Déclaration de M. Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, sur la réforme de l'organisation patronale, et les grands axes du projet "pour la réussite économique et sociale de la France", le changement de sigle et de statut du CNPF, Strasbourg le 27 octobre 1998.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Convention nationale du CNPF à Strasbourg le 27 octobre 1998, décision de changer l'appellation du CNPF en MEDEF (Mouvement des entreprises de France)

Texte intégral

Nous voici rassemblés, nous les entrepreneurs de France, venus de toutes les régions, représentant tous les métiers et toutes les tailles d'entreprises. Nous avons choisi de réunir dans une capitale régionale au terme de notre tour de France des régions. Nous avons choisi Strasbourg, ville symbole, symbole de patriotisme, et nous sommes patriotes, symbole de l'Europe, et nous sommes Européens. Nous sommes fiers et heureux de donner de Strasbourg le départ à notre organisation rénovée.

 - Un projet non partisan pour la France qui gagne.

Nous sommes un million quatre cent mille hommes et femmes qui nous sommes mis à risques pour créer, maintenir, développer une entreprise, afin de produire avec les 14 millions de salariés avec lesquels nous travaillons, les biens et les services qui constituent la richesse nationale. C'est à nous tous, entrepreneurs et salariés des entreprises de France que je m'adresse aujourd'hui. Et pas, pour une fois, principalement aux pouvoirs publics et à l'État.

Car la réussite économique et sociale de la France, c'est nous tous qui l'accomplissons ensemble, et c'est pour cela que nous devons promouvoir ensemble, en acteurs et en partenaires de la société civile, un projet pour la réussite économique et sociale de notre pays.

La parole que vous avez prise ces dernières semaines lors de nos rencontres régionales ne traduit ni idéologie, ni options partisanes. Je le redis solennellement en notre nom : nous sommes, nous les entrepreneurs, les démocrates et des républicains et nous sommes au service des ambitions politiques de personne, ni parti, ni leader. Notre métier s'exerce dans le cadre des options politiques de personne, ni parti, ni leader. Notre métier s'exerce dans le cadre des options déterminées par les électeurs et nous appliquons les lois de notre pays. Ce qui nous anime profondément, c'est notre volonté de faire entendre puissamment la voix des entrepreneurs à ceux qui dirigent la France, l'administrent et l'informent, quelle que soit leur tendance politique, nous, les entrepreneurs qui nous battons dans la compétition nationale, européenne et mondiale.

En avant l'entreprise !

J'ai promis que nous nous retrouverions après les jours d'épreuves d'octobre 1997, pour rénover notre organisation et présenter notre projet. Cela est indispensable. Nous changeons de monde. Le monde qui s'est reconstruit et consolidé après la guerre, cinquante ans plus tard, s'efface. Quel chemin parcouru par notre société depuis 1945 ! Nationalisation, planification, inflation, dévaluation, protectionnisme, dirigisme, ont disparu de notre vocabulaire. Mondialisation, européanisation, informatisation, exportation, compétition, innovation, les ont remplacés.

Dans le même temps, la société française s'est transformé au fur et à mesure qu'émergeait de nouvelles formes d'organisation du travail, de nouveaux comportements de consommation, de nouveaux modes de vie. Les grandes concentrations ouvrières d'hier s'évanouissent au profit d'une multitude de sociétés de services nouveaux. Toute la structure et l'organisation sociale de notre pays, vieilles de cinquante ans, apparaissent soudain largement inadaptées au moment où nous faisons face au retournement démographique, à la mutation des technologies et à l'arrivée de l'Euro. Nous sommes en pleine transition. Faute d'anticipation, la transition fait peur et se traduit par une demande renforcée de protection. Mais les tabous, les interdits, les statuts, la certitude du droit aux acquis, les lois et réglementations péremptoires ne suffisent pas à exorciser le réel.

C'est à nous les entrepreneurs de rappeler la société française à la réalité et de montrer la voie de l'adaptation qui conduira à la réussite.

En avant l'entreprise !

