Texte intégral
FRANCE 2 – Le 09/01/1999
BEATRICE SCHÖNBERG
Monsieur SARKOZY bonsoir, la nuit ou plutôt les nuits ont dû être longues puisque vous avez suivi, sinon conduit la stratégie du RPR. Alors avant d'en venir au fond, quelques questions si vous voulez bien concrètes, avec des réponses sans détour. D'abord lundi vont être choisis les vice-présidents de région. Est-ce que vous donnez des consignes claires aux élus du RPR.
NICOLAS SARKOZY
La consigne est très claire Madame, les élus du RPR n'ont pas à être désignés vice-présidents du conseil régional de Rhône-Alpes, avec la voix des élus communistes, socialistes et verts. Il n'y aura donc pas un seul vice-président RPR dans l'exécutif de la région Rhône-Alpes.
BEATRICE SCHÖNBERG
Alors tout aussi concrètement, est-ce que la politique menée par Anne-Marie COMPARINI aura votre soutien à long terme ou non ?
NICOLAS SARKOZY
Madame, là aussi la réponse est claire ; Anne-Marie COMPARINI a été élue à la tête d'une majorité dont les trois quarts sont composés de conseils régionaux socialistes, communistes et verts ; soixante communistes, socialistes et verts pour quinze conseillers régionaux centristes.
BEATRICE SCHÖNBERG
Ça veut dire que vous ne soutenez pas sa politique ?
NICOLAS SARKOZY
Ça veut dire que cette majorité n'est pas une majorité et que l'avenir pour la région Rhône-Alpes porte le nom de retour devant les électeurs, les nouvelles élections sont la seule solution possible.
BEATRICE SCHÖNBERG
Ça veut dire que ce soir, clairement, vous appelez à la dissolution, vous la souhaitez du moins.
NICOLAS SARKOZY
Madame, je ne pense pas que l'intérêt de la région Rhône-Alpes soit d'être conduite par une majorité composée pour les trois quarts d'élus de gauche et pour le quart restant d'otages centristes.
BEATRICE SCHÖNBERG
Alors j'en viens maintenant au fond de cette élection…
NICOLAS SARKOZY
… En démocratie la nouvelle élection c'est la seule façon de sortir de la crise, c'est d'ailleurs ce qu'avait réclamé justement Raymond BARRE…
BEATRICE SCHÖNBERG
Raymond BARRE et vous êtes en tout cas d'accord, sur ce point avec lui.
NICOLAS SARKOZY
Oui, naturellement.
BEATRICE SCHÖNBERG
Enfin, il l'avait réclamé avant le troisième…
NICOLAS SARKOZY
Il me semble d'ailleurs que Raymond BARRE en condamnant les combinaisons a condamné sans appel les discussions contre nature entre socialistes, communistes, Verts et François BAYROU et Madame COMPARINI.
BEATRICE SCHÖNBERG
Oui, mais il admet qu'on puisse gouverner avec un accord, sans compromission, ce qui, apparemment n'est pas votre cas.
NICOLAS SARKOZY
C'est parfaitement son droit, la stratégie du RPR est parfaitement claire là-dessus ; la démocratie a besoin de transparence, la droite n'est pas la gauche, nous n'avons pas été élus les uns et les autres pour faire la politique de la gauche et chaque fois, Madame, que nous l'avons fait, mal nous en a pris ; les électeurs nous ont sanctionnés. Imaginez un peu quel va être le spectacle donné par le conseil régional de Rhône-Alpes demain, lorsqu'il faudra élire les dix vice-présidents et conduire une région en étant l'otage du Parti communiste.
BEATRICE SCHÖNBERG
Alors justement, j'ai envie de vous poser cette question : est-ce que vous ne vous sentez pas une part de responsabilité dans cette élection et dans le résultat de cette élection parce que, au fond, c'est votre stratégie qui a prévalu, votre candidat n'est pas passé et au passage je dirai qu'il y a eu des revirements et des volte-face au RPR, qu'on n'a pas tous très bien compris.
