Interview de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères et délégué général des Clubs Perspectives et Réalités, à Europe 1 le 13 juin 1995, sur le résultat des élections municipales, la rencontre de MM. Chirac et Clinton, le sommet des pays industrialisés et la volonté d'obtenir la libération des otages de la FORPRONU en Bosnie.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

F.-O. Giesbert : Vous êtes l'un des maires qui a réussi le meilleur score en France, dans le Maine-et-Loire : comment s'y prend-on pour faire 90 % ?

H. de Charrette : Je ne sais pas, pour tout vous dire. Simplement, je suis très passionné par ce que je fais à Saint-Florent-le-Vieil. C'est une petite ville absolument charmante et pour laquelle nous avons un projet de développement, de mise en valeur touristique. Tout cela, ça nous passionne et je crois que ça rencontre les aspirations des habitants.

F.-O. Giesbert : N'êtes-vous pas déçu par des résultats des élections municipales ? La gauche a finalement mieux résisté que prévu.

H. de Charrette : Non, je ne crois pas qu'on puisse dire ça. Ce qui m'a frappé le plus, dans cette campagne électorale, d'une manière générale, c'était que cette élection était mal placée, après une élection présidentielle dans laquelle les Françaises et les Français avaient été abreuvés de discussions auxquelles ils ont participé. Après cela, il y a une sorte de break-down. Je crois que les Français ne sont pas repartis en campagne électorale. De ce point de vue, j'ai toujours pensé que la décision de mettre les élections municipales au lendemain de la présidentielle était une mauvaise idée. C'est confirmé.

F.-O. Giesbert : Le PS a décidé de se retirer dans certaines villes pour faire battre l'extrême-droite : êtes-vous favorable à un front républicain contre le parti de J.-M. Le Pen ?

H. de Charrette : Les choses sont assez simples. Il y a la majorité, l'opposition et l'extrême-droite. Chacun chez lui, chacun fait ce qu'il veut. On cherche toujours à nous mettre dans des situations difficiles en nous disant alliez-vous avec les uns ou les autres. Nous avons un chemin qui est le chemin de la majorité dont nous ne nous éloignons pas : les autres font ce qu'ils veulent.

F.-O. Giesbert : N'avez-vous pas le sentiment que I'UDF a été un peu malmenée ?

F.-O. Giesbert : Non, on ne peut pas dire cela. On ne pourra pas tirer de leçon générale de ce genre. Cette élection a été très locale, assez peu politique, dans laquelle le débat s'est passé sans grande passion des électeurs : vous ne pouvez donc pas en tirer des conséquences nationales facilement. Si vous le faites, après tout, l'UDF est bien placée à Marseille, à Lyon, qui sont les deux premières villes de France après Paris. Rien n'est jamais joué dans une élection tant que les électeurs n'ont pas mis leur bulletin dans l'urne : il faut respecter le droit de vote. Mais je dis cela pour dire que finalement, vous verrez au lendemain du deuxième tour, qu'on jugera que l'UDF s'en sort pas si mal que ça.

F.-O. Giesbert : On dit que vous avez l'intention de transformer vos Clubs Perspectives et Réalités en mouvement politique.

H. de Charrette : Absolument. Perspectives et Réalités, c'était jusqu'à présent des lieux de pensée et de réflexion. Progressivement nous sommes rentrés dans l'action politique. Nous l'avons fait de manière forte et visible à l'occasion de l'élection présidentielle où nous avons fait des choix qui ont marqué…

F.-O. Giesbert : Le bon choix.

H. de Charrette : On ne s'est pas trompé, ça c'est vrai. On a surtout analysé les choses. Nous avons inlassablement plaidé pour qu'il y ait une candidature de l'UDF. Donc, mon intention et celle de toute l'équipe que j'anime, c'est désormais de nous transformer non pas en parti – nous allons garder notre façon particulière et originale de faire de la politique –, mais en même temps nous allons désormais avoir pour objectif de rassembler toutes celles et tous ceux qui veulent plus d'UDF, qui en ont marre de voir l'UDF éclatée entre des chapelles concurrentes les unes des autres et de voir que quand il y a un grand événement, elle n'est pas capable de se rassembler. Nous allons nous battre pour cela : ce sera l'esprit, le sens, l'objectif du rassemblement qui s'appellera le Mouvement Perspectives et Réalités.

