Interviews de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national et tête de liste du Front national aux élections européennes de 1989, à Antenne 2 le 9 et FR3 le 10 juin 1989, sur le débat télévisé entre 6 têtes de liste aux élections européennes, sur l'immigration et sur M. Valéry Giscard d'Estaing.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Jean-Marie Le Pen - Front national président. Tête de liste du Front national aux élections européennes de 1989

Média : Antenne 2 - FR3 - Télévision

Texte intégral

Antenne 2, le 9 juin 1989

QUESTION : Comment jugez-vous le débat à la télévision hier soir ?

REPONSE : Un peu tristounet, mais c'était peut-être la faute des organisateurs qui ont voulu ménager les potiches et qui ont posé des questions subalternes.

Q : Vous vous considérez comme une potiche ?

R. : Pas moi, mais on avait peur que je les casse.

Q. : Il y a une chose que vous n'avez pas pu dire ?

R. : J'ai regretté que l'on n'engage pas un vrai débat sur la politique étrangère avec Monsieur Valéry GISCARD D'ESTAING. Dans ce domaine-là il a le sac un peu lourd. Après avoir été le promoteur de KHOMEYNI, le chantre de MAO, a porté des fêlures sur la tombe de LENINE, n'oubliez pas qu'en 1981, l'ambassadeur soviétique lui a apporté les voeux du gouvernement communiste de Moscou. Il y avait au moment des évènements de Chine, un débat très intéressant à faire.

Q. : Vous avez eu l'occasion de la faire pourtant ?

R. : Malheureusement non. On n'a jamais pu rentrer dans le débat, car il était dirigé. Les questions étaient posées par les organisateurs, et ils cadraient même le débat.

Q. : Pour quelles raisons vouliez-vous charger GISCARD ?

R. : Pas le charger. C'est un homme qui a eu des responsabilités très importantes, les autres ont été du pouvoir, y compris l'écologiste puisque Monsieur LALONDE est ministre, et peut être Monsieur WAECHTER le sera-t-il Mais Valéry GISCARD D'ESTAING a été Président, il a été ministre, il a été l'organisateur du fiscalisme dans notre pays, ça a été un dirigiste, le promoteur de la loi de regroupement familial qui a joué un grand rôle dans la situation de l'immigration. Et comme nous sommes sur le même panel, puisqu'il prétend prendre des voix de droite, alors qu'il se situe au centre gauche, alors que moi je suis à droite et je considère que ces voix doivent naturellement se porter sur l'Europe des parties que sur l'Europe mondialiste de Valéry GISCARD D'ESTAING.

Q. : En chargeant V. GISCARD D'ESTAING est-ce que votre intention n'est pas d'attraper les voix RPR qui devraient aller vers lui ?

R. : Aux élections on essaye de conquérir des suffrages. Moi je montre aux Français que le RPR ne peut pas voter pour V. GISCARD D'ESTAING qui a sur l'Europe des positions (…) au Général DE GAULLE, et de celles que défendaient CHIRAC il y a 10 ans.

Q. : Cela ne vous fait pas mal de parler du Général DE GAULLE. C'est quand même quelqu'un que vous avez combattu souvent dans le passé ?

R. : Je l'ai combattu sur la politique Algérienne. On peut être d'accord sur certaines questions et pas sur d'autres. Sur l'Europe je suis beaucoup plus près de M. THATCHER et de DE GAULLE que je le suis de J. MONNET ou de MITTERRAND ou de GISCARD.

Q. : Vous avez beaucoup parlé d'immigration, et vous en parlez beaucoup pendant la campagne. Vous avez insisté sur les dangers que vous voyez dans l'Europe parce que cela ferait rentrer des immigrés dans le pays. Pourquoi dites-vous qu'il y a 6 millions de plus d'immigrés en France depuis 74.

