Interview de M. Edouard Balladur, Premier ministre et candidat à l'élection présidentielle, à Europe 1 le 19 janvier 1995, sur sa stratégie électorale et son programme pour l'élection présidentielle de 1995.

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Circonstance : Annonce par Edouard Balladur de sa candidature à l'élection présidentielle, le 18 janvier 1995

Média : Europe 1

Texte intégral

O. Duhamel : Monsieur le Premier ministre, Monsieur le candidat officiel depuis hier, bonjour.

E. Balladur : Candidat officiel ? Je ne sais pas comment vous l'entendez. J'ai fait officiellement acte de candidature.

C. Nay : Quand avez-vous pris la décision de vous présenter à la présidentielle ?

E. Balladur : C'est une décision que j'ai prise au cours des six mois qui viennent de s'écouler. Pourquoi l'ai-je prise ? D'abord l'institution de la Ve République confère à chaque citoyen le droit de se poser cette question et d'y répondre dans le secret de sa conscience. Je l'ai prise essentiellement parce qu'il m'a semblé que le choix que j'avais fait et qui est de réformer la France en tenant compte des inspirations des Français et éventuellement en faisant évoluer les mentalités sans les brutaliser, était celui qui correspondait le plus à l'état d'esprit de nos concitoyens et aux possibilités de notre société. On m'a souvent fait grief de cette méthode qui est la mienne, je n'ai pas l'intention d'en changer. C'est pour cela que j'ai pris ma décision. La France a beaucoup de choses importantes à faire dans les années qui viennent. Il faut qu'elle les fasse dans la plus grande concorde possible et le plus grand rassemblement possible.

S. Denis : En 1993, avant la seconde cohabitation, vous aviez publié un article dans lequel vous expliquiez qu'il était préférable que le Premier ministre ne soit pas le candidat à l'élection présidentielle...

E. Balladur : C'était en 1990.

S. Denis : Vous n'y êtes pas revenu, l'eau a coulé sous les ponts mais en quoi la situation de 1995 est-elle différente ?

E. Balladur : Ce que j'ai dit à l'époque, ce que j'ai dit c'est qu'il me semblait en effet qu'il fallait tirer les leçons de ce qui s'était passé et mieux valait que le Président et le Premier ministre ne fussent pas candidats l'un contre l'autre. J'avais effectivement dit à l'époque que c'était une perspective qui n'était pas la mienne. C'était en 1990-1991. Et puis je viens de vous donner les raisons pour lesquelles il me semble que l'analyse que je fais de la société française et le soutien de l'opinion qui, effectivement, est bien consciente du fait que la France doit changer mais qu'en même temps, il faut prendre les précautions nécessaires pour ne pas la heurter. Il m'a semblé que c'était la méthode de gouvernement qu'il fallait proposer aux Français. J'ai retrouvé, tout à fait par hasard, une très bonne citation de Soljenitsyne dans son dernier livre. Je la livre à vos méditations : « Le réformateur est celui qui tient compte du passé et adoucit les transitions pour préparer l'avenir. »

F.-O. Giesbert : Si vous êtes élu, E. Balladur, quelles sont les deux ou trois projets de réforme que vous mettriez tout de suite en œuvre ?

E. Balladur : J'aurai l'occasion d'en parler. Je pense que vous ne me réinviterez pas puisque vous m'invitez pour inaugurer votre émission, mais si vous le faisiez à nouveau j'en serais tout à fait flatté et heureux...

O. Duhamel : Mais je pense que l'on vous invitera à un Club de la Presse d'un lundi soir, sûrement avant le premier tour comme, d'ailleurs, les principaux candidats.

E. Balladur : Eh bien, c'est vraiment trop gentil à vous. Donc j'aurai l'occasion de le préciser dans le mois qui vient où je vais publier mon projet aux environs du 15-20 février.

O. Duhamel : Sous quelle forme ?

E. Balladur : Sans doute une conférence de presse.

O. Duhamel : Avec un texte écrit complémentaire ?

E. Balladur : Il y aura un texte écrit complémentaire.

F.-O. Giesbert : Un livre ?

