Texte intégral
Le Figaro - 28 octobre 1998
Le Figaro. - Quelle appréciation portez-vous sur le dernier discours de Philippe Séguin sur l’Europe ?
Hervé de CHARETTE. - Je préfère prendre les choses différemment. L'UDF se fixe pour objectif la constitution d'une liste commune de l'opposition aux prochaines élections européennes. C'est liste doit être le premier signe du renouveau de l'opposition. Et cette liste d'union gagnera la bataille contre le Parti socialiste. Mais il faut être sérieux. Pour parvenir à ce résultat, il y a des conditions à remplir. Aujourd'hui, il n'est pas encore établi qu'elles le soient. Nous avons donc devant nous un travail important à accomplir pour y parvenir.
Le Figaro. - Quelles sont ces conditions ?
Hervé de CHARETTE. - D'abord, nous devons accepter de siéger tous ensemble au PPE, c'est-à-dire au sein du groupe ,qui assure la représentation des partis modérés et du centre au Parlement européen. En 1994, tout le monde avait pris cet engagement. Mais il n'en a rien été. Les députés européens de l'opposition sont aujourd'hui répartis dans trois groupes, ce qui réduit à presque rien notre poids politique à Strasbourg. C'est comme cela que nous avons échoué à obtenir la présidence du Parlement européen.
Le Figaro - Plutôt que d'adhérer au PPE, Philippe Séguin suggère de rassembler tous les députés de droite et du centre dans un nouveau groupe...
Hervé de CHARETTE. - Je ne suis opposé à rien. ParIons-en. Mais il faut prendre conscience de la réalité. La vie parlementaire européenne ne se discute pas à Paris.
Le Figaro. - Quelles sont vos autres conditions ?
Hervé de CHARETTE. - Les candidats de l'opposition devront prendre l'engagement de siéger pendant toute la durée de leur mandat de député européen à Strasbourg. Il n'y a qu'en France, avec la pratique du cumul des mandats, que l'on passe d'une assemblée à l'autre, selon les opportunités. Ces apparitions éclair donnent une image négative de la France.
Le Figaro - Pour en revenir au discours de Philippe Séguin. Quelle appréciation portez-vous ?
Hervé de CHARETTE. - Nous avons bien compris que Philippe Séguin avait évolué par rapport à ses positions d'il y a six ans, et nous nous en réjouissons. Mais il faut encore que le RPR clarifie sa pensée. Car entre les déclarations très européennes des uns, et les réactions ultra nationales des autres, on a du mal à saisir la position officielle de ce parti. Il faut cesser de se prendre les pieds dans le tapis de la souveraineté nationale. L'Europe ne nous fait pas perdre notre souveraineté, elle nous rend notre souveraineté perdue. L'euro l'a bien montré. L'Europe est un formidable amplificateur de puissance. Voilà l'état d'esprit qui doit dominer. La liste unique de l'opposition ne doit pas être inspirée par les eurosceptiques, les archaïques, ceux qui vont vers l'Europe en traînant des pieds, la corde au cou, mais par les euro-optimistes. ceux qui considèrent l'Europe comme un progrès.
Le Figaro - La révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité d'Amsterdam doit-elle permettre, selon le vœu du RPR, de codifier les transferts de souveraineté ?
Hervé de CHARETTE. - Si le RPR a des idées dans ce domaine. qu'il les avance. Mais l'Europe ne m'apparaît pas soulever un principe fondamental de la souveraineté nationale. C'est plus une réticence politique qu'un obstacle juridique.
Le Figaro - Pourquoi réviser ta Constitution sinon pour régler un problème de souveraineté nationale ?
Hervé de CHARETTE. Je sais que les juristes adorent couper les cheveux en quatre. Mais il ne faudrait pas que le droit serve de paravent à des manœuvres qui visent, en fait, à freiner la démarche européenne. Quand la France a ratifié puis appliqué le traité de Rome, je ne me rappelle pas que le général de Gaulle ait soulevé des problèmes constitutionnels.
Le Figaro - Philippe Séguin, tête d'une liste unique de l'opposition, est-ce, pour l'UDF, concevable ?