 - La réforme de notre organisation

Pour cela, nous avons besoin d'une organisation moderne, dynamique, légitime. C'est l'objet de la réforme que nous venons d'adopter. Merci à Jean Gandois d'en avoir pris l'initiative, et au Comité de Réformes des 30 entrepreneurs de l'avoir conçue. Merci à Francis Bazile et au Comité statutaire de l'avoir si bien traduite dans les textes et merci à tous ceux qui ayant compris l'enjeu – je pense en particulier aux fédérations – soutiennent l'évolution. De quoi s'agit-il ? Nous avons quatre objectifs : redéfinir notre mission, renforcer notre légitimité, accroître notre efficacité, intégrer les nouvelles forces économiques.

 - Rénover et préciser notre mission :
Il nous appartient de promouvoir l'esprit d'entreprise. Il nous appartient de faire en sorte que les entreprises bénéficient d'un environnement qui leur offre toutes les chances de réussite, réussite des hommes et des femmes qui les animent et les rassemblent : les entrepreneurs et leurs équipes dirigeantes, les salariés et leur encadrement, les actionnaires – petits et grands, individuels et institutionnels. Ces missions ne peuvent être accomplies avec succès qu'avec la mobilisation de tous : entreprises, union territoriales et fédérations, chacun ayant une responsabilité majeure.

 - Renforcer notre légitimité :
Notre organisation relaiera désormais fortement les messages, les aspirations, les ambitions des entrepreneurs de terrain. Ce sont eux les plus animés de l'esprit d'entreprise, source de la création d'emplois. Notre réseau territorial mis sous tension et irrigué par les adhésions directes des entreprises, jouera désormais un rôle de premier plan dans nos instances.

 - Nous armer pour être efficaces.
Le Conseil Exécutif, élargit à plus de représentants du réseau territorial et d'entrepreneurs, faisant appel le cas échéant à des votes, sera dorénavant pleinement décisionnel. Il arrêtera des choix clairs et son action sera relayée plus nettement par les 600 syndicats professionnels, les 85 fédérations et les 165 unions territoriales que nous représentons.

 - Mieux intégrer les nouvelles forces économiques.
Les nombreuses activités de services, et notamment les services nouveaux qui tiennent désormais une si grande place dans la création de la richesse nationale et des emplois, verront leur influence s'accroître aux côté de l'industrie traditionnellement forte dans nos rangs et dont le rôle reste essentiel pour l'avenir de notre économie.

Pour prendre en compte cette transformation, nous avons décidé de changer notre appellation : « Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) ». Notre nouveau nom traduit la volonté de mouvement exprimé par la base et que reprend notre slogan «  En avant l'entreprise ! » Notre identité allie les couleurs nationales, les couleurs de l'Europe et des visages, symboles des hommes et des femmes unis pour le succès des entreprises : les entrepreneurs et leurs dirigeants, les salariés et leur encadrement et les épargnants parmi lesquels nos actionnaires.
Tout au long de ces derniers mois, nous vous avons consulté pour entendre monter de nos rangs notre projet et nos messages. Voici ce que nous avons entendu : nouveau dynamique, nouveau dialogue, nouveau partage.

 - Un nouveau dynamisme

La France ne réussira à affronter les enjeux du XXIème siècle que si elle est capable d'une croissance durable. Toutes ces dernières années, nous avons accumulé un lourd héritage : progression du chômage à des niveaux record, explosion de la dette publique, développement de la précarité ? Plutôt que de libérer l'entreprise, désignée comme bouc émissaire de ces difficultés, on l'a enserrée sans cesse davantage dans des contraintes étouffantes. Halte là ! Nous voulons pour la croissance et l'emploi des conditions propres à relancer l'investissement, l'innovation, l'exportation, et, c'est essentiel, la formation et l'éducation.

La compétitivité et l'attractivité du site de production France doivent être désormais la préoccupation nationale prioritaire. Chaque fois que les pouvoirs publics envisageront une mesure législative ou réglementaire, ils devront se demander si elle va rendre notre économie nationale plus performante, si elle va inciter les entrepreneurs à développer leurs entreprises, si elle va donner envie aux étrangers de créer sur notre territoire des capacités de production industrielle ou des services ? C'est la seule manière d'assurer l'emploi et la croissance. Comptez sur notre vigilance et notre détermination pour nous opposer sans réserve aux mesures défavorables à l'entreprise, et pour appuyer sans réserve celles qui favorisent leur croissance. Investir, innover, harmoniser, mondialiser, former, voilà nos objectifs...

