Interview de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, dans "Le Journal du dimanche" du 8 novembre 1998, sur la crise de la production de la viande porcine, notamment les aides au niveau européen et la maitrise de la production.

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Média : Le Journal du Dimanche

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« Tout d'abord, j'ai constaté la mobilisation des éleveurs de porcs. Près de 10 000 manifestants, soit plus d'un éleveur sur deux en France. Je le prends comme le signe très fort de leur inquiétude. Je remercie aussi les responsables de la profession pour la dignité de ces défilés. J'y suis très attaché, car les dérapages de ces dernières semaines sont très mal ressentis par une opinion qui accepte mal que l'on donne des crédits à des personnes qui font usage de la violence. J'avais d'ailleurs mis en garde la profession, les prévenant que c'était pour moi un motif de casus belli. »

Q - Mais ils se disent prêts à d'autres actions s'ils n'obtiennent pas de rapides mesures pour régler cette crise qui a fait plonger les cours. Que pouvez-vous faire ?

- « Il faut agir sur plusieurs leviers. Le plus important se situant au niveau européen. Il faut prendre des décisions d'urgence, notamment sur ce qu'on appelle les dégagements de marché. Par exemple, les possibilités d'export vers la Russie. »

Q - La France vient justement de se faire doubler sur ce marché par les Américains, qui ont signé un accord avec la Russie portant sur 3,1 millions de tonnes d'aide alimentaire, dont 50 000 tonnes de viande de porc.

- « Les États-Unis sont toujours les premiers au guichet, mais il ne faut pas que l'Union européenne soit la dernière à agir, sous prétexte qu'elle a une décision à prendre d'une manière communautaire. Il faut se dépêcher. Prendre aussi des décisions techniques pour réduire l'offre et permettre ainsi de faire remonter les cours de la viande de porc, comme des autorisations de réduction de cheptel ou du poids des carcasses. »

Q - Reste que, au niveau national, les éleveurs français jugent les aides récemment accordées encore insuffisantes.

- « Les premières aides mises en place par mon prédécesseur, Louis Le Pensec sont distribuées ces jours-ci. J'ai moi-même, cette semaine, dégagé 150 millions de francs supplémentaires. Le groupe de travail qui vient de se mettre en place entre la profession et les services du ministère sera chargé de les répartir, car il s'agit d'aider ceux qui en ont le plus besoin. Elles devraient être distribuées avant la fin de l'année. Certes, j'en suis conscient, ces aides ne sont qu'un pansement. Seule la reprise du cours pourra réellement traiter cette crise. »

Q - Ce n'est pas la première fois que ce secteur est ainsi chahuté. Comment éviter que cela se reproduise ?

- « Il faut s'engager résolument dans une maîtrise de la production. Cela doit se faire au niveau européen. Mais, d'ores et déjà, j'ai demandé aux professionnels de me faire des propositions sur deux points : la mise en place d'une caisse de solidarité entre les producteurs et la forme que devrait prendre la maîtrise de la production. »

Q - Une maîtrise également réclamée par les écologistes et une bonne partie de l'opinion…

- « Il faut s'orienter vers une production plus qualitative et plus maîtrisée. Il ne faut pas laisser faire tout et n'importe quoi, dans une course folle à la production dont on subirait les conséquences dans quelques années. Je ne propose pas de mettre des quotas pour les porcs, mais des mécanismes de régulation. D'autre part, tout ce qui ira dans le sens de la transparence, de la traçabilité et de la qualité aura mon accord. »

Q - La majorité des vétérinaires des Quinze a voté cette semaine en faveur de la levée de l'embargo sur le boeuf britannique. Les ministres européens de l'Agriculture devraient à leur tour se prononcer les 23 et 24 novembre…

- « La date effective de réouverture du marché sera arrêtée, lorsque toutes les garanties seront données par les Britanniques aux États membres. Si ces conditions sont respectées, nous pourrons alors envisager une levée de l'embargo. Nous n'avons pas de raisons d'avoir une attitude guerrière et hostile à l'égard des Britanniques, mais nous devons respecter le principe de précaution. »