Hervé de CHARETTE. - C'est un peu tôt pour en juger. Je n'ai aucun a prion hostile. Mais à l'UDF, de nombreuses personnalités, et non des moindres, jugent difficile que cette liste puisse être conduite par quelqu'un qui a appelé à voter « non » à Maastricht. En 1984, 1989, 1994, la liste d'union a été conduite par une personnalité issue de l'UDF. Il y a une raison à cela : l'union ne peut se faire qu'autour du mieux disant européen. Si Philippe Séguin est candidat, il lui appartient de nous convaincre de sa détermination en la matière. Sinon, l'UDF devrait envisager de faire sa propre liste.
RTL - mercredi 28 octobre 1998
O. Mazerolle
L'UDF commence son débat sur l'Europe. A votre tour, vous mettez l'accent sur la croissance et la lutte pour l'emploi ?
Hervé de CHARETTE
« L'UDF comme vous le savez, c'est en France le parti de l'Europe. C'est-à-dire le seul parti de la vie politique française qui depuis son origine, il y a maintenant 20 ans, a toujours mis Je combat pour l'Europe au premier rang de ses priorités. Je dis le seul parce que dans l'opposition c'est clair. Dans la majorité actuelle aussi. Regardez le PS, vous voyez que, certes M. Mitterrand a été en son temps un Européen convaincu, je ne l'exclue pas, mais que M. Jospin par exemple pendant la campagne de 1997 et encore depuis lors, a toujours marqué vis-à-vis de l'Europe une certaine réserve. Au fond, il y a trois catégories de réaction. Il . y a les eurosceptiques, ceux qui n'aiment pas l'Europe. Il y a les Européens de raison, ceux qui disent: bon, il faut la faire mais vraiment ce n'est pas tellement drôle. Jospin est dans cette catégorie. »
O. Mazerolle
Vous mettez M Chirac dans quelle catégorie ?
Hervé de CHARETTE
« Aujourd'hui, en tout cas, dans les Européens de conviction dont je fais partie. Et je pense qu'aujourd'hui, c'est lui le chef des Européens de conviction. C'est-à-dire qu'il croit vraiment que l'Europe est un enjeu essentiel pour le XXIe siècle français. »
O. Mazerolle
Vous mettez l'accent sur la lutte pour l'emploi mais jusqu'à une époque récente, l'UDF comme les autres mettait l'accent sur le pacte de stabilité.
Hervé de CHARETTE
« Les deux. Il a fallu lutter contre les déficits et d'ailleurs une des raisons pour lesquelles nous avons connu les difficultés politiques dans la période 1995-1997, parce qu'il y avait des déficits accumulés très lourds et qu'il fallait bien payer la note. Mais en même temps, je me rappelle que dans la période en question, on s'est battu y compris avec nos amis allemands pour les convaincre que la stabilité était importante mais que la croissance et donc le plein-emploi était importants. L'Europe si on la fait ensemble, franchement, ça va de soi que son objectif, c'est le plein emploi. »
O. Mazerolle
Mais tout le monde a noté tout de même qu'il y avait eu un changement de ton à la réunion en Autriche, qu'on ne parlait pas aussi résolument de l'emploi, de la croissance. Qu'est-ce qui a changé, c'est le départ d’H. Kohl ?
Hervé de CHARETTE
« Il est possible qu'en Allemagne - mais l'Allemagne c'est l'Allemagne et la France c'est la France - il Y ait un changement de ton. C'est-à-dire qu'après une majorité très accrochée à l'indépendance de la Banque centrale allemande - ils avaient bien raison - mais aussi à la rigueur financière avant-tout, il y ait maintenant une équipe qui parle un peu plus de l'emploi. J'observe au passage que pour M. Jospin, cette gauche modérée qui arrive en Allemagne comme la gauche extrêmement modérée de T. Blair en Grande-Bretagne, place M. Jospin dans la gauche la plus dure de toute l'Europe. Et donc, quand nos partenaires parlent de plein emploi et de politique de croissance, ils parlent aussi de dénationalisation, il parle aussi de privatisation, c'est ce que nous arrivons finalement à faire en traînant les pieds. »
O. Mazerolle
Mais vous ne croyez pas que cette différence d'accent tient également au fait que maintenant, il y a une majorité de gouvernements de gauche en Europe ?