E. Balladur : Pas nécessairement. J'ai déjà d'ailleurs contribué à éclairer le débat. Vous savez que c'est la mode, le débat d'idées. Je me permets de rappeler quand même que je l'avais animé avant 93 et que j'ai publié tout une série d'articles dans les trois mois qui viennent de s'écouler – pour répondre à la question de F.-O. Giesbert – sur tout une série de sujets : L'État, le citoyen, la justice, le progrès social, la croissance économique, l'Europe. Je me suis exprimé sur tous ces sujets. Alors vous me dites : « Quelles sont les deux ou trois réformes qui vous tiennent le plus à cœur ? » Premièrement, il y a l'amplification de la croissance pour améliorer la situation du chômage et de l'emploi. C'est le premier objectif, nous avons à peu près stabilisé la situation cette année. Ce n'est pas suffisant, j'ai fixé un objectif de 200 000 chômeurs de moins par an et il faut que nous y arrivions. Il faut donc prendre toutes les mesures et faire toutes les réformes nécessaires pour y parvenir. J'en ai proposé un certain nombre. Deuxième objectif, le problème du citoyen, de l'État et de la justice. La justice ne doit plus rester dans notre société française aujourd'hui, un objet de contestation, de polémique, de discussion, de remise en cause. Les juges sont les arbitres de la société. Ce ne sont pas les seuls, mais ce sont les arbitres du la société. Il faut donc tout faire pour que la fonction arbitrale que remplit la justice soit préservée et consolidée. Deuxième chose, que je considère, pour ma part, comme extrêmement importante.

F.-O. Giesbert : Vous nous annoncez donc une grande réforme de la justice...

E. Balladur : Oui, enfin je voudrais que l'on remette les choses à plat, que l'on regarde le code de procédure pénale qui a fait l'objet depuis 1958 de 17 modifications et qu'une fois pour toutes, comme on l'a fait il y a presque deux siècles, sous le Consulat et sous l'Empire, on reparte du bon pied pour qu'il n'y ait plus – je le répète – ces conflits et ces soupçons permanents entre l'opinion, le pouvoir politique, les juges et les citoyens. Deuxième grande réforme que je souhaite. La troisième concernerait tout le domaine de la protection sociale qu'il faut consolider, il faut préserver les droits de chacun et notamment des plus faibles mais en même temps il faut tout faire pour éviter qu'il y ait un emballement perpétuel des dépenses qui entraîne un emballement perpétuel des prélèvements qui entraîne le chômage. Il faut rompre ce cercle infernal. Voilà deux ou trois réformes, je pourrais dire un certain nombre d'autres choses mais je ne veux pas... Je crois que vous appelez cela un tunnel, n'est-ce pas ? Je ne veux pas entrer dans un tunnel ni vous y faire entrer avec moi.

O. Duhamel : En écoutant vos différents objectifs, on se demande si l'on peut à la fois diminuer les prélèvements, tout faire pour augmenter la croissance, garantir l'équilibre social, les choses ne sont-elles pas contradictoires ?

E. Balladur : Je crois qu'il faut procéder par étapes. J'ai choisi la mienne, d'étape, c'est d'abord abaisser les dépenses publiques de l'État et, si possible, aussi celles des collectivités locales et réguler la croissance des dépenses sociales pour que l'on ne soit pas obligé – je le répète – d'instituer sans cesse de nouveaux prélèvements.

C. Nay : Vous parlez de réduire les dépenses de l'État ; pouvez-vous nous donnez un exemple où l'État pourrait être moins gourmand ?

E. Balladur : D'abord, je vais vous donner une référence. Lorsque nous avons quitté le gouvernement, en 1988, il y avait moins de 100 milliards de déficit budgétaire. Nous y retournons en 1993, il y en a 340. Il y a une différence. En second lieu, j'ai fait voter une loi quinquennale pour la séduction des déficits et nous avons fait voter un budget avec un déficit de 275 milliards. Ce n'est pas encore assez, il faudra continuer. Il faut que nous retournions à un déficit inférieur à 200 milliards si cela est possible. Vous me demandez comment on va y arriver.