NICOLAS SARKOZY
Madame, d'abord est-ce que nous avons une part de responsabilité ? Ça serait inélégant de dire qu'il n'y en a aucune et dire que ce n'est que les autres. Je reconnais une part de responsabilité très simple : il aurait fallu changer de mode de scrutin à la proportionnelle. Vous savez, un mode de scrutin qui permet aux élus qui demandent l'indépendance de la Savoie d'être représentés, n'est pas un mode de scrutin sérieux. Quelle est notre stratégie ? Nous n'en n'avons jamais changé Madame et nous n'en changerons pas. Nous ne voulons pas d'alliance avec l'extrême droite et…
BEATRICE SCHÖNBERG
Oui mais…
NICOLAS SARKOZY
Si vous permettez…
BEATRICE SCHÖNBERG
Je vous en prie, je vous en prie…
NICOLAS SARKOZY
Et cela nous différenciait de Charles MILLION qui croyait pouvoir gouverner la région Rhône-Alpes avec l'extrême droite. Ça n'est pas possible, la preuve en a été apportée. Et de la même façon, en quelque sorte, par parallèle, nous ne voulons pas d'une alliance contre nature avec les communistes ou avec la gauche parce que la région sera ingouvernable. Nous en avons donc tiré la conclusion : avec nos amis de Démocratie Libérale…
BEATRICE SCHÖNBERG
Avec vos amis de Démocratie Libérale, mais alors venons à l'UDF parce que…
NICOLAS SARKOZY
Juste un mot pour que les téléspectateurs sachent ; il y a soixante conseillers de droite et soixante conseillers de gauche, il fallait donc se rassembler sur le doyen d'âge qui, dans ce système-là, a une voix double, ce qui permettait d'avoir une majorité propre et sans ambiguïté.
BEATRICE SCHÖNBERG
Cette stratégie apparemment n'a pas fonctionné. Quelques questions et la première que tout le monde se pose ce soir, quel est l'avenir pour l'Alliance ? Alors Gilles de ROBIEN, porte-parole de l'UDF parie des « déserteurs de l'Alliance ». Vous vous reconnaissez en ces termes ?
NICOLAS SARKOZY
Vous savez les périodes de difficulté, il y a toujours des gens qui perdent leurs nerfs ; moi je suis secrétaire du RPR, mon devoir c'est d'appeler au calme, à la mesure et à la sérénité. Qu'est-ce qui se passe…
BEATRICE SCHÖNBERG
Est-ce que ça veut dire par exemple, que François BAYROU a perdu ses nerfs ?
NICOLAS SARKOZY
Non… plus que jamais… je vais répondre très simplement. Ce qui s'est passé en Rhône-Alpes montre qu'on a besoin d'union ; ce n'est pas trop d'union qu'on a vu en Rhône-Alpes mais pas assez.
BEATRICE SCHÖNBERG
En effet.
NICOLAS SARKOZY
Mais en même temps, Madame, il faut être lucide. Il y eu des différences stratégiques fortes. La question qui se pose aujourd'hui est très simple. Est-ce que l'affaire Rhône-Alpine est un accident ? François BAYROU jugeant que l'alliance avec les socialistes ou l'entente avec les socialistes est possible en Rhône-Alpes mais ne doit pas être décalqué sur l'ensemble de la France ? Et dans ce cas-là, il faut minimiser l'incident, considérer que c'est embêtant mais que ça ne nuit pas à l'essentiel.
BEATRICE SCHÖNBERG
Mais qui vous apportera la réponse ?
NICOLAS SARKOZY
J'espère lui. Soit il considère que les députés centristes…
BEATRICE SCHÖNBERG
Vous allez vous parler ?
