Interview de Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à l'enseignement scolaire, dans "L'Union de Reims" du 18 janvier 1999, sur la mise en oeuvre d'initiatives pédagogiques dans des écoles et collèges placés en réseaux d'éducation prioritaire, et la révision de la carte des ZEP.

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Texte intégral


Sébastien Lacroix
Pourquoi avoir choisi Saint-Quentin pour ce déplacement ?

Ségolène Royal
Parmi les contrats de réussite qui sont « sur les rails », celui-ci s'appuie sur des actions très intéressantes et qui illustrent parfaitement les priorités renforcées aujourd'hui par la circulaire nationale que j'envoie à tous. Il me paraît important d'être présente sur le terrain pour montrer ce que ces contrats signifient. A Saint-Quentin, dans les quatre collèges concernés et leurs écoles, sont mises en place des initiatives pédagogiques formidables sur la lecture, le langage, l'éducation civique, la culture, le sport. Et les résultats scolaires se sont améliorés. Bref, on a ici l'illustration du réseau, de la réussite et de l'envie d'avancer. J'apprécie bien de trouver ici des idées telles que « faire en sorte que l'élève aime aller au collège », « positiver l'image de l'école », « plaisir de transmettre son savoir », « trouver des motivations pour faire parler », « aider les parents à mieux comprendre leur enfant ». C'est formidable. Enfin, je viens à Saint-Quentin car j'y ai été invitée par Odette Grzegrzulka, la dynamique députée de la circonscription.

Sébastien Lacroix
A côté des ZEP, dont la carte de France est en cours de modifications, vous avez choisi de mettre les écoles et les collèges en réseaux. Ce sont les REP (réseaux d'éducation prioritaire) qui regroupent écoles et collèges d'un même secteur défavorisé pour faciliter une mutualisation des ressources pédagogiques et une meilleure concertation. Comment comptez-vous contrôler et évaluer la réalisation des objectifs fixés dans chaque REP ?

Ségolène Royal
Il est exact que, trop souvent, les réformes sont lancées sans système d'évaluation. Dans le cas des REP, les équipes pédagogiques sont motivées par des objectifs. Elles ont identifié les besoins prioritaires des élèves, qui ne sont pas forcément les mêmes d'une zone à l'autre, défini les actions à mettre en place, que ce soit d'ordre pédagogiques ou comportemental, et choisi les critères sur lesquels sera évaluée la réussite de leur travail.

Sébastien Lacroix
Quels sont-ils, dans le cas du REP de Saint-Quentin ?

Ségolène Royal
Ces objectifs relèvent surtout de trois priorités : la maîtrise des langages et le développement de compétences méthodologiques, l'éducation à la citoyenneté, la santé scolaire et le suivi social des élèves. Une série d'indicateurs précis va permettre aux équipes de juger précisément de la réussite de leur travail. Ce seront, l'aptitude à la lecture, au langage, les résultats au brevet, le recul de la violence, une meilleure fréquentation des réunions par les parents d'élèves, un meilleur résultat de la scolarisation en maternelle, etc. J'ai donné aux REP et à leur ZEP dix axes forts de travail. J'ajoute que le contrat de réussite que nous signons aujourd'hui prévoit également la création de trois pôles d'excellence : un pôle audiovisuel et culturel, un pôle informatique et un pôle d'enseignement des langues.

Sébastien Lacroix
Par qui sera contrôlé le bon déroulement de ce contrat de réussite ?

Ségolène Royal
Par les enseignants, d'abord, car le plus important, c'est ce qui se passe en classe. Deux instances de soutien ont été prévues au niveau local. D'une part, un groupe de pilotage et d'autre part un groupe logistique. Ils définissent les actions à mener mais en assurant également l'accompagnement et l'aide à l'évaluation.

Sébastien Lacroix
Ne craignez-vous pas d'alourdir trop la mission de l'école, en lui demandant d'assumer des problèmes qui lui sont externes et qui relèvent de la famille ou du quartier ?

Ségolène Royal
Je considère que, plus il y a de barrières entre les responsables des familles ou de la vie de quartier et l'école, plus les problèmes s'amplifient. Par conséquent, plus l'école sera partenaire, plus elle pourra demander aux autres, notamment aux parents, d'assumer leurs responsabilités. Trop peu de parents, par exemple, connaissent le projet d’établissement. Il faut faire en sorte qu'il s'y intéressent, qu'ils viennent aux réunions. De même, il y a trop de problèmes de comportement à l'école. Là encore, le partenariat est indispensable. Si l'école s'en charge, les parents sont déresponsabilisés. L'école sort s'ouvrir aux familles, à ceux qui sont chargés de la sécurité, de la santé, etc. Le contrat de réussite va dans ce sens, puisqu'il signifie que l'école accepte d'être partenaires de toutes les politiques de la ville.

Sébastien Lacroix
La nouvelle carte des ZEP ajoutée à la création des REP va aboutir à un coût supplémentaire. L'avez-vous évalué ?

Ségolène Royal
Il est très important, mais c'est difficile de donner un chiffre dès maintenant même si je pense qu'il se situe autour de 500 millions de francs. Il comprend des moyens supplémentaires en personnel, les indemnités de sujétion spéciale du personnel, du matériel, du temps. Dans une quinzaine de jours, lorsque je présenterai la carte définitive des REP et de leurs ZEP, nous en aurons une idée plus précise.

Sébastien Lacroix
Avez-vous bouclé la nouvelle cartographie des ZEP, qui provoque des remous dans les établissements promis à déclassement ?

Ségolène Royal
Ces remous prouvent l'attachement au classement en ZEP. C'est rassurant et encourageant pour ce travail difficile que je relance avec énergie et enthousiasme. Mais la carte n'avait pas bougé depuis 10 ans, alors que les contextes avaient évolué. Je me suis vite rendu compte qu'il n'était pas possible de retirer aux uns pour donner aux autres. Appartenir à une ZEP, et aujourd'hui à une REP, c'est important et motivant pour les équipes pédagogiques. Ils ont le sentiment d'appartenir à un mouvement national.

Sébastien Lacroix
N'est-ce pas d'abord un attachement à l'indemnité de 6.000 F. par an ?

Ségolène Royal
Evidemment, la perte d'une indemnité n'est jamais agréable, mais j'ai une trop haute opinion du corps enseignant pour croire que ce soit la principale. En revanche, je pense que, plutôt qu'un système d'indemnités, il faudra mettre au point un dispositif d'accélération de carrière. Avec avancement plus rapide, possibilité d'opter pour une année sabbatique, plus grand choix dans les affectations, temps de concertation et de dialogue inclus dans la durée du travail. Ces nouvelles orientations sont à l'étude.

Sébastien Lacroix
La carte des ZEP ne sera donc pas vraiment modifiée ?

Ségolène Royal
Il y aura quelques sorties. Mais, au total, l'ensemble comportera 10 % d'établissements en plus. Et ceci grâce aux moyens supplémentaires que j'ai obtenus. Au-delà des moyens, c'est tout le travail qualitatif, la créativité, le désir de réaliser des projets pour que les élèves progressent et que les élèvent les plus défavorisés retrouvent l'estime d'eux-mêmes, qui est le plus important.