C. Nay : Un point, citez un exemple pour montrer votre bonne volonté.

E. Balladur : Où couper ? Vous pourriez d'abord regarder ce que nous avons fait. Il faut effectivement restreindre dans tous les domaines les dépenses de l'État, les dépenses d'intervention, même parfois certaines dépenses d'investissement qui doivent être restreintes. Il faut le faire sans hésiter.

A. Duhamel : Il est difficile de toucher aux salaires qui sont une part importante de la dépense publique.

E. Balladur : Si on maintient la politique de stabilité monétaire que j'ai choisie comme cap et dont je ne bougerai pas – je choisis l'occasion pour vous le dire. Je ne vais pas abandonner la politique d'une monnaie solide et bien défendue. Normalement, les taux d'intérêt doivent baisser. C'est ce qui s'est produit et ça abaisse les dépenses de l'État. C'est déjà un premier point et un point tout à fait important. Deuxième point, la croissance est revenue : encore trop faiblement, mais elle est revenue. Elle ne s'est pas encore traduite dans des rentrées fiscales et sociales suffisantes. Normalement, ça va entraîner des recettes qui vont permettre de continuer à abaisser le déficit.

F.-O. Giesbert : F. Mitterrand a dit qu'il fallait passer à la monnaie unique européenne dès 1997. Votre ministre de l'économie trouve que c'est réalisable ; et vous ?

E. Balladur : C'est réalisable mais je voudrais bien savoir ce dont on parle, dans cette affaire. Il y a le traité sur l'Union européenne, il prévoit des échéances et il faut que la France respecte la parole qu'elle a donnée. Donc, c'est un débat qui est dépassé à mes yeux. D'autre part, si la France doit remettre de l'ordre dans ses affaires, ce n'est pas uniquement pour faire plaisir aux rédacteurs du traité de Maastricht. C'est parce que c'est son intérêt vital national de remettre de l'ordre dans ses affaires. En troisième lieu, si grâce à cette remise en ordre que nous avons commencée et qu'il faut poursuivre, on peut respecter l'échéance de 1997, c'est parfait et j'en serais très heureux. C'est ce que prévoit le traité ; mais le traité prévoit que si l'on n'a pas pu la respecter, la France ou les autres, il y aura un délai supplémentaire. Il faut tout faire pour redresser la France et, redressant la France, on répond à la question que vous m'avez posée.

S. Denis : Vos adversaires vous reprochent d'endormir les Français et certains de vos demi-partisans du RPR disent que vous vous contentez d'être rassurant et que c'est la clé de votre fortune politique.

E. Balladur : Oui, et alors, quelle est la question ?

S. Denis : Peut-on gouverner, en étant rassurant, puis être élu en rassurant ? Est-ce que ça suffit ?

E. Balladur : Ça ne suffit pas, mais si l'on n'y parvient avec autre chose, ça n'est pas si mal, si vous me permettez de vous répondre aussi simplement et brutalement. Je ne vais pas vous infliger la liste de toutes les réformes que nous avons faites. Je vais dire une seule chose. Je me suis présenté devant l'Assemblée nationale, j'ai fait un discours programme, j'ai proposé un certain nombre de réformes considérables. Toutes ont été accomplies et appliquées ; toutes. Si aujourd'hui, la France commence à aller mieux – et ce n'est qu'un début – c'est sans doute aussi parce que nous avons tenu nos promesses. Si ça rassure les Français qu'on tienne ses promesses, c'est parfait et je m'accommode très volontiers de les rassurer. Je préfère les rassurer que de les inquiéter, à condition que soit dans la franchise et dans la vérité.

