Article de M. Jean-François Hory, président de Radical, député européen, dans "Profession politique" du 16 décembre 1994, sur la défense et la sécurité dans le cadre de l'intégration européenne et la réforme du service national, intitulé "Le nouveau concept de défense de Radical".

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Média : Profession politique

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Un double constat s'impose.

Tout d'abord, la défense est devenue une variable subordonnée à un système plus global de sécurité, essentiellement fondé sur des facteurs politiques, diplomatiques et économiques.

Force est de constater, depuis la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, que la multiplication de conflits régionaux et meurtriers a conduit la France, comme la communauté internationale, à intervenir soit dans le cadre de missions de paix, de maintien de l'ordre ou d'interposition, soit dans le cadre de l'action humanitaire en portant secours aux populations victimes de conflits conventionnels.

On est loin du concept de défense nationale tel qui a été redéfini après-guerre puis mis en œuvre pendant plus de quarante ans. Qu'il s'agisse d'un droit ou d'un devoir d'ingérence, d'une action isolée ou collective de solidarité, ou d'une convergence d'intérêts économiques internationaux, la mise en œuvre de nos armées obéit à des considérations d'une toute autre nature.

Le deuxième constat est peut-être plus cruel pour notre orgueil national mais il est tout aussi lucide quant à la réalité de notre marge de manœuvre.

Le concept de défense nationale est aujourd'hui totalement dépassé d'abord parce qu'il repose sur une approche égoïste et étriquée d'une problématique que nous ne sommes plus seuls à maîtriser, ensuite parce qu'il ne répond pas à une volonté politique d'approfondissement de l'Union Européenne.

Il convient dès lors d'abandonner le vieux concept de défense nationale au profit de celui de sécurité européenne qui me paraît correspondre davantage à la réalité et à l'attente de nos concitoyens.

C'est dire l'importance et la nécessité d'une réforme totale, ambitieuse et novatrice de notre politique dite de défense, mais aussi de ses moyens mis en œuvre, c'est-à-dire de nos armées.

Radical, depuis plusieurs années déjà, propose de nombreuses mesures sur la réactualisation du concept de dissuasion nucléaire, les programmes d'armement, la coopération militaire dans la zone méditerranéenne, la démilitarisation de l'espace, l'interdiction des armes chimiques et bactériologiques, la suppression des établissements scolaires relevant des armées, ou la nécessaire réforme du statut des militaires qui en fait actuellement des « sous-citoyens ».

Cependant, je vois se dessiner deux priorités si l'on veut en finir avec les vieilles lunes de notre système de défense : il faut imposer au niveau européen une défense commune, il faut aussi réformer chez nous le service national.

L'effort d'intégration européenne

La volonté politique de structurer à terme une défense commune nécessite un effort progressif d'intégration militaire qui passe inévitablement par une révision du format et des missions classiques de nos armées.

Il s'agit tout simplement d'adapter nos armées au monde d'aujourd'hui et de demain. Une réflexion doit être engagée sur l'armée de Terre, ses effectifs et ses matériels, et dont les missions ne correspondent plus uniquement à l'éventualité d'un engagement sur notre sol.

Les nouvelles missions assignées à nos armées, dans le cadre de l'Union Européenne ou dans celui de l'ONU, qu'il s'agisse d'actions d'interposition ou d'actions à caractère humanitaire, exigent un effort particulier en matière de transport, de transmissions, de logistique et d'équipement médical. Le jour où l'on aura compris qu'une force d'Action Rapide Européenne et un Corps européen spécialisé dans l'action humanitaire seront plus utiles qu'un régiment de chars dans l'Est de la France, l'idée d'une réforme de fond de nos armées aura considérablement avancé.

Mars l'effort d'intégration européenne nécessite aussi une volonté politique partagée par les autres membres de l'Union. Ainsi n'est-il pas interdit de rêver à l'activation de l'Agence Européenne d'Armement, au lancement de programmes européens d'armement empreints d'une symbolique forte, au renforcement et à la démultiplication de l'Eurocorps, à la création d'une école européenne de formation des cadres des armées en vue d'un commandement militaire intégré, à la création d'un corps médical militaire européen, et pourquoi pas, à une fusion un jour des forces aériennes et maritimes de la France et de la Grande-Bretagne !

La réforme du service national

Le service national ne doit plus être considéré comme un service seulement militaire. Aujourd'hui, les mesurettes de Monsieur Léotard sur l'extension des formes civiles du service national cachent mal la nécessité d'une vaste réforme.

Le service national doit devenir un service civique véritablement obligatoire, le service militaire n'étant qu'une option possible par volontariat.

Ce service civique concernerait les jeunes hommes et les jeunes femmes pendant quelques mois (8 à 10 mois maximum), et serait effectué, si possible en proximité, en milieu urbain, on milieu scolaire, mais aussi en milieu rural pour la protection de l'environnement et pour la rénovation de sites patrimoniaux.

En revanche ceux qui opteraient pour un service milliaire auraient la possibilité comme aujourd'hui, s'ils le souhaitent, d'effectuer un service plus long qui alternerait périodes classiques de service et formation professionnelle afin de devenir une voie normale de recrutement au sein des armées.

Les hommes politiques débattent des mérites respectifs de la conscription et de l'armée de métier. Tous les arguments sont respectables mais je crois qu'il s'agit d'un débat très important dont il ne faut pas écarter la Nation.

L'élection présidentielle et le prochain quinquennat que les radicaux appellent de leurs vœux, seront l'occasion d'un vrai débat avec nos concitoyens qui ont légitimement le droit de s'interroger sur la façon dont ils souhaitent que la France et l'Europe se défendent, et défendent dans le monde les valeurs de la République et de la démocratie.