R. : Depuis 1974, le jour où on a atteint 500 000 chômeurs, le Gouvernement a interdit l'immigration. Les étrangers qui sont rentrés depuis le sont d'une façon illégale et ont été régularisé et c'est la faiblesse que je reproche au Gouvernement français, et cela n'est qu'un début, l'immigration est cause en France par notre système social. Les gens ne viennent pas trouver du travail, il n'y en a pas. Il n'y en a pas par ce qu'il y a 4,5 millions de chômeurs français. Mais ils viennent en revanche pour trouver toute une série d'avantages sociaux ce que je comprends sur le plan individuel. Mais il y en a des milliards à l'extérieur. Et le jour où vous laisser ouvertes les frontières le Pakistanais qui gagne 5 francs par mois viendra ici et tant d'autres.

Q. : Et qui veut vivre aussi ?

R. : Et qui veut vivre, mais c'est le problème de son Gouvernement, moi mon problème ce n'est pas de faire vivre les Pakistanais, c'est d'abord de faire vivre les Français, les faire survivre.

Q. : Vous dites 6 millions de plus depuis 74 or la population a augmenté de seulement 4 millions.

R. : Une partie passe dans la nationalité française avec un code de la nationalité qui est parfaitement perméable. Et il y a tous les clandestins qui sont à 1 million près, aucun gouvernement n'a pu dire combien il y avait de clandestin en France.

Q. : Est-ce que vous pouvez avancer des chiffres ?

R. : Je vous cite les chiffres de Monsieur MOTTIN conseiller d'Etat dans un article du Figaro d'il y a 4 jours.

Q. : Quand on prend les chiffres de l'INSEE on a seulement 400 000 immigrés en plus ?

R. : La statistique est un moyen d'escroquerie moderne, comme les sondages d'ailleurs.

Q. : Les sondages il vous donne 10 % d'intention de vote. Est-ce que vous espérez au moins 15 % ?

R. : Ce matin il me donne 11 %, ils me mettent en 3e position c'est-à-dire que l'on commence à se rapprocher de ce qui sera la vérité car je pense que le 18 juin on aura quelques surprises.

Q. : Qu'allez-vous faire pour parvenir au 20 % que vous souhaitez ?

R. : Je fais des meetings, ce soir à Bercy, à Perpignan, à Toulon et à Nice. Ma campagne n'est pas triste, elle est très jeune, très animée.


FR3, le 10 juin 1989

Question : Irez-vous protester contre le communisme en Chine ce soir au concert de SOS racisme ?

REPONSE : Mais certainement pas avec SOS racisme moi mon siège est fait sur le communisme et ses capacités de démocratie. Je ne suis pas étonné de voir la manière dont XIA PING et le PC chinois ont résolu leurs difficultés avec les étudiants. Le communiste est une machine à tuer, il l'a toujours été et c'est même la seule chose qu'il fasse de façon permanente.

Q. : Vous vous prétendez comme adversaire de la gauche mais vous réservez toutes vos attaques à V. GISCARD D'ESTAING, vous ne vous trompez pas d'adversaire ?

R. : Non, je considère les cinq représentants qui m'ont été opposés l'autre jour à la télévision comme peu ou prou des gens de l'infra-gauche, de l'ultra-gauche, de l'extra-gauche, ils défendent tous dans le fond une solution européenne qui est internationaliste, dirigiste, bureaucratique et il faut bien le dire plutôt internationaliste et socialiste. Alors je m'attaque à ceux qui ont le plus lourd passé, il est évident que Monsieur GISCARD D'ESTAING a été Président de la République, ayant, vous le savez bien, déposer des fleurs sur la tombe de LENINE, a chanté la gloire et les louanges de MAO TSE TUNG, parle de l'humanité, promu Monsieur KHOMEINY, il n'a pas, me semble-t-il, une grande autorité pour se présenter comme une tête de liste européenne crédible.

