Interview de M. Charles Millon, président de la région Rhône Alpes et membre de Démocratie libérale, à France 2 et RTL le 2 septembre 1998, dans "Le Parisien" et "Le Bien public" le 3 et "La Croix" le 4, sur son exclusion du groupe UDF-Alliance à l'Assemblée nationale, le programme idéologique de son mouvement "La Droite", et son objectif de favoriser l'émergence d'une formation unique de la droite.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Exclusion de Charles Millon, président de la région Rhône-Alpes et fondateur de "La Droite" du groupe parlementaire UDF le 2 septembre 1998- Installation de son mouvement "La Droite" à Dijon (Côte-d'Or) le 3

Média : France 2 - La Croix - Le Parisien

Texte intégral

France 2 - 2 septembre 1998

C. Sérillon :
Ça vous fait quoi d’être exclu du groupe parlementaire UDF ?

C. Millon :
« Tout d’abord je voudrais vous dire que très franchement j’aurais préféré venir sur ce plateau dans d’autres circonstances, car je crois que tous ces petits jeux partisans, ces exclusions, ces ostracismes sont en train de donner une image de la politique qui scandalise les citoyens ».

C. Sérillon :
Mais vous avez joué à ces petits jeux pendant un moment. Vous avez fait partie des partis politiques…

C. Millon :
« Je ne crois pas avoir joué avec ces petits jeux. J’ai été président du groupe UDF durant six ans et on s’occupait du chômage, de la rentrée scolaire, du système éducatif ».

C. Sérillon :
Là justement, ce sont vos amis qui vous excluent, ça vous fait quoi ?

C. Milion :
« Je suis attristé. J’ai été président du groupe pendant six ans, j’y compte beaucoup d’amis. Et puis je suis surtout choqué de la procédure. L’UDF c’est l’Union pour la Démocratie française, c’est un parti donc démocratique. Or là, j’ai été exclu comme un malpropre, sans être écouté, sans être entendu, ni par le bureau exécutif, ni par le groupe ».

C. Sérillon :
M. Douste-Blazy est un de vos amis politiques, et il dit que vous êtes de connivence avec le FN et que ce n’est pas admissible. Vous lui répondez quoi ?

C. Millon :
« Il a tort. Il n’a qu’à venir voir ce qui se passe dans la région Rhône-Alpes. Un président qui a été élu sur son programme, qui est le programme qui a été présenté par les listes RPR-UDF-non inscrites. Ce programme est mis en œuvre sans aucune… »

C. Sérillon :
Difficilement quand même ?

C. Millon :
« Non, pas difficilement ».

C. Sérillon :
Sur le plan culturel c’est difficile. »

C. Millon :
« Que s’est-il passé ? »

C. Sérillon :
Notamment la Biennale, on ne va pas en faire le détail.

C. Millon :
« La Biennale de la danse a obtenu un million de subventions de la région, personne ne l’a dit. Qu’est-ce qui n’a pas été subventionné ? C’est le défilé. Donc la Biennale a été subventionnée. Donc à peu près 97% des décisions que j’ai soumises au Conseil régional ont jusqu’à maintenant été votées, c’est ce qu’a démontré la dernière commission permanente ».

C. Sérillon :
M. Douste-Blazy a tort, R. Barre a tort ? A. Juppé, J. Chirac ont tort ? Ils ont tort ? Vous avez raison contre tous ?

C. Millon :
« Non, mais j’aimerais bien qu’ils fassent une analyse politique ».

C. Sérillon :
Mais pouvez-vous avoir raison contre tout le monde ?

C. Millon :
« Moi je vais faire une analyse politique. Actuellement, il y a environ 15% de Français qui votent soit protestataire, soit extrémiste. Ce sont des gens amers, déçus qui votent pour une formation qui par certains aspects… »

C. Sérillon :
Et vous, vous dites que vous allez les récupérer.

C. Millon :
« Pas du tout. Ces gens-là votent pour des conseillers régionaux qui viennent dans une Assemblée. Ces conseillers régionaux préfèrent telle personne à telle autre. Il n’y a ni négociation ni accord. A partir de ce moment-là, est-ce qu’on ne va pas répondre à l’attente de ces gens-là ? Est-ce qu’on va dans notre pays ostraciser tout un électorat ? Je réponds non. Je pense que ces gens qui sont amers, déçus, révoltés doivent aujourd’hui avoir une réponse des hommes politiques ».

C. Sérillon :
Votre démarche, vous n’auriez pas pu la faire en restant au sein de l’UDF, en ayant la même ligne que vos amis politiques ? Pourquoi vous mettez-vous à part ?