Hervé de CHARETTE
« Non, je ne crois pas. Nous nous fixons comme objectif - et dans cette campagne électorale nous allons en parler - le plein-emploi en Europe. Mais comment ? Eh bien, nous allons proposer que l'ensemble des pays européens se batte avec des objectifs précis qui doivent être la baisse des charges qui pèsent sur les emplois de niveau modeste et la réduction de la pression fiscale. Parce qu'on va à nouveau parler dans les temps qui viennent, d'harmonisation fiscale. Nous allons réclamer que ce soit une harmonisation vers le bas. Et vous allez voir que si en effet, il faut harmoniser les impôts français sur les autres impôts européens, il va falloir que nous ayons l'idée de réduire la pression fiscale. De ce point de vue, l'Europe, c'est une bonne nouvelle pour les contribuables français. C'est moins d'impôts. »
O. Mazerolle
Vous demandez aussi que les politiques assument leurs responsabilités dans la taxation des taux de change, c'est-à-dire de l'euro par rapport au dollar. Là il Y a une bagarre qui est en train de s'instaurer entre l'Europe et les Etats-Unis.
Hervé de CHARETTE
« Oui, c'est un véritable enjeu politique dont on va mesurer dans les années qui viennent la force. L'euro, ça marche. D'abord c'est la première bonne nouvelle. L'euro s'installe. Pendant des années, il y a eu les grincheux contre l'euro en France. Il fallait avoir le cœur bien accroché pour venir parler à votre micro des bienfaits futur de l'euro. Pour l'instant, ça marche plutôt bien. Et à partir du 1er janvier 1999, il va y avoir l'euro avec un cours. Or, s'il est vrai que c'est la compétence de la Banque centrale européenne de fixer les taux d'intérêt, - moi je partage le point de vue de ceux qui disent : il serait temps de les baisser un peu - dans le même temps, c'est de la responsabilité de l'autorité politique de fixer le cours du change, du moins d'avoir l'objectif du cours du change. »
O. Mazerolle
Mais là il y a une contradiction. Comment fait-on pour avoir un taux de change du dollar qui ne soit pas trop bas sans amputer l'indépendance de la Banque centrale européenne ?
Hervé de CHARETTE « Allez demander aux Américains comment ils font ? La Banque centrale américaine est indépendante mais évidemment, vous observez que depuis quelques mois, il y a une action coordonnée des autorités politiques et monétaires américaines pour faire baisser le cours du dollar, et c'est ce qui se passe. Et ça se fait à nos dépends. »
O. Mazerolle
Donc, ils se parlent. Mais dans les statuts de la Banque centrale européenne, il est indiqué qu'elle ne doit subir aucune influence.
Hervé de CHARETTE
« Mais est-ce que subir aucune influence signifie qu'ils sont dans un monde éthéré, loin de tout ? Est-ce que c'est interdit de parler ? Est-ce que parler c'est contre l'indépendance de la Banque ? Et est-ce que vous ne croyez pas que l'intérêt des Européens doit être pris en charge par tous ceux qui ont une responsabilité. Voilà pourquoi nous disons que ceux qui ont des responsabilités en Europe les prennent de telle façon que l'affaire de l'euro soit une affaire qui marche. C'est-à-dire non pas un euro faible, ni un euro fort mais un euro à sa juste valeur. »
O. Mazerolle
Mais comment voyez-vous cela ? Le président de la Banque centrale européenne peut recevoir un coup de fil du Président Chirac ou de M Schröder disant ; je vous invite vivement à baisser vos taux d'intérêt parce que sinon je vais me fâcher ?