NICOLAS SARKOZY
Mais bien sûr et je vais même vous indiquer que notre intention c'est de réunir dans les prochains jours, autour de Philippe SEGUIN, l'Alliance. Parce que vous comprenez bien que…
BEATRICE SCHÖNBERG
Donc vous n'annulez pas… vous n'allez pas annuler ce rendez-vous.
NICOLAS SARKOZY
Mais je tire la conséquence de ce qui s'est passé, que nous avons besoin de parler, plutôt que de rester chacun dans notre coin, c'est une affaire sérieuse. Si c'est un incident Rhône-Alpin, pour garder une présidence, ce n'est pas agréable mais il n'y a pas lieu d'en faire un drame. Si François BAYROU nous disait – ce que je ne veux pas croire – que c'est une nouvelle stratégie qui devrait nous conduire à proposer à ces députés d'être élus par les voix de gauche plutôt que par les voix de droite, là les choses ne pourraient pas continuer. Nous n'en sommes pas là mais il faut être lucide…
BEATRICE SCHÖNBERG
Donc vous souhaitez encore la réconciliation…
NICOLAS SARKOZY
Mais naturellement, Madame, pourquoi ? Parce que je suis persuadé qu'on ne peut gagner qu'ensemble.
BEATRICE SCHÖNBERG
Alors dernière question parce que le temps va très vite. Il y a évidemment les élections européennes ; il y aura donc une liste PASQUA, il y aura une liste que conduirait Philippe SEGUIN, est-ce qu'il y aura une liste centriste ?
NICOLAS SARKOZY
Là encore, le RPR essaie de développer la même stratégie avec cohérence. Est-ce que notre division sert les intérêts de l'opposition ? La réponse est non. Il faut donc faire une liste d'union. Cela fait un mois et demi que nous le demandons ; là encore François BAYROU devra prendre ses responsabilités.
BEATRICE SCHÖNBERG
Eh bien écoutez, nous tenterons de lui poser la question…
NICOLAS SARKOZY
S'il veut l'union qu'il le dise, s'il ne le veut pas qu'il assume ce choix. Comprenez, le RPR dans cette affaire, il faut que les choses soient transparentes. Si on s'entend, on s'entend sur la stratégie, la droite ce n'est pas la gauche. Si on ne s'entend pas, chacun en tirera les conséquences.
BEATRICE SCHÖNBERG
Très bien, eh bien je vous remercie en tout cas d'avoir été clair et d'avoir répondu à nos questions.
NICOLAS SARKOZY
Merci Madame. Merci.
RTL : lundi 11 janvier 1999
Q - Quel est le bulletin de santé de l'Alliance, ce matin ?
- “Ecoutez, l'initiative qu'a prise F. Bayrou de demander aux conseillers régionaux centristes de faire une alliance en bonne et due forme avec les socialistes est un rude coup pour l'Alliance. Et finalement, à la lecture de la presse de ce matin, nous nous apercevons que les seuls qui s'en réjouissent c'est la gauche. Si c'était le but recherché, c'est réussi.”
Q - F. Bayrou dans Libération dit ce matin : « Le RPR doit comprendre qu'on ne répond plus comme cela au coup de sifflet, et que l'UDF n'est pas une succursale ».
- “Vous savez, j'ai beaucoup de respect pour les députés centristes, et je crois que nous avons besoin des centristes dans l'opposition. Mais dans l'affaire qui nous occupe, ce n'est pas une question de mouvement centriste : c'est l'initiative de F. Bayrou de privilégier l'Alliance avec les socialistes, les communistes et les Verts plutôt qu'avec Démocratie Libérale et avec le RPR. Quelles sont les données du problème ? Il y avait en région Rhône-Alpes 60 conseillers de droite et 60 conseillers de gauche : F. Bayrou préfère faire élire Mme Comparini avec 15 voix de droite et 60 de gauche, dont les voix communistes, plutôt que nous nous rassemblions tous sur le doyen. Pourquoi le doyen ? Parce que, dans une assemblée où il y a autant d'électeurs de droite que de gauche, le doyen a une voix prépondérante. C'était la seule solution du troisième tour. En fait de quoi, M. Bayrou a voulu faire cet accord qui est arrivé au résultat invraisemblable que M. Queyranne ne s'est pas présenté au nom de la gauche, et qu'aujourd'hui Mme Comparini se trouve à la tête d'une majorité dont les trois-quarts sont composés de communistes, de socialistes et de Verts. Le RPR a toujours eu la même ligne : pas d'alliance avec le Front national et de front républicain.”
