crédibles, sans perspectives politiques, la droite est aujourd'hui en pleine décomposition.
Pourtant, des signes, des déclarations, des rapprochements montrent – Jean-Pierre Soisson le Caméléon tient une conférence de presse avec des élus Front national du Conseil Régional de Bourgogne et déclare : « Nous formons ensemble une même famille » – que le regroupement de durs et des opportunistes de la droite est engagé et qu'il peut aller plus loin que beaucoup d'observateurs le pensent.
Tout dépendra de la ligne de partage. Tout dépendra, comme toujours, des choix des électeurs. Si les radicaux l'emportaient, la situation pourrait rapidement devenir critique. Ceux qui à gauche, dans un premier mouvement, seraient tentés de se réjouir, feraient une grave faute.
Mais la gauche plurielle, elle-même, n'est pas un roc.
C'est surtout de la faiblesse de ses adversaires qu'elle tire sa force aujourd'hui.
Sur les grands problèmes de société qui se posent aujourd'hui, le parti socialiste est loin de s'unir sur des orientations claires. Quelles discordances entre Monsieur Delors qui somme le Gouvernement d'aller « plus vite et plus loin » dans la voie de l'européisme et de la mondialisation libérale et les courants qui contestent le traité d'Amsterdam.
Jack Lang n'est pas en reste puisque dans un point de vue publié par Le Monde « cap à gauche, cap vers l'audace », il écrit : « Encore faut-il, à la différence de 1983 – date de l'ouverture de la parenthèse libérale qui n'est toujours pas fermée – assumer franchement et clairement cette métamorphose intellectuelle, appeler un chat un chat, et en finir avec la pratique schizophrénique du double langage, pour faire émerger ce que Denis Olliven appelle « une économie solidaire de marché ».
Voilà le projet qu'il nous propose. Gens de gauche, Républicains avancés, … en avant !
Décidément les idées font cruellement défaut.
La situation est bien pire au PCF. Devant la dérive d'une fraction de ses électeurs vers le gauchisme extrémiste ou vers la social-démocratie, les cadres de ce parti, les élus, apparaissent divisés devant le choix entre la fidélité à un passé encore lourd, une mutation soixante-huitarde un peu rétro, une adhésion à la pensée unique ou même au pur et simple opportunisme.
Dans une telle confusion, quel est le message, quel est le rôle du Mouvement des Citoyens ?
Par parenthèse, et pour tordre le cou une bonne fois au canard qui circule de temps à autre à l'initiative de certains dirigeants du PS, le Mouvement des Citoyens n'a pas l'intention de se fondre dans le PS. Pour plagier un ancien premier secrétaire du PS aujourd'hui disparu, je dirai « Ce n'est ni sérieux, ni intéressant. »
Notre université d'été a pris pour thème général « La France ». Tel est le message, en un mot résumé.
C'est un message fort au cœur de l'actualité, au moment où se multiplient les dégâts de l'Europe et de la mondialisation libérale. C'est un message fort au cœur de l'actualité, au lendemain de la vague de fond dont l'occasion a été donnée par la Coupe du Monde de football. On a vu une quasi-unanimité des Français de tous âges, de toutes origines, de toutes conditions, s'enthousiasmer pour notre équipe nationale, à un point que nul n'avait prévu.
Il n'y avait dans ce mouvement aucun chauvinisme malsain, mais la joie simple d'appartenir à une communauté nationale qui après tant d'année d'engluement européen, tant d'années de prosternation devant des puissances étrangères, se retrouve capable de gagner dans un domaine qui certes n'est ni économique, ni diplomatique, ni militaire, mais soulève les passions du monde entier.
Il y avait la joie aussi de voir cette communauté nationale dans toute sa diversité, exprimée et rassemblée au sein de l'équipe victorieuse, au grand dépit des lepénistes qui préféreraient aujourd'hui comme hier à Vichy, voir perdre une France où l'on resterait entre Français de vieille souche, plutôt que de voir gagner une France traitant sur un pied d'égalité tous ceux, quelle qu'en soit l'origine, qui sont nés sur son sol, tous ceux qui se sont agrégés à la communauté nationale dans des conditions prévues par les lois de la République et qui constituent une part essentielle de sa force. Eh oui, le Mondial fut l'occasion d'une grande fête patriotique, républicaine et citoyenne.
Oui, notre avenir et notre message sont bien ceux d'une France forte, fière, ouverte.