C. Millon :
« C’est eux qui me mettent à part ».

C. Sérillon :
C’est vous qui avez créé La droite !

C. Millon :
« La droite, je l’ai créée parce que je pense qu’aujourd’hui, tous les problèmes qui se passent et ceux qui se passent à l’Alliance qui est un accord d’états-majors, tous les problèmes que ressent l’électorat – c’est-à-dire l’éloignement du monde politique de leurs problèmes – sont la conséquence d’un éparpillement, d’une division ou d’une sclérose de la droite. J’ai toujours été favorable à une grande formation unique de la droite et je suis décidé à tout mettre en œuvre pour faire trois choses. Un pour changer le comportement politique… »

C. Sérillon :
Ça veut dire quoi ?

C. Millon :
« Qu’on soit modeste, qu’on sache écouter les choses ».

C. Sérillon :
C’est la méthode Jospin.

C. Millon :
« La méthode des hommes politiques qui écoutent. Qu’on soit honnête, ce serait intéressant. Qu’on soit courageux… »

C. Sérillon :
Vous pensez que MM. Juppé, Douste-Blazy et Barre ne sont pas honnêtes ?

C. Millon :
« Je ne suis pas là pour porter des jugements sur les personnes. Je ne suis pas comme les autres. Je ne suis pas là pour juger, exclure, ostraciser ».

C. Sérillon :
Ça veut dire que vous êtes meilleur que les autres ?

C. Millon :
« Non, je suis là pour définir une méthode. Je veux, premièrement, un nouveau comportement politique car à partir de ce moment-là, nos électeurs nos écouteront. Deux : je pense qu’il faut qu’on soit de droite et qu’on ne soit pas complexé d’être de droite. Moi je suis de droite, j’ai des convictions de droite. Je crois en un certain nombre de choses telles que la liberté d’initiative, telle que l’égalité des chances. Je crois qu’il y a des communautés qu’il convient de renforcer dans notre société telles que la famille, l’entreprise, la commune ».

C. Sérillon :
Tout le monde est d’accord là-dessus.

C. Millon :
« Dans ce cas-là, il faut le faire pratiquement. Il faut répondre aux aspirations de ces gens ».

C. Sérillon :
Vous avez déclaré dans le mensuel Lyon-Mag que vous ne vouliez pas d’alliance de la droite avec le FN.

C. Millon :
« Oui parce que je suis contre le régime des partis, ça ne m’intéresse pas ça ».

C. Sérillon :
Mais dans votre mouvement, je pense notamment à M. Poniatowski, M. Griotteray, ils sont pour une alliance avec le FN.

C. Millon :
« Moi je m’appelle C. Millon jusqu’à maintenant. Donc, je vous dis : ma position est claire. Je suis pour la constitution unique de la droite en France, car je suis sûr qu’à partir de ce moment-là – comme cela se passe en Angleterre, comme cela se passe en Allemagne, comme cela se passe en Espagne – vous aurez une grande formation et vous aurez une grande pluralité d’opinions qui au lieu de se quereller pour savoir qui va être chef de l’intergroupe, qui va être patron de tel mouvement, s’occupera des problèmes des Français. Les Français en ont marre. Ils aimeraient qu’on s’occupe de la sécurité dans leurs quartiers. Qu’on s’occupe de la réforme du système éducatif… »

C. Sérillon :
Ça a déjà été dit.

C. Millon :
« Dans ce cas-là, il faut le faire. Et c’est la raison pour laquelle j’ai pris des décisions au Conseil régional, je me suis fait élire sur un programme, je me suis engagé vis-à-vis de l’électeur. Quand je parcourais les banlieues en région Rhône-Alpes, les électeurs me disaient : les engagements que vous prenez, vous allez les tenir ? Je leur réponds : oui, je les tiens, un point c’est tout ».

« J’éprouve de la tristesse, parce que c’est un groupe que j’ai présidé durant six ans, j’y compte beaucoup d’amis. L’exclusion a été prononcé sans que l’aie été entendu, ni par le groupe ni même par son bureau exécutif. Cette décision ma paraît être un signe supplémentaire du désarroi d’une droite honteuse, qui obéit simplement à une mode ou à un conformisme ambiant qui veut que l’on juge les gens sans même les avoir écoutés ».

