Texte intégral
Le Monde : Comment avez-vous procédé pour réunir les cinq cents signatures indispensables à votre candidature, alors qu’Antoine Waechter, par exemple, n’y est pas parvenu ?
Jacques Cheminade : Dès septembre, nous nous sommes adressés aux maires ruraux en leur envoyant une pré-profession de foi, où je dénonçais le cancer financier qui détruit l’économie mondiale et où j’essayais de démontrer ses effets, en France, sur la vie régionale et locale. Les maires l’ont lue et se sont dit qu’il y avait peut-être un rapport entre la désertification et ce qui se passe dans le monde. J’expliquais qu’il fallait combattre cette logique par une politique où l’État prend le contrôle de la monnaie et du crédit, pour lancer un nouveau plan Marshall vis-à-vis des pays de l’Est et des pays du Sud. Beaucoup ont été intéressés par cette approche. Peu à peu, j’ai vu affluer les signatures. J’ai accru mon effort à la base et je suis finalement parvenu à 556 engagements. J’ai toujours pensé qu’en période de crise, ce n’était pas la notoriété parisienne qui pouvait faire changer les choses.
Le Monde : Vous situez-vous à gauche ou à droite ?
Jacques Cheminade : La gauche comme la droite ont fait une politique monétariste que je rejette. Personnellement, je pense que les mots de droite et de gauche n’ont pas de sens à cause de la droite et de la gauche. Il faut conduire une autre politique. Il faut réaliser un « front républicain » en dehors des extrémistes qui ressassent leurs obsessions et leurs monstruosités, mais on ne peut pas faire ce front quand on a des sympathies envers l’Angleterre et Louis-Napoléon Bonaparte. « L’entente cordiale » avec les milieux financiers britanniques est aux antipodes du front républicain. Cette « entente cordiale » a dicté la politique qui a été suivie par le Gouvernement Balladur, notamment en Bosnie, où nous avons eu une politique injustifiable.
Sur l’échiquier politique, il faut un front qui rassemble la tradition du socialisme humaniste représenté par Jaurès, la tradition de rupture de de Gaulle et la tradition du christianisme social. Ces traditions ont un point commun : l’idée qu’une politique volontariste est possible pour développer l’homme au lieu d’entretenir la bulle financière.
Le Monde : Qui sont les extrémistes ?
Jacques Cheminade : D’un côté, ceux qui défendent les idéologies du sang, du sol et de la race, c’est-à-dire Jean-Marie Le Pen et, de l’autre côté, ceux qui croient encore que l’Union soviétique était un État ouvrier, c’est-à-dire Lutte ouvrière.
Le Monde : Quelles ambitions, avez-vous en ce début de campagne officielle ?
Jacques Cheminade : Mettre mes idées sur la table et être connu pour mes idées. Après le brouhaha fait sur ma candidature, les gens vont pouvoir juger.
« Sur l’échiquier politique, il faut un front qui rassemble la tradition du socialisme humaniste représentée par Jaurès, la tradition de rupture de de Gaulle et la tradition du christianisme social »
Le Monde : Est-il possible d’être aux prises avec la justice tout en étant candidat à l’élection présidentielle ?
Jacques Cheminade : Cette question est légitime. J’ai réfléchi et j’ai pensé, que lorsqu’on a sa conscience limpide, on doit laisser la justice procéder et ne pas intervenir. Par ailleurs, lorsque j’ai vu que Delors ne se présentait pas, j’ai pensé qu’il fallait faire entendre une voix autour des idées que je défends pour les grands travaux, le plan Marshall pour l’Est et le Sud. J’ai pensé qu’il fallait être quand même candidat. Si Delors l’avait été, ma réflexion aurait été plus profonde.
Le Monde : Que ferez-vous pour le second tour ?
Jacques Cheminade : J’ai déjà dit sur France 2 que si Lionel Jospin met un tigre dans le moteur de son cabriolet…
Le Monde : Quelles sont les idées défendues par votre mouvement ?
Jacques Cheminade : Le Parti ouvrier européen a eu des difficultés financières et est tombé en faillite. Notre mouvement s’appelle maintenant Nouvelle Solidarité. La solidarité est la forme collective de la charité individuelle. Il veut introduire une certaine conception de la transcendance dans la politique, sans grands mots.