Une France ouverte n'est pas celle qui admettrait, comme le préconisent un petit nombre de démagogues, de régulariser la présence sur son sol tout étranger y séjournant illégalement sans la volonté de s'intégrer à la communauté nationale.
Une France ouverte n'est pas non plus celle qui, s'abandonnant au libre échange et à la domination des puissances financières internationales, accepterait de voir se déliter ses moyens d'action et se déliter jusqu'à sa substance même.
Une France ouverte est celle qui, fidèle à ses traditions républicaines et à sa déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, assure à ses ressortissants, sans considération d'origine et « sans autre discrimination que celle de leurs vertus et de leurs talents », l'égalité des droits et même s'il reste du chemin à faire pour y parvenir, l'égalité des chances.
La France ouverte est celle de la République, « une et indivisible », qui rassemble directement ses citoyens, les anciens et ceux de fraîche date, sans passer par l'intermédiaire de communautés, qu'elles soient géographiques, ethniques, linguistiques ou religieuses. Cette France est l'exact opposé de l'Allemagne fédéraliste et fondée sur le droit du sang, comme de la Yougoslavie ou du Liban.
La France ouverte est celle de la laïcité où l'école de la République prépare les jeunes gens de France à être des citoyens et à faire vivre la citoyenneté.
Cette France-là subit aujourd'hui les coups de boutoir de la pensée unique et d'un certain européisme pour qui l'Europe n'est pas un rassemblement de nations, mais une forte fédération, une sorte de nouvel empire romain germanique qui réussirait, là où son prédécesseur a échoué, à venir à bout de la souveraineté française.
Cette France a disparu des projets politiques de tous les partis.
L'adhésion du RPR au Gaullisme n'est plus que verbale. Le PCF ne rappelle plus guère l'attachement qui fût le sien aux valeurs patriotiques et n'est plus ardent à associer le chant de La Marseillaise à celle de l'Internationale.
Quelle formation politique aujourd'hui hisse encore les couleurs de cette France, sinon le Mouvement des Citoyens ?
Pourtant ce combat est un combat d'avant-garde attendu, espéré par une majorité de notre peuple. Devant l'échec, toujours plus évident de l'ultra-libéralisme et de l'européisme, il rencontre dans la société française, des échos de plus en plus puissants. Il peut aussi trouver des convergences dans les évolutions en cours, dans plusieurs autres pays européens.
Nous devons y travailler sérieusement, méthodiquement.
L'opposition sociale-démocrate allemande semble prendre des distances avec l'ultra-libéralisme de Bruxelles. Demain, peut-être, cette opposition sera majorité.
En Angleterre, le gouvernement travailliste, s'efforce de remédier certes par petites touches aux ravages du thatchérisme, tout en restant sur la réserve à l'égard de la supranationalité européenne.
Nous ne sommes pas seuls.
Notre avenir dépend de notre organisation. Celle-ci est certes perfectible et nous devons lui accorder toute l'attention qu'elle mérite. Le congrès sera l'occasion de remédier à certaines faiblesses, aux carences et nous devons lui accorder la priorité.
Mais, il dépend surtout de la fermeté et de la clarté de notre ligne politique.
Celle-ci est naturellement de soutenir le Gouvernement, le meilleur que notre pays ait depuis longtemps et d'y participer à un niveau élevé en la personne de Jean-Pierre Chevènement. Mais pour autant il ne s'agit pas pour nous de nous effacer derrière les orientations de ce Gouvernement. Sur l'euro, sur la Banque centrale, sur le mode de scrutin aux élections européennes, les parlementaires ont nettement et fortement marqué leur différence. Il doit en être de même à propos de la ratification du traité d'Amsterdam et de la réforme constitutionnelle qui en est le corollaire. La constitution de la République proclame que la souveraineté nationale appartient au peuple français.
Aucune restriction à cette souveraineté ne peut être valablement consentie sans l'aval du peuple français lui-même. Il s'agit aujourd'hui d'écrire dans la constitution, l'abandon de la souveraineté. Cela ne peut résulter d'un simple vote des parlementaires réunis à Versailles, en catimini, sans un débat national.
Le président de la République est constitutionnellement le garant de la souveraineté nationale. S'il adoptait une telle démarche, ce serait plus qu'un simple tour de passe-passe politicien, une véritable forfaiture.
Le Mouvement des Citoyens se battra pour que le peuple français soit consulté par un référendum. C'est le seul moyen, sur une question aussi grave de parvenir à une décision dont la légitimité s'impose.
Les élections européennes, dont l'échéance se rapproche, seront l'occasion de poursuivre et d'élargir le débat.
