Texte intégral
J'ai traité devant la commission des affaires étrangères des quatre sujets qui avaient été proposés. D'abord, un rapide bilan du sommet de Naples, G7 et G8. Je n'y reviendrai pas puisque vous avez déjà tous les éléments. J'ai ensuite parlé de la situation au Rwanda et de la situation en Bosnie, et c'est sur ces deux sujets que je voudrais vous dire quelques mots rapides.
D'abord sur la situation au Rwanda. Je voudrais revenir sur le voyage que le Premier ministre et moi-même y avons fait hier à New York, et sur l'intervention de M. Balladur devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Nous nous étions fixé trois objectifs, outre le compte rendu du déroulement de l'opération Turquoise.
Premier objectif : sensibiliser le Conseil de sécurité et mobiliser les Nations unies sur le plan humanitaire. Je l'ai dit moi-même à Paris vendredi en recevant les organisations non gouvernementales : les besoins sont immenses, plus d'un million de réfugiés se pressent dans la partie occidentale du Rwanda. Il faut donc que l'ensemble des organisations - et en particulier les agences spécialisées des Nations unies - puissent intervenir dans les délais les plus rapides possibles. Et de ce point de vue, nous avons obtenu à New York des informations précises et des engagements concrets. M. Boutros-Ghali nous a, en particulier, indiqué que le Haut-Commissariat aux réfugiés était décidé à intervenir au Rwanda, plus précisément le haut-commissaire elle-même, Mme Ogata, est dans la région - elle était en Ouganda je crois, ou en Tanzanie il y a deux jours et elle devrait se rendre à Kigali dans les tout prochains jours. De même, le programme alimentaire mondial sera mobilisé.
Deuxième objectif : organiser la relève de notre dispositif sur le terrain. Là, je voudrais bien préciser les questions de dates, qui semblent en réalité un petit peu mal comprises. Il y a un butoir juridique à notre intervention : c'est le 22 août, c'est-à-dire l'échéance du délai de deux mois qui figure dans la résolution du Conseil de sécurité autorisant les Etats membres qui le souhaitent, et donc la France, à intervenir au Rwanda. Cette résolution a pris effet le 22 juin, je crois, pour deux mois. Donc, le 22 août, il n'y aura plus d'autorisation des Nations unies.
Notre objectif à l'intérieur de ce délai de deux mois a toujours été de nous retirer à la fin du mois de juillet ou au début du mois d'août, et le Premier ministre a confirmé cette intention de la France. Cela dit, il va de soi que, de même que le déploiement de « Turquoise » s'est fait sur plusieurs jours et même plusieurs semaines, de même le retrait s'organisera sur plusieurs jours ou sur plusieurs semaines : le 31 juillet minuit n'est pas une date fatidique. Et donc notre objectif c'est d'organiser une relève progressive et nous avons voulu savoir à partir de quel moment les Nations unies pouvaient être présentes sur le terrain. De ce point de vue, les réponses qui nous ont été données n'ont été qu'à moitié satisfaisantes - mais à moitié malgré tout. On nous a indiqué qu'un millier d'hommes environ devaient pouvoir arriver sur place dans le délai qui nous intéresse, c'est-à-dire d'ici la fin du mois de juillet. D'ores et déjà, plusieurs centaines de Ghanéens seront opérationnels aux alentours du 14 juillet ou avant le 20 juillet. Nous avons beaucoup insisté pour que les propositions faites au secrétariat général des Nations unies, et qui atteignent plusieurs milliers d'hommes, puissent se concrétiser le plus vite possible. Le secrétaire général nous a expliqué que la seule limite à son action était en réalité budgétaire.
Troisième objectif : la recherche d'un règlement politique et d'un cessez-le-feu, car il est bien évident que le drame humanitaire ne pourra être évité que si les populations peuvent petit à petit regagner leurs villages et leurs maisons, et ceci implique le cessez-le-feu et la reprise d'un dialogue politique fondé sur les grands principes des accords d'Arusha, comme les différents belligérants se sont dits prêts à le faire. Là encore, nous poursuivons notre action diplomatique auprès de l'Organisation de l'unité africaine, auprès des grands pays de la région, ou des pays africains en général. Je m'en suis entretenu à nouveau ce matin avec le Président Moubarak.