Q - Attendez, tout de même ! vous aviez été d'accord pour soutenir Mme Comparini, puis vous avez changé de pied à une heure du matin samedi, et même des élus du RPR Rhône-Alpins n'ont pas bien compris pourquoi vous et P. Séguin vous aviez changé de cap ?
— « Parce que les conditions des trois tours n'ont pas été les mêmes. Qu'est-ce qui s'est passé entre le deuxième et le troisième tour ? Trois éléments importants. D'abord les 22 mégrétistes sortent de séance et ne participent pas : ce qui fait que cette élection, à partir de ce moment-là, n'était pas l'otage des élus du Front national. Deuxièmement, parce que M. Million qui avait échoué dès le premier tour, n'était même plus capable de maintenir un de ses candidats. Donc, il n'y avait plus de prise d'otage possible par M. Million. Et, troisièmement, parce que nous apprenons que M. Queyranne – ce n'est pas rien : le ministre de l'intérieur par intérim – retire sa candidature et annonce un accord en bonne et due forme avec M. Bayrou. Ce sont les conditions, et on avait le choix. Il n'y avait plus que deux candidats : le doyen d'âge qui pouvait être élu proprement, uniquement avec les voix de droite ; et une alliance possible – du moins le croyait-on – entre les communistes, les socialistes, les Verts et M. Bayrou.”
Q - Le doyen, précisément, au deuxième tour n'a pas récusé les voix de certains lepénistes qui se sont portées sur lui. On se dit : quand même il y a un an, J. Chirac et le RPR ont dit : « Jamais d'entente avec le Front national ».
- “Permettez-moi de vous dire que le RPR en la matière a toujours été très clair : si le RPR avait joué le jeu avec M. Million, M. Million serait toujours président. Nous avons joué notre rôle ; notre ligne est claire : pas d'alliance avec le Front national, pas de front républicain avec la gauche. »
Q - Est-ce que c'est la même chose ?
- “La démocratie c'est la confrontation des idées. Regardez aujourd'hui ce qui va se passer ! Il va falloir élire les 10 ou 12 vice-présidents du Conseil régional du Rhône-Alpes, alors 10 ou 12 fois on va retrouver des voix communistes mélangées aux voix de M. Bayrou. Et demain lorsqu'il va falloir gérer la deuxième région de France, est-ce qu'on va avoir ce spectacle, cet attelage incompréhensible entre les communistes, les socialistes et certains centristes, »
Q - Tout de même, est-ce que pour vous c'est la même chose, est-ce que vous mettez les voix du Front national et de la gauche dans le même sac ?
- “Ce n'est certes pas la même chose d'un point de vue moral, mais je crois que la vie politique française a trop souffert de la confusion. Pourquoi le Front national a-t-il émergé si fortement dans notre démocratie ? Justement, parce qu'il n'y avait plus aucune différence entre la droite et la gauche. La stratégie du front républicain est une erreur majeure. D'ailleurs comment considérer, comment accepter que F. Bayrou… je dis F. Bayrou, plutôt que les centristes, parce que je sui persuadé qu'un grand nombre d'élus centristes, de grandes voix raisonnables comme J. Barrot, comme H. de Charrette, comme P. Douste-Blazy, ne pourront pas accepter qu'entre l'alliance avec démocratie libérale et le RPR, et l'alliance avec les socialistes et les communistes, F. Bayrou ait fait le choix de la gauche.”