 - Investir, c'est la priorité pour disposer des équipements modernes et affronter la compétition mondiale. Investir aujourd'hui pour l'emploi de demain, c'est toujours pour l'entreprise une décision de long terme, donc lourde. Elle est découragée par les changements incessants des règles fiscales et sociales et les effets d'annonces déstabilisants. Allégeons, simplifions et stabilisons les règles du jeux. Nous investirons plus.

 - Innover, c'est la condition pour que les entreprises françaises soient actives et présentes sur les marchés de demain. Cela suppose l'essor de l'esprit d'entreprise. Soutenons la création d'entreprises, développons l'essaimage, favorisons le capital-risque, décloisonnons la recherche publique, encourageons les dépôts de brevet, protégeons la propriété intellectuelle, rémunérons comme il convient la prise de risques. Nous innoverons plus.

 - Harmoniser, la monnaie unique est là. Ses conséquences vont être beaucoup plus profondes qu'on ne le croit ? Sachez-le ! L'espace économique et monétaire européen va entraîner la comparaison systématique des salaires, des charges, des coûts, des réglementations sociales.

Sans harmonisation rapide des conditions fiscales et sociales, les entreprises françaises seront désavantagées : nous ne pouvons affronter la concurrence qu'à armes égales. Réduisons la dépense publique et les prélèvements obligatoires. Ils excèdent en France de 400 milliards la moyenne européenne. Et bien sûr, réduisons en conséquence l'impôt sur les revenus, les plus-values, les transmissions. Croyez-vous que nous maintiendrons les talents et les capitaux dans notre pays, si on y décourage la réussite ? Croyez-vous que nous puissions réussir dans la compétition européenne si le secteur public n'assure pas, comme ailleurs en Europe, le fonctionnement régulier et stable des services publics, notamment dans les transports où leurs dérèglements menacent de nombreuses entreprises et leurs emplois ? Nous demandons que notre démocratie fasse dans ce domaine les mêmes progrès que nos voisins. La compétition ouverte avec l'Euro impose de définir en France la règle du jeu pour assurer la continuité des services publics et renforcer en même temps leur efficacité à moindre coût.

 - Mondialiser, c'est à dire tirer parti du mouvement irréversible d'internationalisation des échanges. Pas de répit dans la conquête des marchés, dans la volonté d'exporter, de gagner des parts de marché pas acquisition, fusion et alliance. Nous voyons avec espoir notre jeunesse tourner résolument ses regards vers le monde, aspirer aux aventure internationales. Cela nous enhardira tous. Ce doit être la mission principale de l'ensemble des moyens publics à l'étranger de se consacrer à appuyer les entreprises, quelle que soit leur taille, dans leurs initiatives internationales. Allions les volontés d'entreprises et une ambition nationale.

 - Éduquer et former, pour que les hommes et les femmes de notre pays, et bien sûr d'abord les jeunes, développent leur potentiel de compétences à leur avantage et à celui des entreprises.

Le message des lycéens, nous l'avons aussi entendu. La mobilisation doit être générale pour que le monde de l'éducation et celui de l'entreprise se rapprochent et se comprennent. Nous sommes prêts dans ce domaine à tous les efforts. Nous proposons de travailler à la rénovation des processus éducatifs en favorisant à l'école, au collège, à l'université, le goût d'apprendre en y favorisant mieux les qualifications professionnelles, en y encourageant l'apprentissage et la formation en alternance.

Nous voulons passer de 400 000 nouveaux contrats par an à 500 000. Toutes les entreprises devront gérer mieux les ressources humaines. Il faut que tous les salariés, et notamment les salariés modestes qui n'ont pas toujours assez appris à l'école et souvent beaucoup en entreprise, voient leurs compétences acquises dans leur vie professionnelle, reconnues, valorisées, rémunérées. Pendant longtemps on a cru que le diplôme suffirait pour trouver et garder un emploi à vie.

A la vérité, nous pensons que le vrai paritarisme de demain se sera celui de l'éducation et de la formation. Mobilisons les compétences et l'intelligence. Investir, innover, exporter, former. Voilà les quatre axes que proposent les entrepreneurs pour la France.