Le Mouvement des Citoyens recherchera à cette occasion, des convergences avec tous ceux pour qui la souveraineté et l'unité nationales ne sont pas devenues des termes sans contenu.
On ne peut exclure par avance et par principe que les positions des socialistes qui ont déjà un peu évolué, ne progressent suffisamment d'ici aux élections pour favoriser des convergences.
Disons-le tout net, ce ne sera pas facile.
Mais il pourra s'agir du PCF, s'il résiste à l'attraction de la pensée unique, mais aussi et pourquoi pas de ceux des gaullistes qui refusent la dérive du RPR vers la supranationalité et l'ultralibéralisme. La situation de leur côté est mouvante. Nous l'observons avec attention.
Enfin, s'il le faut, le Mouvement des Citoyens ira seul à la bataille. Il y a un précédent qui n'est pas favorable. Mais le contexte a changé nos chances se sont sensiblement améliorées. Nous devons activement nous préparer à cette éventualité.
En toute hypothèse, sachez-le, notre mouvement sera présent dans cette bataille électorale. Il ne pratiquera pas l'esquive.
C'est au nom de la souveraineté nationale que nous refusons la réforme constitutionnelle liée au traité d'Amsterdam ; ce sera au nom de l'unité nationale que nous exercerons la plus grande vigilance sur la réforme du scrutin régional.
Personne ne peut sérieusement défendre l'actuel scrutin intégralement proportionnel, qui met le FN en position d'arbitre dans beaucoup de régions et en rend ainsi l'administration très difficile. Une proportionnelle avec prime majoritaire, comparable à celle qui est appliquée assez correctement aux élections municipales, devrait éviter ces désordres tout en assurant une représentation aux minorités.
Mais la réforme nécessaire ne doit pas être l'occasion de substituer la cadre régional à l'actuel cadre départemental. On donnerait ainsi aux Conseils régionaux et à leurs présidents, élus de fait au suffrage universel, une légitimité démocratique d'où ils tireraient, face à la représentation nationale une autorité et un pouvoir comparables à ceux des grands féodaux.
On a laissé naguère le maire de Paris se constituer un bastion face aux autorités de la République. Ne récidivons pas avec la région Ile-de-France, celles du Rhône-Alpes ou de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Un tel renforcement de l'institution régionale serait d'autant plus absurde qu'en l'état actuel des choses, la plupart des régions ne sont que des assemblages hétéroclites de pays divers, sans véritable cohésion, ni économique, ni géographique, ni humaine.
Enfin, dans certaines régions, comme Provence-Alpes-Côte d'Azur, mais ce n'est pas la seule, organiser l'élection au niveau régional serait prendre un risque insensé, dans l'hypothèse où le FN poursuivrait sur les ruines d'une droite déliquescente, sa résistible ascension.
Voilà quelques-unes des principales questions qui se posent et se poseront à nous dans le contexte actuel, sur le plan politique. Mais nous ne réussirons pas à refonder la République de manière durable, si celle-ci n'a pas la dimension sociale sans laquelle elle n'est pas elle-même. Aussi la question sociale, comme la question nationale, est au cœur de notre projet.
Le sujet le plus lancinant est celui de l'emploi. Certes, depuis quelques mois nous observons une embellie, mais elle doit être soutenue, renforcée par une loi de finances où malgré certains aspects positifs, il y a encore trop de libéralisme et pas assez de République sociale. Il faut, par exemple, s'engager résolument dans la voie de la correction des inégalités. Les nuages qui s'amoncellent au plan international sur les monnaies en Extrême-Orient, au Japon, demain en Chine, aujourd'hui en Russie, peut-être demain dans les pays de l'Est entraîneront des turbulences fortes qui ne nous laisseront pas indemnes.
Il faut anticiper tant que c'est possible et soutenir la croissance en donnant du pouvoir d'achat. Les pouvoirs publics doivent aussi et surtout se réserver les moyens d'agir efficacement en faveur de l'emploi et pour ce faire, conduire une véritable politique industrielle. Pour ce qui nous concerne, nous n'avons jamais considéré les nationalisations comme la marque à elles seules, d'une politique de gauche ; nous n'avons jamais confondu les moyens et les fins.
Les nationalisations de 1982 avaient un objectif : reconstruire, renforcer l'outillage industriel de la France.