Q - Vous êtes en train de chasser F. Bayrou de l'Alliance, et vous espérez que ses amis lui tourneront le dos ?
- “Pas du tout ! Est-ce que vous croyez – vous m'invitez ce matin –, est-ce que vous pensez vraiment que nos électeurs – les électeurs de F. Bayrou et les nôtres sont les mêmes – ont voté pour nous pour que nous fassions alliance avec les communistes et les socialistes ? Franchement.”
Q - Vous faites le reproche à F. Bayrou. Vous dites que c'est F. Bayrou qui a voulu cela : alors il n'y a plus de possible entente avec lui ?
- “La question est posée. J'ai indiqué que si le problème rhône-Alpin était un accident, eh bien il ne faudrait pas dramatiser ; si c'était une stratégie revendiquée par F. Bayrou, et une stratégie nationale, cela poserait un problème.”
Q - Il y a tout de même une question qui vous est posée. On dit : au RPR, N. Sarkozy privilégie l'alliance avec A. Madelin, parce que c'est un libéral, et puis il se trouve qu'A. Madelin est moins regardant que F. Bayrou sur les fréquentations de ses élus ?
- “Pouvez-vous faire la moindre remarque – à P. Séguin, comme à moi-même – par rapport au Front national ? Est-ce que une seule de nos décisions, dans les deux années passées, ont été suspectes de ce point de vue-là ? Je vous le demande, vous suivez la vie politique ! Nous n'avons aucune leçon à recevoir de ce point de vue-là. Mais si c'est pour refuser l'alliance avec le Front national – stratégie à laquelle j'adhère -, pour faire une alliance avec le Parti communiste ou avec les socialistes, permettez-moi de vous dire que je ne suis pas d'accord.”
Q - Est-ce que A. Madelin ne vous pousse pas à la rupture avec les centristes ? Dans Le Figaro, ce matin, il montre le bout du nez et dit : cette affaire va laisser des traces avec les centristes. Ensuite, il dit qu'il faudrait arriver à constituer une grande force libérale moderne. D'ailleurs, ajoute-t-il, je me réjouis qu'au RPR les idées libérales progressent. A. Madelin veut prendre la main, non ?
- “A. Madelin est un ami, c'est une voix importante pour l'opposition. On ne va quand même pas nous reprocher, dans l'opposition, à être quelques-uns à nous entendre ! Je n'ai pas noté que le problème de l'opposition était de trop bien s'entendre. A. Madelin choisit de privilégier un accord avec ses partenaires de l'opposition, c'est lui qui me semble être dans la logique des choses. Qui est le diviseur aujourd'hui ? Qui prend une responsabilité grave ? C'est celui qui choisi de privilégier l'alliance avec la gauche. J'ajoute que nous allons avoir une réponse assez rapidement qui nous permettra de tourner la page, du moins je l'espère. S'agissant de l'Europe il faudrait bien que nous fassions une liste commune.”
Q - Cette affaire n'a pas l'air bien engagée ?
- “Là encore, c'est un deuxième rendez-vous pour F. Bayrou. Si F. Bayrou veut faire une liste à part, c'est son droit le plus absolu.”
Q - Il dit : il faut faire une liste qui soit vraiment européenne et qu'on prenne la décision en commun.
- “A ce moment-là, si F. Bayrou prenait la responsabilité de faire une liste de son côté, ce serait la deuxième occasion en un mois qu'il aurait réussi pour diviser l'opposition.”
Q - Vous trouvez que P. Séguin est bien placé, ce matin, pour être l'unificateur ?
- “La meilleure solution est une stratégie d'union. Et s'il faut que le RPR soit unitaire pour deux nous le serons, et nous n'hésiterons pas à nous adresser directement à tous les élus centristes. Permettez-moi de vous dire que je ne connais pas un seul député centriste qui soit élu avec davantage de voix de gauche que de voix de droite, et que franchement on doit faire la politique de ceux qui ont voté pour vous.”