En avant l'entreprise !

 - Un nouveau dialogue

a) Un nouveau dialogue social

Le dialogue social, théâtral au niveau national, chuchoté dans les entreprises de terrain, psalmodié dans les organismes paritaire, bousculé, anesthésié ou confisqué par les pouvoirs publics, est à cours de souffle. Nous voulons un renouvellement, un élargissement et un renforcement du dialogue. Nous avons tous à y gagner : les salariés qui ont besoin d'être entendus et les entrepreneurs qui ont besoin d'être compris. Nous proposons pour cela trois principes :

 - La décentralisation
Cela veut dire que le dialogue s'ouvre là où les questions sont à résoudre et les solutions à trouver, c'est à dire principalement dans l'entreprise ? C'est là que les solutions contractuelles tiennent compte de la réalité et répondent aux vraies attentes des partenaires. Ce dialogue est élargi, quand cela est nécessaire, par les entreprises au niveau de leur branche, c'est à dire de leur métier. Cet échelon décentralisé est le plus approprié pour définir les relations sociales propres à chaque métier. Dans le monde qui vient, l'adaptation est la réponse à la compétition et la condition de la réussite : le niveau national interprofessionnel, trop général et trop proche du niveau politique, ne peut selon nous, sauf exception, en fournir utilement les moyens.

Décentralisons le dialogue sur le terrain, cela le renforce, et ne le centralisons pas, cela l'appauvrit.

 - La représentativité
Que ceux qui participent au dialogue soient l'expression réelle de leurs mandats ! Il n'est pas bon qu'en France, les organisations syndicales soient à la fois plus nombreuses que chez nos voisins et réunissent le plus faible pourcentage de salariés, de l'ordre de 5 % dans les secteurs d'activités représentés dans notre organisation. Il appartient aux syndicats de créer, s'ils le souhaitent, nous espérons en donner l'exemple, les conditions de leur renforcement. Nous pensons que s'ils y parviennent, le dialogue gagnera en efficacité. Nous voulons aussi, pour amplifier le dialogue, explorer des voies nouvelles, c'est à dire négocier avec les représentants élus du personnel, là où la présence syndicale est encore trop faible et le mandatement inadapté. Oui à l'innovation sociale !

 - Le respect des négociations et des accords
Le dialogue social doit être respecté. Dans ses procédures, comme dans ses conclusions. Il est insoutenable de contester la validité d'accords légalement et valablement négociés entre partenaires sociaux représentant des centaines de milliers de salariés. Que l'on s'abstienne d'intervenir de manière directe ou indirecte dans le dialogue des partenaires sociaux. Qu'on laisse les négociateurs libres d'assurer la responsabilité de leurs accords. Pour le dialogue social, nous disons : oui au contrat, non au recours systématique à la loi, oui à la convention, non à la réglementation, oui à l'accord, non à l'oukase administratif.

b) Un nouveau dialogue entre la société civile et l'État

La mauvaise gouvernance de l'État, son absence de transparence, sa lourdeur, et sa tendance à vouloir administrer plutôt qu'à gouverner, sont devenus aujourd'hui des obstacles majeurs pour le développement économique et pour l'adaptation de la société française au monde qui s'ouvre. Quel contraste entre les entreprises sans cesse en mouvement, et un État immobile, statufié, pétrifié ! Quelle différence entre un secteur concurrentiel qui a poursuivi ses adaptations, souvent douloureuses, toujours nécessaires, et un secteur public arthritique qui fait supporter à la collectivité ses retards et renoncements ! Toujours annoncé, toujours différée, la réforme de l'État est devenue une priorité absolue.

 - Les entreprises souhaitent trois adaptations.

 - Le recentrage de l'État sur ses missions essentielles et son désengagement complet du secteur concurrentiel, l'allégement de ses coûts donnant la priorité aux équipements publics l'éradication de ses déficits qui reportent sur les générations futures le poids de son impéritie.
Fixons-nous comme objectif de supprimer le déficit budgétaire par la diminution de la dépense publique. Entrons dans le XXIème siècle en consacrant toutes les ressources de la nation à la préparation de l'avenir.