S. Denis : N'y a-t-il pas de contradiction entre être à la tête du gouvernement et être candidat ?

E. Balladur : Contradiction ? Pourquoi ?

S. Denis : Dans la conduite quotidienne.

E. Balladur : Il faut essayer de marier les choses. Regardez ma journée d'hier : je suis allé au Conseil des ministres, j'ai d'abord vu le Président de la République, comme il va de soi. J'ai fait ma déclaration de candidature et l'après-midi, j'ai présidé un comité sur les questions européennes comme je le fais chaque semaine puisque la France assure la présidence de l'Europe pendant ces six mois. Pour répondre tout à fait clairement à votre question, j'ai bien l'intention de gouverner jusqu'au bout et d'accorder une priorité à ma tâche de chef du gouvernement. La France ne va pas s'arrêter quatre mois parce qu'il y a une campagne présidentielle qui s'amorce. La France a des besoins. Elle a des ambitions et elle a des problèmes qu'il faut résoudre quand on a l'honneur d'être à la tête du gouvernement. Ça sera pour moi la priorité. Je ne peux pas mieux répondre.

C. Nay : Comment allez-vous dissocier ces deux actions ? Le Premier ministre qui continue de gouverner, qui part en province, qui fait des discours de candidat avec les moyens de l'État.

E. Balladur : Excellente question. D'abord, je suis candidat depuis hier midi.

C. Nay : Vous êtes sûr ?

E. Balladur : Je suis sûr. Depuis hier midi. En second lieu, c'est une affaire de scrupules personnels. Je me permets de rappeler en passant aux donneurs de leçons que j'ai considérablement abaissé les dépenses de l'hôtel Matignon, que j'ai abaissé de 30 % le plafond des dépenses électorales et réduit de près de 50 % les frais de transport du GLAM qui sont les avions mis à la disposition des membres du gouvernement. Donc, en matière de scrupules dans l'usage des deniers publics, je ne crois pas mériter de reproches. Pour le reste, faites confiance, chère C. Nay, si je peux me permettre de vous le demander, faites confiance à mes scrupules. Je ne vais pas mélanger les genres et je vais faire en sorte que les deux choses soient bien séparées en accordant, je le répète, la priorité à ce qui est ma mission essentielle, gouverner notre pays. Je prends un exemple : hier, j'ai demandé à F. Mitterrand, qui a bien voulu l'accepter, de décharger N. Sarkozy, qui est le porte-parole du gouvernement, de sa fonction puisqu'il sera mon porte-parole en tant que candidat. Ceci pour être bien sûr qu'il n'y aura pas d'ambiguïté. Voilà.

F.-O. Giesbert : Pouvez-vous nous parler de l'organisation de la campagne autour de vous ?

E. Balladur : Je n'ai pas des choses extrêmement précises à en dire. Cette campagne se déroulera dans un local qui a été loué à cet effet, donc pas du tout dans les locaux de l'État. J'observe d'ailleurs que je ne suis pas le premier à vivre cette situation. Je me permets quand même de le rappeler. Les locaux sont bien entendus indépendants des locaux publics.

F.-O. Giesbert : Et les animateurs politiques ?

E. Balladur : Ce sera un groupe représentant l'ensemble des forces politiques qui me soutiennent qui assurera cette animation générale. Le directeur de la campagne sera N. Bazire qui est actuellement le directeur de mon cabinet et qui sera déchargé de cette fonction ce qui marquera bien que, dans mon esprit, les deux choses sont distinctes. Il sera déchargé de sa fonction de directeur de cabinet dans les jours qui viennent.

F.-O. Giesbert : Quels sont, d'après vous, aujourd'hui, les obstacles les plus importants sur votre chemin vers l'Élysée ?

E. Balladur : D'abord, je ne suis pas du tout sûr de partir favori. Ce sont des choses qui se jugent le jour de l'élection et rien n'est jamais acquis. Je compte faire une campagne active, la plus proche possible de nos concitoyens, la plus éloignée possible des « tonitruements » – si je puis dire – et la plus modeste possible. J'ai abaissé le plafond des dépenses électorales de 30 % et je lancerai une souscription pour soutenir cette campagne et lui apporter les moyens dont elle a besoin à côté de ceux que l'État apporte.

S. Denis : Votre affrontement avec J. Chirac était-il inéluctable ? Est-il irréversible et y aura-t-il des conséquences importantes après l'élection de tel ou tel ?