Voilà comment s'est déroulé ce voyage, quels étaient ses objectifs, et voilà les intentions qui sont les nôtres. Elles n'ont pas varié.
Deuxième sujet que j'ai évoqué ce matin : la situation dans l'ex-Yougoslavie. Un progrès, je l'espère décisif, a été fait le 5 juillet.
Le 5 juillet, il s'est passé un événement extrêmement important qui a permis d'unifier les positions des Américains, des Russes et des Européens. A Naples, le plan ainsi mis au point a été approuvé. Où en sommes nous depuis ? Il semble que les autorités de Sarajevo - le Président Izetbegovic et le Premier ministre Siladzic se sont exprimés dans cet esprit - se préparent à accepter le plan, ou en tout cas à recommander à leur Parlement l'acceptation du plan. En revanche, les réticences et les objections semblent plus nombreuses du côté de Pale et des Bosno-serbes. C'est la raison pour laquelle mon collègue britannique, Douglas Hurd, et moi-même allons nous rendre ce soir à Zagreb, demain à Belgrade, à Pale et à Sarajevo, pour expliquer qu'il est temps maintenant d'accepter ce plan, parce qu'il est équilibré et parce que le refus du plan comporterait des conséquences imprévisibles. Non seulement pour les parties qui le refuseraient, mais également pour l'équilibre général de la région, avec des risques d'engrenage très graves. J'espère que nous serons entendus à l'occasion de ce déplacement.
Sur l'Algérie, j'en ai parlé brièvement tout à l'heure en commission. D'abord pour rappeler qu'à Naples les 7+1, les Huit, ont apporté leur soutien - puisque c'est le mot qui figure dans la déclaration du Président - au processus de redressement économique qui a été engagé par les autorités algériennes, et ont pressé ces autorités algériennes de poursuivre le dialogue politique avec tous ceux qui refusent le terrorisme et la violence. Hélas, ce terrorisme et cette violence se sont à nouveau donné libre cours depuis trois jours, avec les victimes italiennes, les victimes russes, que l'on a à déplorer. La France a exprimé à Naples sa sympathie et sa solidarité aux autorités italiennes, et je le fais aujourd'hui vis-à-vis des autorités et du peuple russes. Bien entendu, le combat contre le terrorisme est un combat de longue haleine. Il faut donc garder le cap, qui est celui de ces réformes en profondeur, engagées avec courage par les autorités algériennes, et qui est celui de la recherche du dialogue politique, avec en ligne de mire, au moment où ce sera possible, le retour à un système qui permettra l'organisation d'élections libres. Le cap est là, il doit être tenu. Et la France continuera à se montrer solidaire du peuple algérien pour qu'il puisse en être ainsi.
Q. - Vous vous étiez déclaré pessimiste, il y a quelque temps, à propos de la Bosnie. Qu'en est-il aujourd'hui ?
R. - Des progrès substantiels ont été faits. A Genève, le 5 juillet, il y a eu accord des Russes, des Américains et des Européens, sur une carte, sur un plan. Deuxième progrès : le G7+1 à Naples : l'implication du Président Eltsine, du Président Clinton, du Chancelier Kohl, du Président Mitterrand et des autres sur ce plan qu'ils ont soutenu avec des formules très vigoureuses, puisqu'ils exhortent les parties de l'accepter. Enfin, troisième élément de relatif optimisme : la réaction des autorités de Sarajevo, qui semble pour l'instant plutôt positive. Donc, c'est vrai que par rapport au début du mois de juillet, on a fait quelques pas en avant. Cela dit, il faut attendre le 19 juillet pour faire un bilan plus précis des choses.
Q. - Est-ce qu'on peut penser qu'à partir du 22 août il n'y aura plus un soldat français au Rwanda ?
R. - 22 août, assurément. C'est l'objectif, puisque de toute façon, à ce moment-là, la couverture des Nations unies aura pris fin. Mais j'insiste sur le fait qu'il ne faut pas se tromper dans les dates : 22 août, c'est la limite juridique. L'objectif du gouvernement reste ce que le Premier ministre a dit, c'est-à-dire le début de notre processus de retrait à la fin du mois de juillet.