Q - M. L. Jospin doit bien rire, ce matin, non ?
- “M. Jospin doit dire : merci M. Bayrou.”
FRANCE INTER : vendredi 15 janvier 1999
Q - Prononcer trois fois de suite le mont « union » permettra-t-il à l'opposition de construire une liste commune aux prochaines élections européennes ? Le président du RPR, P. Séguin, invité hier soir sur TF1, à déploré « l'incident regrettable » de l'élection pour la présidence de la région Rhône-Alpes et affirme que d'un mal peut sortir un bien. Ainsi, après avoir dans un entretien publié cette semaine dans Paris Match sommé l'UDF de choisir son camp une fois pour toutes, P. Séguin ne voit plus aucun préalable à la constitution d'une liste d'union de l'opposition aux européennes laquelle s'instruirait sur une plate-forme construite par les différentes composantes de l'Alliance ; le choix de la tête de liste – en principe P. Séguin – intervenant ensuite. Cette volonté de l'union aux forceps est une exigence du Président de la République. La seule stratégie possible de reconquête pour la droite républicaine ? Changement de ton sensible ?
- “Est-ce qu'il y a eu changement de stratégie ? Sur l'affaire si difficile du FN, qu'est-ce que nous avons toujours dit ? J'admets bien volontiers que cette position, pour être, me semble-t-il, la plus efficace est en même temps la plus exigeante. Ni alliance avec le FN. Nous avons toujours combattu cette forme d'alliance, tacite ou explicite. Et si le RPR n'avait pas été déterminé, l'expérience Million en Rhône-Alpes aurait continué. Et, en même temps, aucune connivence avec la gauche. Est-ce que ce discours, cette stratégie, cette conviction, est-ce que nous en avons changé d'un iota depuis qu'avec P. Séguin, nous animons le Rassemblement pour la République ? Non.”
Q - N'empêche qu'il y a quand même eu cette affaire Rhône-Alpes, elle a existé et, franchement, elle donne de l'opposition l'image d'une alliance qui n'en est pas une. Alors, hier soir, on a entendu autre chose, quand même ?
- “D'abord je ne veux pas reprendre ce que vous avez dit, je ne me permettrais pas cela. Mais, un détail : P. Séguin n'a parlé d'“incident”, il a parlé d'“accident”. C'est un détail, mais qui est de taille. Pourquoi ? Parce qu'il ne s'agit pas pour nous de nier qu'il y a un désaccord sur ce point-là. Comment ne pourrait-il être ce désaccord ? Si d'ailleurs nous étions d'accord sur tout, nous habiterions tous dans la même famille politique. Il y a eu un désaccord, un désaccord que nous avons décidé de surmonter. Pourquoi on a décidé de le surmonter ?”
Q - Parce que J. Chirac l'exige ?
- “Parce que nous considérons que la meilleure stratégie possible, c'est que nous nous rassemblions, parce que de toute façon, tous les députés centristes ont besoin de nos électeurs, et tous nos députés ont besoin de leurs électeurs. Donc, c'est ensemble que nous pourrons gagner. Il faillait surmonter cela. Si vous voulez me faire dire que l'union, ce n'est pas toujours facile, ça demande de la compréhension.”
Q - C'est facile pour personne, on le voit bien, ni à droite ni à gauche.
- “Y compris, j'imagine, dans la rédaction de France Inter. Dès qu'il s'agit de faire vivre plusieurs personnes ensemble, il y a des personnalités, il y a des tempéraments, il y a des options qui ne sont pas toujours les mêmes. C'est la vie. Pour autant, il revenait de la responsabilité du Rassemblement pour la République – dont chacun voit bien le rôle qu'il joue dans l'opposition – de tendre la main et d'essayer de surmonter cette épreuve. Et on l'a fait d'autant mieux que notre intention c'est de profiter des élections européennes pour pouvoir surmonter l'accident rhône-alpin. Nous avons, là, avec cet objectif des européennes dans quelques mois à peine – au mois de juin – l'occasion de démontrer que l'union est solide.”