E. Balladur : La majorité était considérable en 1993 et elle l'est toujours. Elle a constamment soutenu mon gouvernement dans ses votes et je l'en remercie. Je n'ai nulle intention, ne nous cachons pas derrière des précautions de langage, de procéder, si je devais être élu, à une dissolution de l'Assemblée nationale. Je n'en vois ni la nécessité, ni l'obligation, ni la justification.

A. Duhamel : Même si ça se passe mal, par hypothèse, avec certains de vos partenaires de la majorité ?

E. Balladur : Je suis convaincu que ça ne se passera pas mal et que ça se passera bien. En tout cas, je ferai tout ce qu'il faut pour cela en ce qui me concerne. J'ai dit hier, qu'en ce qui me concerne, je ne me laisserai aller à aucune polémique inutile. D'ailleurs, je ne suis pas sûr qu'il y ait des polémiques utiles. C'est ce que je ferai. Dans ces conditions, si chacun en fait autant, il ne sera pas difficile à la majorité de se retrouver après, disons une épreuve.

C. Nay : Est-ce que votre candidature entrave la carrière de J. Chirac ?

E. Balladur : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question, vous la lui poserez.

F.-O. Giesbert : Qu'allez-vous faire au lendemain de votre élection ? Qui allez-vous nommer à Matignon ?

E. Balladur : C'est vraiment tout à fait prématuré. Je m'interdis même d'y penser.

F.-O. Giesbert : Ce ne sera pas C. Pasqua ?

E. Balladur : Je m'interdis même d'y penser. D'abord, je le répète que le peuple français est à plus de trois mois de la décision qu'il doit prendre ; Nul ne peut prévoir la décision qu'il prendra et il convient de respecter sa puissance souveraine. C'est le peuple français le souverain et c'est lui qui décide.

F.-O. Giesbert : Mais sur qui allez-vous surtout vous appuyer après l'élection présidentielle ?

E. Balladur : Je m'appuierai d'abord pendant la campagne électorale sur tous ceux qui voudront bien me soutenir. Mais je considère que je suis libre par rapport aux partis et que c'est l'esprit de la Ve République. Ce n'est pas aux partis à désigner des candidats, ça n'est pas aux partis à faire la loi à ces candidats en fonction de leurs équilibres internes. C'est un choix que je récuse complètement au nom de ma fidélité aux institutions que nous a léguées le général de Gaulle.

C. Nay : Quel sera le slogan de votre campagne ?

E. Balladur : Je crois l'avoir dit hier : croire en la France. Il faut être plus optimiste que l'on est actuellement. La France peut faire mieux, les Français peuvent faire mieux. Il faut les y appeler et leur en donner les moyens.

C. Nay : Avez-vous un conseiller en communication ?

E. Balladur : Je n'en ai pas eu pendant deux ans, mais on m'a convaincu qu'il fallait maintenant.

S. Denis : Qui est-ce ?

E. Balladur : Vous le saurez dans quelques jours.

S. Denis : Vous parlez du peuple français ; le connaissez-vous bien ? Vos adversaires disent que vous êtes le candidat des beaux quartiers ?

E. Balladur : Oui, je le sais. Vous avez fait une ample moisson de toutes les critiques dont je suis l'objet ; ça a permis d'alimenter notre discussion. Oui, je le crois et j'en suis même sûr. Qu'on ne se fasse aucun souci là-dessus.

F.-O. Giesbert : Certains candidats, certains de droite – je pense à J. Chirac – disent que la France est au bord de l'éclatement social : êtes-vous d'accord avec cette analyse ?

E. Balladur : La France vit depuis vingt ans une période de crise qui a engendré tous les maux que vous voyez, le chômage, l'insécurité, l'immigration mal contrôlée, le malaise de la jeunesse, beaucoup de choses. Il faut que nous en sortions par l'espoir et par le courage. Si nous retrouvons la croissance, ce qui est en passe d'être fait, si le chômage commence à diminuer, si la réforme de l'école que nous avons faite entre en application, je suis persuadé que nombre des problèmes que nous connaissons aujourd'hui peuvent être réglés. La France est dans une situation difficile, c'est très loin d'être une situation sans issue. Il y a des solutions, nous avons commencé à les appliquer. Il faut amplifier et il faut continuer.