Hervé de CHARETTE
« Les autorités monétaires européennes comme les autorités politiques sont capables de parler, les moyens de communication ça existe. Et j'ajoute que, vous le savez, c'est M. Giscard d'Estaing qui avait fait une proposition bien précise qui consiste à dire: il faudrait créer un comité parlementaire européen comprenant des représentants des Parlements nationaux et du Parlement européen, que le gouverneur de la Banque centrale rencontrerait régulièrement et qui lui permettrait de prendre le pouls en quelque sorte de ce que pensent, de ce à quoi aspirent les opinions publiques de toute l'Europe. »
O. Mazerolle
C'est intéressez-vous à vos compatriotes, à vos concitoyens ?
Hervé de CHARETTE
« Oui, c'est ça. Les institutions monétaires européennes sont dans la vie économique, humaine, sociale. »
O. Mazerolle
Pour l'opposition se pose la question de la liste unique. Quelles sont vos réticences à l'égard de P. Séguin ?
Hervé de CHARETTE
« Vous voulez bien qu'on reprenne un peu les choses ? Nous ouvrons notre débat ; l'UDF affirme son identité européenne et ouvre le débat. Ce débat va durer jusqu'à la fin du mois de janvier où nous allons réunir une convention. Dans cette période, nous allons débattre du fond et de la question : liste unique ou bien liste séparée. Si en tout cas on fait une liste unique - moi je trouve ça très bien - mais je voudrais évoquer les trois points qui sont essentiels. D'abord, il faut décider que l'on va siéger au Parlement européen. Nous voulons une liste conduite et animée par des gens qui seront demain des députés européens. Nous avons une fâcheuse manie en France : on va d'une assemblée à une autre au gré des opportunités ; c'est terminé. Deuxièmement, il faut siéger au groupe parlementaire du PPE. C'est-à-dire le groupe qui rassemble les élus des différents pays qui sont à la fois du centre et du centre droit et qui sont pro-Européens. Et troisièmement, il faut s'entendre sur une ligne d'action commune. Et évidemment, une Nous n'irons pas dans une liste qui ne serait pas de cet avis. Si P. Séguin est candidat, il y aura d'autres candidats. Il y a dans nos rangs des gens qui pensent que quelqu'un qui a voté contre Maastricht ne peut pas, pas aujourd'hui en tout cas, c'est un peu tôt, diriger une liste de pro-Européens. Laissons les choses ouvertes, discutons-en. Mais si P. Séguin veut conduire une liste pro-européenne, il faudra convaincre. »
RMC – jeudi 29 octobre 1998
P. Lapousterle
Je parle d'abord à l'ancien ministre des Affaires étrangères que vous avez été : il y a un Vert, maintenant, à la tête de la diplomatie allemande. Est-ce que c'est un grand changement pour nous ?
Hervé de CHARETTE
« D'abord, il y a un nouveau gouvernement. Un gouvernement à la fois social-démocrate et Vert. C'est un changement très important pour l'Allemagne et, par conséquent, nous devons regarder l'évolution à venir de ce grand pays avec beaucoup d'attention. Pour tout vous dire: il est difficile de se prononcer aujourd'hui. Je serais porté à recommander une attitude britannique "wait and see", attendre et voir. Mais enfin, il y a des changements. La personnalité de M. Fischer, c'est un peu autre chose: cela a l'air d'être un esprit assez original. J'ai écouté ce que M. Védrine et lui ont dit au sortir de leur premier entretien d'une heure : franchement, de part et d'autre, c'était un sommet dans le domaine de la langue de bois. Chacun a dit qu'il avait été ravi de voir l'autre, ils avaient découvert un grand nombre de points communs, qu'ils s'étaient découverts mutuellement Enfin, les banalités, comme on en dit assez souvent en politique étrangère. J'ai eu le sentiment que la dose avait été outrepassée. Enfin, bref, il ne s'était rien passé. Il ne faut pas s'attendre à ce que M. Fischer, personnellement, soit un ministre des Affaires étrangères très différent de la norme, très hors norme. Cela, je ne le crois pas. Par contre, la politique allemande va être différente. Il va y avoir des changements. »
P. Lapousterle
Avec quels risques ?