Q - La plate-forme à laquelle fait référence M. Séguin, il va falloir la mettre au point avec les différentes composantes de l'Alliance, notamment avec M. Bayrou avec qui quand même le bras de fer, ces derniers jours, a été difficile. Comment allez-vous faire ? Il y a un gros bout de chemin à parcourir des deux côtés.
- “Je ne le pense pas, pour une raison assez simple : nous avons proposé que, maintenant, on en vienne aux questions de fond, qu'on se rencontre rapidement et que nous posions les bases de ce qui sera notre programme européen. Pourquoi je suis assez confiant sur notre capacité à nous entendre sur le fond ? Pour une raison très simple : c'est que pour l'essentiel, la politique européenne que défendront les centristes, nos amis de Démocratie libérale d'A. Madelin et le RPR, ce n'est rien d'autre que la politique européenne du Président de la République que nous soutenons tous. En période de cohabitation, s'il est un domaine d'action du Président de la République où il garde toutes ses prérogatives, c'est bien celui de la politique étrangère et de la politique européenne, chacun en est convaincu. Il y a un point commun entre les trois formations consécutives de l'Alliance, c'est qu'elles soutiennent toutes la politique européenne du Président de la République. Donc, je ne vois pas comment on pourrait à la fois être d'accord avec la politique européenne du Président de la République et avoir du mal à se mettre d'accord sur une plate-forme commune pour les élections européennes.”
Q - Mais cela veut dire…
- “Peut-être est-ce trop simple ?”
Q - Non, non. Ce n'est pas si simple que cela.
- “Mais le raisonnement.”
Q - Oui, le raisonnement est simple en effet. Maintenant, la stratégie : celui qui sera la tête de liste – je ne dis pas de nom encore – mais celui qui sera la tête de liste devra donc, à vous écouter, pleinement adopter l'approche européenne de J. Chirac. C'est-à-à dire évidemment le oui à Maastricht, c'est le oui à Amsterdam, c'est l'Europe sociale, c'est l'Europe de la défense, c'est la question des réformes institutionnelles. P. Séguin est quand même perçu par beaucoup comme l'homme qui avait dit non à Maastricht. Tout le monde a le droit de changer d'idée, et pourquoi pas P. Séguin ? Mais bon, est-ce que cela pose une question particulière comme tête de liste ?
- “Rappelez-moi, parce que vous faites un rappel, mais allez jusqu'au bout du rappel, c'était quand Maastricht ? Quelle année ? Il y a combien de temps ?”
Q - Je fais valoir l'argument que vous fait valoir, tenez ! par exemple, F. Bayrou ?
- “Très bien. Eh bien moi j'en fais valoir un autre. J'ai voté oui à Maastricht, je crois à l'idée européenne, et si sincèrement je crois à l'idée européenne, c'est pour rassembler l'ensemble de nos compatriotes sur cette idée. Je vous rappelle qu'au moment de Maastricht, il y a près d'un Français sur deux qui avait refusé Maastricht. Si on considère que 50 % des Français n'ont pas le droit de parler de l'Europe ou d'être crédibles sur l'Europe, parce qu'ils avaient fait un choix différent du mien il y a sept ou huit ans, alors c'est qu'on n'a pas la même conception de l'ambition européenne. Vous comprenez, là aussi, le raisonnement ?”
Q - Oui, je comprends très bien ce que vous voulez dire. Mais comment allez-vous vous mettre d'accord au sein de l'Alliance sur une personnalité qui soit véritablement reconnue par tous comme incarnant le projet européen du Président de la République ? Est-ce que Séguin est le meilleur là-dessus ?