 - Une gestion moderne de l'État.
Que l'on supprime les échelons administratifs qui font double emploi. Responsabilisons les gestionnaires publics, soumettons à des audits approfondis toutes les procédures et structures administratives, procédons à l'évaluation systématique des coûts, en les comparant aux coûts des pays européens, car l'État est bel et bien désormais en concurrence avec les autres États en prix et en qualité.

 - En lieu et place de la relation actuelle où se mêlent tutelle et assujettissement, défiance et suspicion, nous voulons avoir avec l'État une relation normale, de partenariat. Les pouvoirs publics doivent avoir confiance en nous, les entrepreneurs. Parce que nous savons assumer nos responsabilités, nous voulons plus de libertés, moins de contraintes, et moins de prélèvements, souvent assortis d'absurdes systèmes de subventions que nous nous payons à nous-mêmes dans une complexité sans limite.

Après un demi-siècle d'expansion continue du secteur public, de montée des prélèvements obligatoires, de germination incontrôlée des textes réglementaires, d'extension de l'emploi public, il est temps, il est grand temps de donner désormais la priorité à la société civile, de privilégier le secteur productif, de reconnaître le rôle irremplaçable des entreprises dans la création de richesse.

En avant l'entreprise !

 - Un nouveau partage

Les prélèvements et transferts de revenus ont atteint en France un niveau record. Quelle que soit l'ardeur de ceux qui, alliant idéologie et nécessité, s'efforcent de rationner partout les revenus disponibles, chacun sent que la limite est largement dépassée et que partout on se démotive.
Nous proposons que le partage se fixe pour objectif d'agrandir le gâteau des français au lieu de l'émietter.

1. Un nouveau partage des risques et des bénéfices

Tout doit être mis en oeuvre pour que la rentabilité des entreprises soit forte, aussi forte que celle de leurs concurrents étrangers. C'est la condition de leur croissance, de leur indépendance, de leur survie. Pour que cet objectif soit partagé, il nous faut associer davantage les salariés au développement et à la performance des entreprises. Généralisons les accords d'intéressement déjà très largement répandus. Entendons dans l'entreprise l'actionnariat et les stock-options, dont le rôle positif et motivant pour le développement de l'entreprise est parfaitement admis chez nos voisins sous de multiples formes. Instaurons les fonds de pension, dont la France manque cruellement : ils pourraient puissamment contribuer à faire bénéficier les salariés français de la richesse qu'ils contribuent à produire. Quel dommage que ce ne soient pas les salariés français mais les salariés étrangers, devenus les principaux actionnaires, qui bénéficient pour leurs retraites des dividendes et des gains en capital dégagés par les plus grandes de nos entreprises ! Nos collaborateurs souhaitent et c'est légitime, mieux comprendre l'évolution de leurs entreprises. Nous faciliterons l'accès à l'information, pour expliquer l'évolution des entreprises et partager nos ambitions, nos visions.

La transparence sera de plus en plus une exigence.

Nous améliorerons la « gouvernance » de nos entreprises. Nous y sommes prêts. La nomination d'administrateurs représentant le personnel actionnaire de l'entreprise devra notamment accompagner le mouvement vers le partage des risques, des bénéfices et des informations dans l'entreprise.

En bref, l'entreprise doit fonctionner davantage pour, par et avec les salariés.

2. Un nouveau partage entre revenus d'activités et revenus de transferts

Le faible taux d'activité est le problème de la France. Sur soixante millions d'habitants, à peine un français sur trois travaille. Au raccourcissement excessif de la durée du travail sur la vie, s'ajoute le drame individuel et collectif du chômage. Disons-le fortement : nous sommes fondamentalement concernés et désireux de contribuer pleinement au retour eu plein emploi mais les conditions qui nous sont imposés pour employer sont la vraie cause du chômage. En réglementant, encadrant, rigidifiant, alourdissant, compliquant, contrôlant, renchérissant, et sanctionnant, souvent pénalement, les conditions dans lesquelles nous employons, les pouvoirs publics entretiennent le chômage. Et nous devons reconnaître avec franchise que nombre d'entreprises, beaucoup de taille modeste, emploieraient plus si les conditions pour le faire étaient plus libres. Il faut aller vers plus liberté : le progrès social n'est pas dans le perfectionnement à l'infini d'un droit social qui diminue l'emploi. Il est dans la souplesse, la simplification, la diversité et la liberté qui le crée.

