Interview de M. Michel Barnier, ministre de l'environnement, à France 2 le 23 mars 1995, sur l'opération "Nettoyage de printemps" et sur la campagne de l'élection présidentielle de 1995.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Roche : Ce week-end, vous lancez l'opération « nettoyage de printemps » ?

M. Barnier : C'est une opération très originale en France : toute la France va s'efforcer de ranger, nettoyer, ramasser, sur les bords des rivières et des mers. Je suis très heureux et très surpris de l'engouement de cette opération. Nous avons enregistré 1 700 opérations qui seront organisées. J'espère qu'après ce signal que nous allons donner, on prendra l'habitude de ne plus jeter n'importe quoi, n'importe comment.

R. Roche : Et le reste de l'année ?

M. Barnier : j'aimerais bien qu'on range en profondeur et en permanence. Il y a plusieurs manières de ranger : quand on reçoit des amis à dîner, on pousse tout ce qui traîne sous le lit le temps du dîner ! Ou alors, on range l'appartement en profondeur une bonne fois pour toutes. Il faut prendre cette habitude. Au-delà du rangement, il faut peut-être se dire qu'on a d'autres manières de se comporter : l'air qu'on respire, l'eau qu'on boit, paysages qu'on regarde, ce sont les nôtres et les mêmes pour les autres, ce que j'appelle l'éco-citoyenneté. C'est un week-end important.

R. Roche : Les thèmes de l'écologie ne sont-ils pas absents de la campagne ?

M. Barnier : Je ne peux que le regretter. Les questions de croissance différente, d'une croissance qui n'abîme pas, qui serait plus économe des ressources naturelles, ni gratuites ni inépuisables, cette exigence devrait être au cœur de la campagne électorale.

R. Roche : Pourquoi cette absence ?

M. Barnier : Les écologistes avaient du succès quand ils étaient différents. Le jour où ils se sont mis à ressembler à tous les autres politiques, ils n'ont plus intéressé. Ils sont un peu autodétruits. C'est leur problème. Je pense que les Français, dans leur vie quotidienne, sont beaucoup plus intéressés et exigeants en matière de qualité de vie : je regrette un peu que les candidats ne le voient pas, peut-être le verra-t-on davantage lors des élections municipales. Une société moins polluée, plus d'arbres dans la ville, plus de pistes cyclables, plus d'espaces naturels protégés : ce sont des sujets qui devront inspirer le prochain Président de la République. M. Balladur est un des rares à avoir parlé d'environnement et à avoir agi.

R. Roche : Cette campagne est-elle « dégueulasse » ?

M. Barnier : Je trouve dommage que ce qui ressort de cette campagne, ce sont des affaires, des polémiques, des coups bas. Les Français doivent être déçus. J'aimerais bien qu'au bout du compte, les Français ne soient pas frustrés de leur débat et de leur élection. Idem pour les sondages : quand ils étaient bons… Ce ne sont pas les sondages qui font l'élection. Et ce ne sont pas les affaires et les coups bas qui font le débat. Parlons des vrais sujets, des défis qui vont arriver très vite sur l'Europe. J'appartiens au mouvement gaulliste et je soutiens E. Balladur qui appartient à la même famille politique. Nous nous retrouverons assez facilement après l'élection présidentielle. Mais le vrai rendez-vous pour le mouvement gaulliste, ce sera l'échéance européenne. Je regrette qu'on n'en parle pas davantage, qu'il y ait une sorte d'ambiguïté sur ce sujet. Comment créer réellement des emplois sans raconter d'histoires ? Ce sont ces sujets qui intéressent réellement les Français.

R. Roche : E. Balladur va-t-il aller jusqu'au bout ? Comment faire pour remonter la pente ?

M. Barnier : E. Balladur qui a vu se concentrer contre lui tous les coups, tous les coups bas, toutes les polémiques pendant des semaines et d'autant plus déterminé. Il a probablement aussi changé dans cette campagne. C'est un homme qui a une certaine pudeur, une certaine sobriété, c'est à son honneur. Je le vois maintenant avoir envie de davantage s'expliquer. J'en suis heureux. Il va vers les Français, au plus près d'eux. Mais il reste ce qu'il est : un homme qui marche au milieu de la route, qui se tient la tête droite, qui gérera l'État sans raconter d'histoires, sans promesses, sans démagogie et qui aura le comportement digne que les Français attendent du Président de la République.

R. Roche : Avez-vous des précisions à donner sur la vente d'armes à l'Iran ?

M. Barnier : Je n'ai aucun commentaire à faire dans cette affaire que nous découvrons dans la presse. Ça fait probablement partie de cette succession de révélations et d'affaires qui sortent en ce moment. J'aimerais que l'on revienne aux vrais sujets et que l'on arrête les attaques personnelles d'où qu'elles viennent et quelle que soit leur direction, et que l'on parle des vrais sujets qui intéressent les Français aujourd'hui.