Q. : R. HERSANT, c'est un homme de gauche aussi ?

R. : Je crois, quand je l'ai connu, quand nous avons été jeunes députés ensemble il y a très longtemps, cher Monsieur, il y a 33 ans, il a été député Mendésiste, Monsieur Robert HERSANT.

Q. : Donc, c'est un homme de gauche...

R. : Oui, je pense, puisque je crois que Pierre MENDES FRANCE, ne l'aurait pas pris sur sa liste s'il n'avait pas considéré que R. HERSANT était un homme de gauche, d'ailleurs y'a qu'à voir le Figaro Magazine fait surtout des fleurs à Monsieur GISCARD D'ESTAING, pas à Monsieur Jean-Marie LE PEN.

Q. : Vous dénoncez, hier, l'espèce de sida qui frappe les dirigeants de ce pays, n'avez-vous pas l'impression d'aller trop loin dans les termes ?

R. : Non, le sida, c'est ce qui frappe l'occident, c'est ce qui frappe l'Europe, c'est une maladie. Les dirigeants, c'est l'établissement politique, ce qui veut dire qu'ils ont une maladie déficio-immunitaire, c'est-à-dire que leur organisme, leur intelligence ne réagit plus contre les attaques qui sont portées contre le peuple et contre les nations qu'ils auraient à défendre. C'est ça, y'a pas de dignité ni d'indignité particulière dans le sida, c'est une affaire que je connais bien, je sais que j'ai été l'objet d'attaques parce que j'étais le premier à dire de quoi il s'agissait et comment on pouvait s'en défendre. Aujourd'hui Montréal annonce, le congrès de Montréal dit qu'il faut se défendre du sida par des modifications de comportement, c'est ce que j'ai dit déjà il y a quatre ans.

Q. : Associer le sida aux dirigeants politiques...

R. : Mais pourquoi pas, mais il s'agit du sida politique et je ne vois rien la qui soit contraire en tous les cas à ma pensée.

Q. : Est-ce qu'ils sont atteints d'une forme de sida mental ?

R. : Mais pourquoi pas, pourquoi pas, je reprends cette formule que Monsieur PAUWELLS avait eu un jour le courage d'employer, maintenant il s'en est beaucoup excusé, moi je considère que c'est une excellente manière de définir la situation de nos élites politiques, sociales et sociologiques.

Q. : L'Europe des patries...

R. : Ça c'est l'Europe pour laquelle je me bats. L'Europe des patries, l'Europe des nations, l'Europe des peuples, ça c'est l'Europe que défendait Monsieur CHIRAC il y a 10 ans quand il était fidèle à la pensée du Général DE GAULLE. Aujourd'hui il est fidèle à la pensée de V. GISCARD D'ESTAING, qui est plutôt, disons la vérité, un ami de GORBATCHEV qu'un ami de DE GAULLE.

Q. : A. SPAGGIARI avait des idées un peu identiques aux vôtres.

R. : Ah bon, tiens, je savais pas que j'étais un délinquant, mais si vous le dites, Monsieur SPAGGIARI était un gentleman cambrioleur, il est un de ceux que la police française, semble-t-il, n'arrive jamais à attraper, je constate que, j'ai entendu dire tout à l'heure dans le journal, que ses complices étaient en prison depuis 11 ans, complices d'un casse, ce qui veut dire pour tous les criminels et pour tous les bandits qu'il vaut en France nettement mieux attaquer les vieilles dames et tuer les petits enfants que de braquer les banques. La société actuelle défend mieux son argent que ses pauvres ou que ses faibles.

Q. : Il y avait beaucoup d'économie de vieilles dames...

R. : Oui mais ça elles se feront rembourser par les assurances et par les banques, j'espère tout de même que les vieilles dames n'ont pas fait les frais des opérations de monsieur SPAGGIARI que je condamne mais pour lequel je le dis franchement j'ai plus de sympathie que pour T. PAULIN, disons la vérité.