R. Arzt :
Si vous aviez pu vous faire entendre, qu’est-ce que vous auriez dit aux dirigeants du groupe ?

C. Millon :
« Aujourd’hui, tout simplement, ce que vous me reprochez, c’est soi-disant des compromissions. Eh bien, je vous invite à faire une commission qui viendra voir la région Rhône-Alpes, qui jugera tous les actes qui ont été mis en œuvre depuis le 20 mars dernier, de voir si j’applique mon programme, si j’ai changé d’orientation, si, dans mon exécutif, il y a des personnes qui ne partagent pas mes convictions. Et à partir de ce moment-là, d’en tirer les conclusions. Il suffit d’aller voir ce qui se passe dans la région Ile-de-France, dans la région Centre ou même dans d’autres régions, pour constater que la situation de Rhône-Alpes est une situation qui est tout à fait avantageuse ».

LE PARISIEN - 03 septembre 1998

Le Parisien :
Votre exclusion vous a-t-elle surpris ?

C. Millon :
Depuis ma réélection à la tête de la région Rhône-Alpes, il ne s’est strictement rien passé qui modifie la donne. On aurait pu m’exclure à l’époque. On m’exclut aujourd’hui. Bon, c’est comme ça… Et tout se déroule à partir de procès d’intention puisque je conduis la politique que j’avais annoncée, à la tête d’un exécutif où ne siègent qu’élus RPR et UDF.

Le Parisien :
Quel est votre interprétation ?

C. Millon :
Les états-majors parisiens sont complètement coupés de la réalité. Ils ne s’intéressent pas à la vie concrète des Français. Ils sont, en revanche, obsédés par l’image que les médias « politiquement corrects » donneront d’eux. Ils feraient mieux de réfléchir à ces électeurs qui, par amertume ou écœurement, ont choisi des votes protestataires, faute qu’on sache répondre à leur angoisse et à leurs attentes. Ces états-majors sont en train de mourir étouffés sous l’oreille du conformisme et de la pensée unique.

Le Parisien :
Votre exclusion de l’UDF vous rend-elle amer ?

C. Millon :
Le problème, aujourd’hui, c’est le peuple. A force de ne pas répondre à ses aspirations, il se révoltera. Et ses réactions, on ne les connaît pas.

Le Parisien :
Personne ne veut plus s’allier avec vous…

C. Millon :
On s’inscrit chez moi tous les jours. Et on me salue ou on me félicite partout, sauf lors de petites manifs politiques organisées sur mesure. Je suis prêt à dialoguer avec tous ceux qui veulent constituer une grande formation politique de droite. Il y aura des conversions.

Le Parisien :
Un de vos collègues vous qualifie « d’aventurier »…

C. Millon :
C’est évidemment une aventure politique que je vis. Mais je ne suis en rien un aventurier. Je suis raisonnable. Je pose des actes réfléchis. Depuis le temps, on me connaît.

Le Parisien :
La gauche en Rhône-Alpes est prête à faire élire un homme de droite pour vous déloger de la présidence…

C. Millon :
Le budget sera voté en décembre. Il faudra à ce moment-là que PS, PC, RPR et UDF présentent un projet commun et le défendent ensemble, contre un président légitime qui n’a qu’une bible : son programme. Si c’était le cas, ce que je ne parviens pas à croire, ce serait la confirmation impressionnante qu’il existe en France une droite de connivence.

LE BIEN PUBLIC - 3 septembre 1998

Le Bien Publics-Les Dépêches :
Monsieur le Ministre, vous venez à Dijon pour y lancer « La Droite ». N’est-ce pas un parti de plus dans la droite française déjà pléthorique ? Sinon qu’elle en est l’originalité ?

Charles Millon :
La Droite n’est pas un parti politique. C’est un mouvement d’action politique. Ses objectifs : tout d’abord, imposer un nouveau comportement politique fait d’honnêteté, de modestie, de courage et de bienveillance. Ensuite, réaffirmer une pensée de droite fondée sur le respect de la personne, la démocratie et l’économie de marché.

Nous souhaitons agir pour faire émerger une grande formation unique de la droite car il paraît évident que la décomposition actuelle des partis classiques, les querelles de chapelles, les luttes intestines sont la cause de l’échec de la droite.

Le Bien Publics-Les Dépêches :
Tout comme J. P. Soisson en Bourgogne, vous avez fait alliance avec le FN en conseil régional de Rhône-Alpes. Comment se fait-il que J. P. Soisson ne rejoigne pas La Droite ? En avez-vous parlé avec lui ?

Charles Millon :
Personnellement, je n’ai pas fait alliance avec le FN, étant donné qu’en Rhône-Alpes, la droite est majoritaire en sièges et en voix : j’ai simplement été élu, sur mon seul programme, par des conseillers régionaux quelles que soient leurs affiliations. Quant à J.P. Soisson, c’est un ami et je sais qu’il suit les activités de La Droite avec intérêt et bienveillance.

