Interviews de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, à l'agence de presse Lusa, Radio Alpha (Portugal), la BBC, Sud-FM (Sénégal) et Radio-AITV le 22 décembre 1998, sur le cessez-le-feu en Guinée-Bissau, l'aide française au développement et son ouverture aux pays anglophones.

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Intervenant(s) : 
  • Charles Josselin - ministre délégué à la coopération et à la francophonie

Circonstance : Réunion du Fonds d'Aide et de Coopération (FAC) à Paris le 22 décembre 1998

Média : Agence de presse - BBC - LUSA - Presse étrangère - Radio AITV - Radio Alfa - Sud FM

Texte intégral

Q. – Monsieur le ministre, s'agissant de la Guinée-Bissau, la France s'apprête à réorienter d'une certaine façon son aide économique et peut-être à avoir une nouvelle définition politique. Jusqu'à quel point, y-a-t-il un travail de consultations et de concertations avec d'autres pays et je pense concrètement au Portugal parce que les pays lusophones et les pays francophones ont des actions qui se chevauchent ?

R. – On a eu l'occasion, surtout avec le Portugal, de parler de la Guinée-Bissau des médiations qui se sont produites et je sais trop la part de la Guinée-Bissau dans l'histoire récente du Portugal. Si tout n'est pas encore totalement réglé, félicitons-nous du cessez-le-feu qui est intervenu, de l’intérêt que le Conseil de sécurité, tout récemment, vient d'accorder à ce pays. C'est très probablement sous l'égide des Nations unies que les moyens spécifiques devraient se mettre en place pour organiser justement sur le terrain, non seulement le cessez-le-feu – qui est déjà acté –, mais pour remettre en marche les institutions, mettre en place surtout, un projet de développement et, aussi, pour permettre aux troupes sénégalaises et guinéennes de se retirer dans des conditions satisfaisantes. Là encore, j’espère que demain, lorsqu'il s'agira de parler du développement de la Guinée-Bissau, la France et le Portugal pourront être à nouveau partenaires.

Q. – Justement, la France et le Portugal sont le fer de lance de la coopération entre l'Union européenne et l'Afrique. On a parfois l'impression que les pays du Nord de l'Europe ont du mal à accepter cette ouverture…

R. – Ils ne connaissent pas l'Afrique comme nous, ils n'y ont pas la même histoire. Une nuance tout de même : l'Italie, notamment en Afrique de l'Est – je pense au Soudan, à l’Ethiopie – est également très sensibilisée par les questions de développement et nous pouvons ainsi compter sur nos amis italiens. Mais c'est à nous aux Portugais, à la France, aux Italiens, à sensibiliser les autres sur ces questions de développement. La renégociation des accords de Lomé est une bonne opportunité.

Q. – Monsieur le ministre, vous dites que la France s'intéresse aussi aux pays anglophones. Certains de ces pays sont-ils concernés par la réunion de ce matin ?

R. – Il n'y en avait pas dans le projet de ce matin. Il y avait par contre le Mozambique. Mais nous avons aussi parlé, de manière indirecte, des pays anglophones. S'agissant par exemple du Bénin, nous avons évoqué la formation de professeurs béninois pour enseigner le français au Nigéria puisque les autorités de ce pays, et le général Aboubakar nous l'a confirmé, sont en effet désireuses de permettre aux Nigérians de pouvoir mieux communiquer avec les pays qui les environnent et qui sont des pays francophones. Je ne doute pas qu'au cours de l’année 1999, des projets du FAC – donc des projets d'aide à la coopération –, pourraient s'imaginer à destination de pays anglophones comme, par exemple, le Ghana. Je confirme que les pays anglophones ont aussi vocation à pouvoir profiter de ces outils de coopération que sont le FAC et les aides budgétaires.

Q. – Etant donné que la croissance de l'économie française pour l'année prochaine est revue à la baisse par rapport à cette année, quelles conséquences cela pourrait-il avoir sur les pays africains ?

R. – Il faut relativiser. C'est certes un peu moins important que prévu, mais au lieu de 2,7 on est à 2,6 par rapport à nos prévisions, je crois que l'an dernier nous étions aux alentours de 3 %. Cela ne devrait pas modifier en volume l'aide publique au développement, que nous souhaitons voir maintenue à un haut niveau. La France qui est aujourd'hui le second pays en valeur absolue pour l'aide publique au développement – elle est le premier du G7 en ce qui concerne l'aide par d’habitant – a depuis toujours considéré qu'il ne fallait pas opposer l'investissement privé et l'aide publique et qu'il fallait combiner les deux. Le commerce ne suffira pas pour assurer le développement, il faut continuer à aider, sur crédits publics, des Etats à se construire, des infrastructures à se créer, de la formation, en particulier, a se dispenser. Telles semblent être, pour nous, les conditions préalables à l'investissement privé.

Q. – Monsieur le ministre, vous avez rendu compte des projets financés par le Fonds d'aide et de coopération cette année. Dans le « palmarès » que vous donné, on peut dire que certains Etats ont plus que d'autres. Qu'est ce qui justifie le fait qu'un État puisse avoir plus de financement qu'un autre ?

R. – Le plus souvent, c'est la qualité des projets qui sont présentés, les opportunités, aussi, qui peuvent apparaître. J'ajoute que c'est sur la durée qu'il faudrait regarder quels sont les Etats qui bénéficient le plus. J'ai donné tout à l'heure un classement instantané, pour l’année 98. Si l’on remonte dans le temps, on peut observer que le classement en question se trouve modifié, que les premiers ne sont pas chaque année les mêmes.

Tenons compte aussi de l'importance relative des pays. Ceux qui ont une population beaucoup plus importante sont plus susceptibles d'apparaître comme étant les premiers bénéficiaires mais cela peut aussi dépendre de la conjoncture. Je le répète, les opportunités tels que les saisissent à la fois nos équipes de terrain mais aussi les gouvernements des pays aidés, modifient parfois le classement. Je ne saurais trop encourager les gouvernements à travailler en liaison avec nos propres équipes pour élaborer des bons projets parce que c'est aussi la qualité d'un projet qui fait la différence.

Q. – On connaît déjà les chiffres de l'aide à la coopération pour l’an prochain. Avez-vous un commentaire à faire ?

R. – J'aurais aimé être dans une situation plus confortable, mais ce que le budget 99 prévoit en ce qui concerne le FAC en tout cas qui est largement préservé, devrait nous permette de continuer. Comme dans le même temps nous recherchons plus d'efficacité, nous n'hésitons pas à réintégrer dans les crédits du FAC des projets un peu oubliés ou qui ont perdu du temps. Voilà aussi une incitation pour les gouvernements, à mettre en place des procédures efficientes pour que les projets non seulement éclosent mais surtout se réalisent dans de bonnes conditions.

Q. – Le 1er janvier verra l'entrée dans les faits du nouveau dispositif de la coopération. Qu'est-ce que cela va changer pour vos relations avec les Etats africains ?

R. – Je crois que cela va surtout permettre de mettre en synergie l'ensemble des outils de coopération qu’il s'agisse du développement économique, du développement culturel, d'audiovisuel, d'universités, de recherche. C'est bien cette globalité dans l'utilisation de l'ensemble des outils de coopération qui doit permette aussi aux Africains de tirer profit – c'est aussi notre objectif – de la réforme de la coopération.