Texte intégral
Conférence de presse du ministre des Affaires étrangères, M. Hervé de Charette (Paris, 21 novembre 1995)
La France se réjouit de l'aboutissement positif des discussions qui ont eu lieu à Dayton entre les trois chefs d'État de Bosnie, de Serbie et de Croatie, entourés par les cinq pays du groupe de contact, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la Russie. Ces conclusions positives permettent de penser que, dans les prochaines semaines, l'accord de paix sur la Bosnie-Herzégovine pourra être signé à Paris au terme d'une conférence qui nous permettra de rassembler l'ensemble des États de la région pour poser les bases de ce que sera le retour à la paix dans la région. Nous nous félicitons de ce que ces accords prévoient l'unité de la Bosnie-Herzégovine et de ce qu'ils prévoient aussi l'unité de Sarajevo. Naturellement, cet optimisme est un optimisme raisonné. Il dépendra de la volonté des parties d'appliquer l'accord dans toutes ses modalités et d'en tirer toutes les conséquences pour faire en sorte que les populations de Bosnie-Herzégovine, tant éprouvées par plus de quatre ans de guerre, puissent se retrouver enfin en paix pour vivre ensemble et retrouver le chemin de la prospérité.
Q. : Monsieur le ministre, est-ce que la libération des deux pilotes doit figurer dans l'accord de paix ?
R. : Dans l'accord de Dayton, il est expressément prévu, à la demande de la France, que les parties s'engagent à faire en sorte que les pilotes soient libérés et dans la résolution au Conseil de sécurité concernant la suspension des sanctions, il est expressément fait référence à la libération des pilotes français.
Q. : Avez-vous reçu, de la part du CICR, des informations selon lesquelles les deux pilotes étaient vivants ?
R. : Nous sommes confiants, mais je ne peux pas vous en dire plus pour l'instant.
Q. : Ne pensez-vous pas que l'Europe a échoué là où les Américains ont réussi à faire accepter le plan de paix ?
R. : Le plan de paix est un plan de paix européen et très précisément, sur beaucoup d'éléments, il répond aux propositions que la France, avec ses partenaires européens, ont faites pendant plus de trois ans. Je ne peux que me féliciter qu'à Dayton, nous soyons parvenus à un accord, qui n'est pas un accord américain, mais qui est un accord partagé par les pays en cause, entourés par les cinq délégations du Groupe de contact. Je peux vous dire que la France a été active à Dayton, y compris à des moments de tension et de crise où elle a tenu à faire valoir ses préoccupations, que je rappelle : l'unité de la Bosnie-Herzégovine, l'unité de Sarajevo, des institutions claires capables de fournir demain des chances durables à la paix.
Q. : A-t-on déjà une idée de la date pour la tenue de la conférence de Paris ?
R. : Dans une quinzaine de jours probablement, mais les dates ne sont pas encore fixées.
Q. : Pourquoi un tel délai entre le paraphe de l'accord et la conférence de signature ?
R. : Pour plusieurs raisons. La première, il faut maintenant traduire tous les textes dans toutes les langues avec toutes les vérifications que cela impose pour en faire des documents ayant une valeur juridique et diplomatique, qui exigent par conséquent un certain temps et un travail technique important. Ensuite, parce qu'à la conférence de Paris, notre intention est de faire venir non seulement les pays musulmans du Groupe de contact de l'OCI, mais aussi de nous concerter avec les pays de la région pour engager un processus concernant l'ensemble de la région, de façon que la Bosnie-Herzégovine puisse cheminer vers la paix dans un accompagnement où l'ensemble de ces pays sera directement concerné.
Q. : Quels pays ?
R. : La liste n'est pas limitative, mais bien entendu cela concerne tous les pays voisins de la zone que je viens d'évoquer. Cela concerne forcément la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie, l'ARYM et, très probablement également, la Slovénie.
Q. : Quel crédit accordez-vous au général bosno-serbe Milosevic qui affirmait aujourd'hui que les deux pilotes français étaient en lieu sûr ?
R. : Je ne donne aucun crédit aux déclarations nombreuses que j'ai lues dans la bouche de tel ou tel depuis des semaines. Je ne crois que ce que je vois. Nous voulons récupérer les pilotes français dans les meilleurs délais.
Q. : Y aura-t-il d'autres conférences ailleurs avec celle de Paris ?
R. : Il y a, comme vous le savez, un projet de conférence de mise en œuvre des accords de Dayton qui est prévue à Londres et qui sera coordonnée avec la conférence de paix à Paris.
Q. : Avez-vous les dates ?
R. : C'est la même chose que dans l'autre cas, pas encore.
Q. : Avant Paris ?
R. : Oui, probablement, mais le calendrier n'est pas encore complètement articulé.
Déclaration du ministre des Affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à l'Assemblée nationale (Paris, 21 novembre 1995)
La France se félicite de l'aboutissement des conversations de proximité, engagées à Dayton (Ohio) le 1er novembre, sous l'égide du Groupe de contact (États-Unis, France, Allemagne, Grande-Bretagne et Russie). Les parties en conflit ont donc choisi de donner une chance à la paix et à la réconciliation.
La France a apporté toute sa contribution à ce résultat. Notre délégation à Dayton a veillé à ce que l'accord de paix préserve les chances de l'unité de la Bosnie-Herzégovine, ainsi que celles de la capitale, Sarajevo.
La conférence internationale qui se tiendra prochainement à Paris permettra l'achèvement du cycle des négociations, la signature des accords de paix et l'engagement d'un processus de stabilité et de bon voisinage.
L'accord de paix est fragile. Les parties doivent donc s'employer de bonne foi, dès aujourd'hui, à le mettre en œuvre dans sa totalité.
La France pèsera de tout son poids, avec une détermination inchangée, en faveur d'une paix durable, fondée sur l'unité de la Bosnie-Herzégovine et sur le respect de nos valeurs.
Enfin, la France conserve un sujet de préoccupation majeur : le sort de ses deux pilotes disparus le 30 août dernier en Bosnie. Nous ne relâcherons pas nos efforts en vue d'obtenir la restitution de ces deux officiers. L'accord de Dayton comporte un engagement clair des parties dans ce sens.