Hervé de CHARETTE
« Du plus et du moins. Prenons des exemples : je pense, par exemple, qu'en matière nucléaire, il y a des changements importants qui pourront être attendus, dans le nucléaire civil. Ceci aura de grandes conséquences pour nous, parce que nous sommes liés par des accords économiques importants. Je pense qu'en matière de défense, de même que dans l'économie allemande, il y aura d'assez grands changements. Je serais tenté de dire qu'il va y avoir un affaiblissement de l'Allemagne et cet affaiblissement de l'Allemagne va probablement augmenter les tensions dans la société allemande et affaiblir la productivité allemande. Et donc cela va changer un peu le rapport de forces. Si nous ne faisons pas trop de bêtises, cela peut aussi nous être utile. Par contre, il y aura une grande stabilité dans les relations internationales. »
P. Lapousterle
Un mot sur l'Europe : est-ce que l'Europe a changé ? Parce qu'on a dit qu'il y avait eu un nouveau ton en Autriche, que l'Europe rose était née ?
Hervé de CHARETTE
« Ce sommet, sur le bord d'un lac autrichien, s'est bien passé et je suis bien content parce que lorsqu'un sommet se passe bien, c'est tout de même mieux que quand il se passe mal. Mais il faut prendre les choses avec beaucoup de philosophie. D'abord, l'Europe rose, c'est l'Europe divisée. Prenons des exemples simples: M. Jospin, dans cette Europe rose, est isolé, c'est-à-dire qu'il représente l'aile d'extrême gauche dans un système où tout le monde est plutôt centre - comme dirait M. Blair, - social-démocrate - comme diraient les Allemands. Il n'y a que M. Jospin qui a tout une espèce d'idéologie... »
P. Lapousterle
Ce n'est pas M. Chirac qui est isolé, plutôt ?
Hervé de CHARETTE
« Franchement, je ne le crois pas. »
P. Lapousterle
Seul contre 11 socialistes !
Hervé de CHARETTE
« Non, c'est pour l'instant, autour de la table européenne, le Chef d'Etat qui a le plus de bouteille, le plus d'expérience, qui est le plus solide dans ses sabots. Vous savez, j'ai de la pratique, j'ai vu ce que c'était. Celui qui est le plus ancien, qui connait le mieux la façon dont cela marche, a un avantage sur les autres. Et le Président de la République française, parce qu'il est le représentant de la deuxième puissance européenne, puisqu'il a la carrure de Chirac et parce qu'il connaît la musique mieux que les nouveaux qui arrivent, a plus de poids. »
P. Lapousterle
Un mot sur la cohabitation, à ce propos : est-ce que dans les affaires aussi importantes maintenant que les affaires européennes, qui nous concernent pratiquement pour la moitié des décisions de la France, est-ce que la cohabitation n'est pas un inconvénient ?
Hervé de CHARETTE
« Si, la cohabitation, contrairement à tout ce que l'on raconte, cela affaiblit. Quand vous allez dans une conférence internationale et que vous êtes deux et qu'il y en a un qui tire à hue et l'autre à dia, même si on prend les précautions nécessaires, même si on s'harmonise avant, même si on prend toutes les précautions qu'il faut, évidemment, on est plus faibles que si c'est un pacte, un bloc soudé comme nous l'avons été le Président de la République, M. Juppé et moi. Et je voudrais appeler l'attention de ceux qui nous écoutent sur un point qui est dans l'actualité : à ce Sommet européen, on a parlé de l'euro, et tout le monde a dit : ce serait bien qu'on baisse les taux d'intérêt Moi, je reconnais volontiers aux Chefs d'Etat et de Gouvernement de parler... »
P. Lapousterle
De conseiller.
Hervé de CHARETTE
« Oui, c'est leur droit comme vous et moi pouvons le faire. Et les Chefs d'Etat et de Gouvernement ont des raisons de dire à la Banque centrale : vous êtes indépendante, mais cela ne nous empêche pas de regarder les problèmes que nous vous soumettons lorsqu'ils sont importants. Mais je veux rappeler, ici, que si la Banque centrale est bien compétente en matière de taux d'intérêt, c'est-à-dire que son métier est de lutter contre l'inflation à l'intérieur des Quinze, c'est par contre de la compétence des autorités politiques européennes de se préoccuper du cours des changes, de la monnaie, c'est-à-dire des relations de l'euro avec l'extérieur. Or, il y a, dans la perspective du 1er janvier 1999, création et installation de l'euro, un point très important. »
P. Lapousterle
Vous voulez dire avec le dollar ?