Le redressement de la sidérurgie et de la chimie française, par exemple, avec Usinor-Sacilor ou Péchiney-Ugine-Kuhlmann, fournit la preuve de la justesse de cette politique. Les nationalisations devaient aussi donner les moyens au Gouvernement de conduire une politique volontaire, volontiers contra-cyclique ; d'où la nationalisation de banques et de compagnies d'assurance.
Mais l'autonomie de gestion, certains choix financiers et européens, ont très tôt ôté toute marge de manœuvre et toute réalité à cette ambition.
Nationalisations, privatisations ont cessé d'être un enjeu idéologique. L'efficacité en ce domaine doit primer. L'efficacité, ce peut-être parfois, d'ouvrir le capital de certaines entreprises publiques. C'est aussi, toujours, de refuser la privatisation à tout prix. Voici quelques temps, Monsieur Juppé affirmait sa volonté de céder Thomson pour 1 franc symbolique au coréen Daewoo. Il a du heureusement reculer. Mais la manière dont, à l'époque, a été traité ce dossier, reste exemplaire des absurdités auxquelles peut conduire le dogmatique ultralibéral associé, sous des dehors arrogants, à la plus lourde incompétence.
La légitimité du secteur public est liée à la mise en œuvre d'une politique qui poursuit des objectifs d'intérêt général : indépendance nationale, emplois ou excellences technologiques. Ce qui se passe en matière d'industrie de défense, doit nous appeler à la plus extrême attention. Le gouvernement de Lionel Jospin a su préserver des intérêts nationaux vitaux en ne remettant pas les clefs de Thomson-CSF à Matra ; mais ce n'est pas parce que Dominique Strauss-Kahn a un meilleur tour de main que Juppé, qu'il faudrait poursuivre une politique de larges privatisations.
Ainsi, la question de la place de Matra dans la restructuration des industries de défense françaises se pose. Peut-on faire confiance à une société qui, à raison de son statut juridique et de la structure de son capital, repose sur un seul homme qui, par ailleurs, ne s'est pas montré sourcilleux de l'intérêt national dans le dossier de Thomson ? De surcroît les liens de Matra avec GEC d'une part, avec British Aerospace d'autre part, ne laisse pas d'inquiéter sur la véritable propriété des brevets d'exploitation de Matra.
À défaut de pouvoir nationaliser les activités défense du groupe Lagardère, la restructuration des industries françaises de défense doit se faire rapidement autour des champions nationaux.
C'était déjà le cas pour les moteurs avec SNECMA, c'est fait pour l'électronique de défense autour de Thomson-CSF. Il reste à constituer un pôle aéronautique civil et militaire à dominante publique autour d'Aérospatiale, qui doit conserver son statut public, malgré la transformation d'Airbus en société anonyme, malgré les pressions de nos partenaires européens.
Observons également ce qui se passe dans le secteur financier. Les compagnies d'assurance privatisées depuis 1986 (AXA, UAP, AGF, et maintenant GAN) agissent dans des logiques libérales, sinon spéculatives, éloignées de notre conception de l'intérêt général. Ainsi, Denis Kessler, ex-dirigeant d'AXA, actuellement au CNPF, est-il le premier lobbyiste des fonds de pension. Le même groupe AXA tient prêt dans ses cartons un projet de sécurité sociale privée.
La privatisation des AGF a posé la question du capital de la COFACE, l'assureur crédit à l'exportation française et de la SFAC, un des principaux assureurs de crédits domestiques.
Dans le monde bancaire également, les privatisations se sont multipliées et d'autres se préparent encore, qui toutes s'inscrivent dans une logique libérale.
La vente du Crédit Foncier de France risque, si l'entreprise va à terme, de le faire passer sous le contrôle d'un groupe américain ; elle porte condamnation définitive des missions de service public de cet organisme en matière d'accession à la propriété. Est-ce acceptable ? Naturellement non ! Dominique Strauss-Kahn doit remettre les choses à plat.
Avec la création de la zone euro, le risque est grand que les futures privatisations, par exemple celle du Crédit Lyonnais, ne consacrent la mainmise des groupes étrangers sur nos banques.
L'enjeu n'est rien moins que la maîtrise des conditions de financement de la croissance en France.
Vous le voyez chers camarades, nous avons devant nous une rude tâche et des rendez-vous majeurs. À chacune et à chacun d'entre vous de se mettre au travail et de plonger les mains et les bras dans le cambouis.
La rentrée sociale, la préparation du congrès, la bataille pour le référendum sur Amsterdam, le débat à l'Assemblée national sur la loi de finances, les élections européennes seront autant d'occasion de nous affirmer, de nous organiser et de faire avancer nos idées.