Nous avons tous par ailleurs que les revenus de transfert contribuent à inciter certains de bénéficiaires à rester hors du marché du travail. Ceci appelle une initiative précise. Pour réintégrer les exclus de l'emploi dans la société de travail et sortir de la société d'assistance, proposons sans plus tarder, aux chômeurs de longue durée, de garder pendant trois ans tout ou partie de leurs allocations, cependant que les employeurs compléteraient leur rémunération à hauteur du SMIC, dès lors qu'il y aurait création d'un nouvel emploi.

La création de nouveaux emploi suppose, on l'admet maintenant partout, une diminution importante des charges sociales, en particulier celles pesant sur les emplois peu qualifiés. Instaurons sans délai une franchise des charges sociales. Nous proposons qu'elle s'applique sur les premiers 5 000 F de salaire mensuel, ce qui augmentera l'emploi des personnes moins qualifiées, notamment dans les emplois de service où nous sommes en France si déficients par rapport à nos voisins, sans pour autant affecter l'emploi des salariés qualifiés. Ces allégements de charges seraient par la diminution des coûts su système de sécurité sociale – on évoque cent milliards d'économies à réaliser sur le système de santé tout en l'améliorant – et la suppression d'un certain nombre de régimes d'aide à l'emploi jugés aujourd'hui coûteux et inefficaces.

Enfin, pour faciliter immédiatement l'emploi des jeunes, nous proposons que cette mesure s'applique à compter du 1er janvier 1999 pour tous les jeunes de moins de 25 ans désireux d'entrer sur le marché du travail.

3. Un nouveau partage des responsabilités

Le système français de protection sociale est caractérisé par la gestion commune des entrepreneurs et des syndicats : le paritarisme. Dans les faits, l'État y a installé comme chacun le sait son contrôle de tous les instants. Ce système doit être profondément rénové. Nous proposons de redéfinir ce qui doit être de la compétence de l'État, ce qui doit rester celle des partenaires sociaux et ce qui doit être transféré au secteur concurrentiel. Nous entamerons avec les partenaires sociaux une consultation pour établir le nouveau partage des responsabilités dans les différents domaines de la protection sociale et pour étudier de  nouveaux domaines d'action, essentiellement la formation et l'éducation. Je vous le demande : qui a le plus besoin de nos compétences d'entrepreneurs, les médecins et les malades pour gérer l'assurance maladie ou le monde de l'enseignement afin d'aider les universités, les lycées et les enseignants à préparer la jeunesse à l'entreprise ?

Harmoniser vite par rapport à nos voisins les conditions dans lesquelles nos entreprises vont produire, investir, innover, exporter. Renforcer le dialogue décentralisé. Associer plus les salariés à la réussite des entreprises. Aller vite de la société d'assistance à la société de travail.

Redéfinir largement le paritarisme. Mieux admettre le rôle des entrepreneurs au titre de la société civile. C'est comme cela que nous affirmerons notre responsabilité vis à vis de la société et notre légitimité à y intervenir.

Les entreprises ont depuis vingt ans parcourus un grand chemin : elles ont largement regardé ailleurs pour s'inspirer des exemples étrangers et en prendre le meilleur sans souci de spécificité française ou d'une exception nationale. Elles ont changé de mentalité. Elles sont adaptées au monde qui vient. Mais le reste de notre société n'a pas évolué au même rythme. Notre jeunesse s'en rend compte : elle vient d'exprimer avec enthousiasme et gravité son aspiration à être préparée pour participer aux aventures et aux progrès du siècle qui s'ouvre. Nous serons, nous les entrepreneurs à ses côtés pour l'aider à s'adapter et réussir.

Que le nouveau dynamisme, le nouveau dialogue, le nouveau partage conduisent notre pays au succès. Que notre organisation rénové y contribue et qu'elle fasse entendre avec force que nous sommes la France qui produit, la France qui emploie, la France qui investit, la France qui innove, la France qui risque, la France qui forme, la France qui veut, la France des jeunes, la France qui gagne.

En avant l'entreprise !