Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, en réponse à une question sur le sommet du G7 et la crise financière internationale à l'Assemblée nationale le 6 octobre 1998.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion des ministres des finances et directeurs du Trésor des pays du Groupe des Sept à washington le 3 octobre 1998

Texte intégral

Monsieur le Président,
mesdames et messieurs les députés,
monsieur le député,

Je voudrai d'abord dire aux parlementaires que les ministres qui, avec moi, accompagnaient le Président de la République au Sommet franco-italien de Florence ont vraiment fait le plus vite possible pour être avec vous et participer à cette séance de questions d'actualité. La tentation aurait pu nous prendre effectivement de flâner quelque peu du côté des offices.

Nous sommes là et je suis heureux de pouvoir répondre à votre question. D'abord en raison de l'absence de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'Economie et des Finances et de l'Industrie, retenu encore à Washington et qui nous rejoindra bientôt pour les réunions, et d'autre part parce que les questions qui sont posées par M. J.-M. Ayrault, et qui nous intéressent tous, ont effectivement une dimension politique.

Moi, j'ai été extrêmement intéressé - et, messieurs et mesdames, cela devrait vous intéresser tous - de constater que, ces derniers temps, on a vu surgir dans l'opinion et dans les médias, une interpellation qui était la suivante : mais que font les politiques ? Et moi, je voulais vous rappeler - et cela nous concerne tous - qu'il y a quelques mois encore, on demandait surtout aux politiques de ne pas s'occuper des problèmes économiques internationaux et de laisser fonctionner les marchés.

Mais quand les désordres se répandent, quand la spéculation flambe, quand, à l'évidence, des dysfonctionnements éclatent dans le système financier et monétaire international, vers qui se tourne-t-on ? Effectivement, vers les politiques, parce qu'ils représentent les Etats, forces d'organisation dans la communauté internationale, et vers les politiques parce qu'ils représentent la légitimité des peuples, et c'est en fonction des peuples que doivent être organisés le système monétaire international et le système financier.

La réponse aux désordres d'aujourd'hui doit se faire, à mon sens, sur trois plans : nous devons agir au plan national, nous devons agir au plan européen, et nous devons agir au plan international.

Au plan national, la politique que conduit le Gouvernement depuis quinze mois est faite pour assurer le maximum de croissance possible, dans le respect de équilibres et notamment des critères budgétaires. Nous avons su, en quinze mois, relancer la consommation et à partir de là, aussi, relancer l'investissement au point que ces deux moteurs de la croissance ont pu opérer le relais d'une conjoncture internationale affaiblie.

Le projet de budget pour 1999, dont vous aurez l'occasion de débattre, a été aussi un choix qui apparaît pertinent. Ceux qui considéraient que la croissance étant déjà là et non menacée, nous pressaient de rogner sur les dépenses publiques, je crois, avaient tort. En assurant un minimum de progression des dépenses publiques, nous assurons un minimum d'effets antidéflationnistes face à la conjoncture économique actuelle. Et je souhaite que les acteurs de la vie économique en France - salariés, consommateurs, chefs d’entreprise - s'appuient sur ce climat nouveau dans notre pays, s'appuient sur ces moteurs de l'investissement et de la croissance pour, résolument, se dresser contre les conséquences spéculatives de la bulle financière sur l'économie réelle.

Nous devons par ailleurs agir au plan européen. En effet, les pays de l'Union européenne font entre eux 90 % de leurs échanges. Ce qui veut dire que si nous menons des politiques de croissance au plan de l'Union européenne, nous aurons la possibilité de résister en partie aux effets de cette crise internationale. D'où une politique que nous approuvons en direction de la baisse des taux d'intérêt ; d'où une politique concertée des politiques économiques dans le sens d'une croissance plus forte, et le changement en Allemagne, à cet égard, nous apparaît comme un facteur positif pour relayer les préoccupations françaises.

Enfin, il nous faut agir au plan international. Il n'y a pas de fatalité de la désorganisation des marchés, et la globalisation des échanges implique une volonté d'organiser de façon plus harmonieuse les échanges commerciaux mais aussi financiers et monétaires à l'échelle internationale. Ce qui s'est passé à Washington, avec le G7, est un premier pas en avant dans la mesure où. à court terme, l'insistance sur la croissance, sur la transparence financière, sur la solidarité avec les pays émergents, a été marquée dans ce premier communiqué ; qu'à moyen terme, les propositions françaises faites dans un mémorandum présenté à nos partenaires de l'Union par le Gouvernement, en plein accord avec le Président de la République, ont reçu un accord favorable, et donc l'architecture de reconstruction du système monétaire et financier mondial que nous proposons est suivie avec intérêt par nos partenaires européens.

Premier pas à Washington, mais nous devons aller plus loin. Comme je ne veux pas, Monsieur le Président, être trop long, que par ailleurs le ministre de l’Economie – merci M. Santini -, comme par ailleurs le ministre de l’Economie et des Finances nous rejoindra bientôt et pourra vous donner le compte-rendu des entretiens de Washington, soit demain, soit la semaine prochaine, je voudrais dire simplement que nous voulons nous-mêmes aller plus loin, accroître rapidement les ressources du FMI, transformer l'actuel Comité intérimaire en un véritable Conseil jouant le rôle d'un gouvernement, imposer des règles prudentielles dans le système bancaire international, veiller à agir par rapport aux mouvements spéculatifs à court terme Voilà les grandes idées françaises, qui ne sont pas d'ailleurs seulement les idées du Gouvernement, qui appartiennent à une longue histoire des propositions de la France dans le domaine monétaire international.

J'espère que nous pourrons nous rassembler, ensemble - c'est en tout cas la volonté du Gouvernement - pour, avec nos partenaires européens, porter ces idées, puis les concrétiser dans le système international financier, afin que les données de l'économie réelle ne soient pas perturbées par les égarements de l'économie virtuelle qu'est, à beaucoup d'égards, la spéculation internationale.