Hervé de CHARETTE
« Quel va être le cours de l'euro par rapport au dollar, évidemment, au moment du lancement ? Et ce moment est symbolique, donc il aura la valeur d'un point de repère. Et il faudrait être aveugle pour ne pas voir que le dollar baisse depuis trois mois régulièrement. Il faudrait être probablement un peu naïf pour penser que les autorités politiques américaines et les autorités monétaires américaines ne s'entendent pas pour avoir une certaine ligne d'action qui est probablement de réduire la valeur du dollar pour augmenter les chances de la productivité, de l'efficacité de l'économie américaine. Eh bien, moi je demande que les autorités politiques européennes prennent les dispositions pour que le cours eurodollar reste entre 6 francs et 6 francs 50 et pas là où il se trouve, pour l'instant, à 5,53 »
P. Lapousterle
Le PPDF, votre formation appartient à l'UDF, et hier vous êtes monté à la tribune pour parler de l'Europe sur un ton beaucoup plus européen, je dirais, que ce que l'on a entendu jusqu'à présent : est-ce que cela voulait dire « gare à l'UDF » ?
Hervé de CHARETTE
« Oui, cela veut dire des choses très claires. »
P. Lapousterle
Vous n'êtes pas content de ce qui s'est dit jusqu'à présent ?
Hervé de CHARETTE
« Non, ce n'est pas que je ne suis pas content ; nous trouvons, à l'UDF, extrêmement bien que chacun ait son opinion. On a vu, d'ailleurs, au RPR des évolutions en faveur de l'Europe qui, venant d'un certain nombre d'horizons - par exemple de M. Séguin - sont des signes très positifs. Simplement, l'UDF, seul parti de l'Europe dans la vie politique française, c'est-à-dire le parti qui, depuis toujours, et sans jamais faiblir, a bataillé pour l'Europe. Aujourd'hui, on est plutôt euro parce qu'on voit que cette bataille est positive pour nous et positive pour nos concitoyens. Ceci dit, nous pensons à la liste aux européennes et nous nous disons que nous ne sommes pas contre faire une liste de toute l'opposition. »
P. Lapousterle
Commune, de l’Alliance ?
Hervé de CHARETTE
« Mais à condition que ce soit sur une ligne très européenne parce que dans cette affaire, cela ne peut pas être le moins disant qui conduit les opérations, mais forcément le mieux disant. »
P. Lapousterle
Ce que vous avez entendu du RPR vous convient jusqu'à présent ?
Hervé de CHARETTE
« Ce que j'ai entendu de M. Séguin constitue, en effet, une évolution importante. Mais il faut que vous sachiez deux choses : tout d'abord nous sommes désireux que le RPR mette les choses au clair, parce que ce que les uns disent et ce que les autres disent ne colle pas tout à fait. On entend les uns, qui sont pro-européens, et on entend les autres, qui sont franchement anti-européens, et on voudrait bien savoir où est leur affaire dans tout cela. Et deuxièmement., M. Séguin est quelqu'un de tout à fait éminent et respectable. Simplement, dans nos rangs, beaucoup de gens disent qu'il est très difficile, pour ne pas dire impossible, qu'une liste à laquelle nous souscriptions soit conduite par quelqu'un qui a bataillé contre Maastricht au premier rang de la bataille. Voilà, ce sont les sujets que nous mettons sur la table. Nous sommes des gens de bonne volonté, nous voulons travailler, réfléchir. Nous n'avons que des bonnes intentions. »
P. Lapousterle
Ce n'est pas une condition que M. Séguin ne soit pas tête de liste, alors ?
Hervé de CHARETTE
« Nous mettons ces sujets sur la table pour que l'on discute et qu'on voit quelle est la meilleure solution. Après tout, si jamais nous n'avons pas des lumières assez claires, rien ne nous empêche de faire deux listes. Et ce ne serait pas un mal. »