F.-O. Giesbert : Qu'attendez-vous de votre voyage aux États-Unis avec le Président Chirac pour rencontrer B. Clinton ?

H. de Charrette : Je crois que c'est un voyage important pour le président de la République et donc, pour notre pays puisque le nouveau président de la République va rencontrer Clinton en tête-à-tête, aura des entretiens avec le secrétaire général de l'ONU, qu'il connaît très bien. Et il participera de façon très active au sommet des Sept pays développés plus la Russie.

F.-O. Giesbert : À quoi servent ces sommets sinon à dire l'emploi, c'est bien, la guerre ça n'est pas bien ?

H. de Charrette : Il y a un point qui est vrai dans ce que vous venez de dire, c'est que les sommets ont été inventés il y a maintenant une vingtaine d'années à l'initiative de Giscard. L'idée était de rassembler les cinq plus grandes puissances du monde, seulement les chefs d'État, pour faire en tête-à-tête, les yeux dans les yeux, le tour des grands problèmes qui interminablement ne trouvent pas de solution dans les enceintes diplomatiques. Tout cela a un peu dérivé et c'est devenu un peu du showbiz. Il y aura 3 ou 4 000 journalistes, beaucoup de toutes choses qui sont autour de ce seul moment important, celui où les chefs d'État sont ensemble. La France sera présidente du G7 l'année prochaine, il faudrait avoir l'idée de revenir non seulement à des choses plus modestes, mais surtout à ce qui est important, c'est-à-dire de mettre ensemble les quelques dirigeants les plus influents du monde pour qu'ils puissent vraiment traiter, les yeux dans les yeux, des questions essentielles du monde. Quelles sont-elles aujourd'hui ? C'est évidemment celle de la paix ou de la guerre. Il n'y a pas de guerre qui menace mais il y a plein de conflits partout. C'est bien qu'ils en parlent entre eux, notamment de la Yougoslavie. Il y a la question de la monnaie : le dollar baisse inlassablement, nos monnaies sont durement éprouvées par ces événements et notre activité économique et commerciale aussi. La stabilité et le progrès économique du monde, de chacun d'entre nous, ça suppose aussi que le dollar soit stabilisé. Voilà une question qui sera certainement traitée.

F.-O. Giesbert : Comprenez-vous quelque chose à la politique américaine en Bosnie ? Ne consiste-t-elle pas à faire des moulinets, de la musculation, en fuyant le terrain ?

H. de Charrette : Vous pourriez dire cela d'un peu tout le monde si l'on regarde les années passées. Je voudrais ramener les choses à des choses bien précises : la politique française en Bosnie, elle vise trois objectifs précis. Premièrement, obtenir rapidement et sans conditions la libération des otages. Sur ce point, je redis, pour que ce soit bien clair, que nous n'avons pas l'intention de faire de concessions, quelles qu'elles soient, sur cette ligne-là. Nous exigeons la libération rapide et sans délai et sans conditions des otages. Deuxièmement, nous voulons que désormais, la FORPRONU ne soit plus dans une situation où elle peut être attaquée, voire ridiculisée ou humiliée. Donc, nous mettons les moyens militaires le terrain, dans des conditions qui sont discutées à l'ONU, pour que nous puissions assurer notre propre sécurité. Enfin, il faudra naturellement engager un processus diplomatique vigoureux, avec la même vigueur que nous avons déployée pour avoir une sécurité militaire. Il faudra qu'il y ait la relance de la négociation politique. Nous venons de désigner un négociateur potentiel qui est l'ancien Premier ministre suédois. C. Bildt, qui désormais le co-président de la conférence internationale sur l'ancienne Yougoslavie. Il a été désigné par l'Union européenne, ça s'est passé au dîner des chefs d'État il y a dix jours et hier à Washington. C'est un homme remarquable et vous verrez qu'il va prendre ce dossier extrêmement à cœur.