Le Bien Publics-Les Dépêches :
L’alliance de la droite et du FN ne vous paraît-elle pas contre nature ? N’est-on pas sorti avec elle, du cadre strictement républicain ?

Charles Millon :
Je le répète et j’insiste, il n’y a pas eu d’alliance avec le FN. Vous touchez là la monstrueuse hypocrisie « républicaine » des quinze dernières années. Le FN est un parti politique reconnu par la République, financé par l’État comme tous les autres partis ; il a reçu, en 1998, 41 MF provenant directement de nos impôts.

Ensuite, on laisse croire aux électeurs qu’ils peuvent voter pour le FN puisqu’on ne l’interdit pas et, lorsqu’ils ont voté, on leur signifie par des injures que ceux qu’ils ont élus sont persona non grata.

On tente d’interdire moralement un vote politiquement valide parce que depuis de nombreuses années nos dirigeants n’ont pas eu le courage de trancher. On fait preuve d’une duplicité entretenue au fil des ans.

Le Bien Publics-Les Dépêches :
Comment pensez-vous pouvoir gérer cette « contradiction républicaine » pendant six ans sans catastrophe ?

Charles Millon :
Je n’ai pas à gérer une « contradiction républicaine ». J’ai à gérer une Région en fonction de mon seul programme et jamais je ne ferai de compromis sur mes convictions.
« Personnaliste, libérale et démocrate »

Le Bien Publics-Les Dépêches :
Quel est le programme idéologique de base de « La Droite » ?

Charles Millon :
La Droite est Personnaliste, attachée au respect de la personne, étant entendu que tout individu a droit à la considération et qu’il est digne de responsabilité.

La Droite est Libérale, favorable à l’économie sociale de marché. Elle souhaite une société d’initiatives où l’État, sans intervenir à tout propos, doit créer les conditions favorables à l’égalité des chances.

La Droite est Démocrate, voulant profondément réformer la Démocratie française, notamment la décentralisation, le mode de scrutin, le statut des élus, le cumul et la durée des mandats…

Ces engagements ne sont pas des paroles en l’air car il est un principe que La Droite respectera scrupuleusement : les hommes politiques doivent dire ce qu’ils vont faire et faire ce qu’ils ont dit.

Ensuite, La Droite fera connaitre ses propositions concrètes sur l’entreprise lors d’une journée thématique à Lyon le 10 octobre, sur la famille l’éducation et la personne le 17 octobre à Vannes et sur la Démocratie le 24 octobre à Strasbourg.

LE BIEN PUBLIC du 3 septembre 1998.

« Je viens d’apprendre par la presse mon exclusion du groupe parlementaire UDF à l’Assemblée nationale.

Je suis attristé de cette décision de la part d’un groupe que j’ai présidé durant six ans et où je compte de nombreux amis.

Je suis surtout choqué par la procédure non démocratique utilisée puisque l’exclusion a été prononcée sans que j’ai entendu ni par le groupe ni même son bureau exécutif.

Cette décision, prise après cinq mois d’atermoiements, est un signe supplémentaire du désarroi d’une droite honteuse qui, au lieu de juger les actes, se complaît dans le procès d’intention.

Comme beaucoup de Français de droite, je ne me retrouve plus dans les querelles de chapelles et les jeux d’appareils des partis de l’opposition.

J’appelle tous les Français de bon sens à réagir en adhérant au mouvement La Droite que je préside pour qu’en France tous soit mis en œuvre pour faire émerger une grande formation unique de la droite et qu’enfin les hommes politiques prennent en charge les problèmes quotidiens des Français.

C’est à cette seule condition que l’alternance sera possible. »

LA CROIX - 04 septembre 1998

La Croix :
Votre exclusion du groupe UDF à l’Assemblée nationale ne vous isole-t-elle pas encore un peu plus sur la scène politique ?

Charles Millon :
Je ne suis pas isolé. La droite vient de franchir le cap des 16 000 adhérents, et partout où je passe en France, je rencontre des électeurs de droite déçus, amers, écœurés et qui n’attendent plus rien des appareils. Les dirigeants du RPR et de l’UDF se réunissent pour m’exclure, mais c’est le seul point sur lequel ils soient d’accord. Exclu du groupe UDF, je me refuse à rentrer à nouveau dans des jeux partisans et siègerai donc parmi les non-inscrits.

Regardez ce qui s’est passé durant l’été : la droite, et singulièrement l’UDF, n’a donné que des signes de décomposition supplémentaires, tellement ses dirigeants sont incapables de sortir de leurs querelles de personnes. Au point de rester muets sur des sujets aussi graves que la guerre au Soudan ou la crise en Russie. La droite est devenue stérile.

La Croix :
La création de La Droite ne rend-elle pas encore plus illisible la paysage politique de l’opposition ?

Charles Millon :
La Droite n’est pas un parti de plus. La preuve : nous ne présenterons pas de candidats aux prochaines législatives partielles ou aux sénatoriales. Nous sommes un mouvement qui poursuit trois objectifs simples : renouveler les comportements politiques autour de la modestie, le courage, la bienveillance et l’honnêteté, recréer une pensée politique et surtout faire émerger une formation unique de la droite où chaque adhérent disposera d’une voix.

La Croix :
Le 16 septembre, le président de l’UDF sera justement élu par tous les adhérents. De même pour le président du RPR en décembre. L’Alliance a été créée. Tout cela ne va-t-il pas quand même dans la bonne direction ?

Charles Millon :
L’Alliance disparaîtra comme ont disparu avant elle l’URC, l’UPF et autres sigles éphémères. Tant que l’Alliance restera un accord d’état-major, rien ne changera. Si ses dirigeants en appellent à un congrès fondateur d’un grand parti de droite, je suis partant. Mais ils font l’inverse. Depuis que je fais de la politique, toutes les initiatives prise pour travailler concrètement à l’unité de la droite (le Cercle, les rénovateurs, un groupe unique RPR-UDF en Rhône-Alpes) ont été systématiquement torpillés par les partis. Une nouvelle fois, je lance un appel. Mieux vaut pour l’opposition qu’il soit entendu avant les élections européennes, sans quoi elle se prépare à un nouveau désastre électoral. Et qui ne sera pas le dernier.

La Croix :
La guerre qui oppose Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret au Front national peut-elle favoriser une recomposition de la droite ?

Charles Millon :
Une fois encore, rien ne sert d’être viré sur ce qui se passe au sommet des appareils des partis. Je crois en revanche qu’il appartient à la droite comme à la gauche de prendre en charge leurs extrêmes, c’est-à-dire de créer des conditions telles que les extrêmes ne puissent pas devenir dangereuses ou dériver vers l’inacceptable. Ainsi, les partis fascistes ou anarchistes seraient à 2% et, sur les 15% d’électeurs du Front national, 13% pourraient garder leur place dans un grand parti de droite.

La Croix :
Vous voulez réduire le Front national. Êtes-vous sûr qu’un grand nombre de ceux qui vous suivent ne préfèrent pas une alliance en bonne et due forme ? De même, les croyez-vous aussi pro-européens que vous ?

Charles Millon :
À l’évidence, ils ne sont pas tous d’accord avec moi. Mais faire de la politique, c’est faire de la pédagogie. Nous avons une charte, soulignant la dimension personnaliste et démocratique de nos valeurs. Ceux qui ne l’acceptent pas ne peuvent pas rester avec nous.

La Croix :
Jean-François Mancel peut-il adhérer à La Droite comme il en a manifesté l’intention ?

Charles Millon :
Personne ne peut prendre de responsabilités à La Droite s’il fait l’objet d’une procédure judiciaire.

La Croix :
Des scénarios envisagent aujourd’hui clairement de vous faire « tomber » de la présidence de la région Rhône-Alpes.

Charles Millon :
On disait au départ que je ne tiendrais pas trois jours, puis trois semaines, puis trois mois. Je compte bien rester six ans. Ceux qui, au RPR et à l’UDF, rêvent de me faire perdre la présidence devront assumer une alliance avec le Parti communiste et le Parti socialiste. Entre, d’un côté, un président qui, malgré une majorité relative, applique son programme et, de l’autre, un budget défini en commun par le PC, le PS, l’UDF et le RPR, que préfèrent les électeurs de droite ? Si des élections régionales avaient lieu aujourd’hui, je suis sûr que j’en sortirai renforcer.

La Croix :
Une alliance gauche-droite est-elle plus condamnable qu’une alliance Millon-FN ?

Charles Millon :
Je le répète : je n’ai fait aucune alliance avec le FN. Il suffit de voir le nombre de dossiers auxquels le FN s’oppose – les contrats de ville, par exemple – et qui sont bloqués parce que le PS et le FN mêlent leurs voix. Je suis prêt à faire la comparaison avec toutes les régions.