- “Pour l'instant, il y a une méthode. La méthode est assez simple : on se met d'accord sur le programme, sur la plate-forme. Je vous ai donné l'argument de la politique européenne du Président de la République. Mais j'aurais pu en donner d'autres. Chaque fois que nous avons été au gouvernement ces quinze dernières années, nous l'avons été ensemble, centristes, libéraux, gaullistes. Il y a eu des désaccords entre nous lorsque nous étions au gouvernement – j'ai été au gouvernement avec mes amis de l'opposition – jamais sur l'Europe. Alors qui comprendrait qu'il n'y ait pas de désaccord sur la politique européenne lorsqu'on est au gouvernement, et qu'il y en aurait lorsqu'on ne l'est pas ? Qui pourrait comprendre cela ?
Donc, nous avons décidé de nous mettre d'accord. Alors, après, sur la tête de liste, moi j'ai mon idée. Je considère justement, en fonction des éléments que vous avez indiqués, que celui qui est le mieux à même de rassembler, c'est P. Séguin. C'est mon avis. Il peut y en avoir d'autres. On le voit sur les premiers sondages qui sortent, si nous sommes unis, la liste de l'opposition sera la première, la liste socialiste sera derrière. Et ce sera pour nous et pour le pays une bonne nouvelle. A l'inverse, si nous allons séparés, est-ce que vous croyez vraiment que le message de l'opposition sera plus audible ? Eh bien, ce n'est pas mon avis.
Donc, vous le voyez, notre stratégie est très claire : nous ne minimisons pas les désaccords. Moi je suis de ceux qui pensent que la seule chance pour le FN – on ne sait pas encore d'ailleurs qui est propriétaire de l'idée FN : est-ce que c'est M. Mégret, est-ce que c'est M. Le Pen, peu importe, vous voyez bien ce que je veux dire par là – c'est justement que la gauche et la droite disent la même chose. Leur seule chance, c'est la confusion, c'est le mélange des genres, c'est toutes ces petites histoires de combine. Et tout le travail que nous faisons consiste à redonner de l'identité à cette droite française sans complexes et sans outrances. C'est cela le travail qu'on essaye de faire, et c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu, en quelque sorte, prendre le risque de conduire une politique avec une majorité de gauche en Rhône-Alpes. Donc, ce désaccord, nous ne le minimisons pas. Nous disons : il faut maintenant le surmonter, et passer à autre chose, essayer de construire plutôt que de détruire.”
Q - Combien de temps vous donnez-vous pour mettre au point la plate-forme ?
- “Honnêtement, on devrait se voir dans les jours qui viennent et puis, c'est un travail de quelques semaines à peine. Parce qu'après, comme dans tout processus électoral et dans toute démocratie, il y a le temps de la campagne.”
Q - Et le choix de la tête de liste, vous pensez le faire quand ?
- “Eh bien, ça viendra par la suite. Il y a un certain nombre de rendez-vous, un comité politique du RPR, le 20 janvier, une réunion des centristes le 7 février, un congrès pour Démocratie libérale. Donc, il va falloir que tout cela se mette en ordre. Mais l'enthousiasme que je vois, l'inquiétude que je vois manifester, je trouve que c'est plutôt la marque d'un intérêt que d'un désintérêt.”
Q - Vous aurez remarqué ?
- “Oui, oui.”
Q - Merci. Malheureusement, vous ne restez pas avec vous, me dit-on ?
- “Vous savez, la journée, justement pour préparer toutes ces réunions, ne va pas suffire.”
EUROPE 1 : vendredi 22 janvier 1999
Q - Il n'y a plus d'Alliance, c'est un fait, elle est en morceaux. Qui l'a cassée, le RPR ou l'UDF ?
- “Je ne suis pas de cet avis. L'Alliance existe toujours. L'Alliance est l'émanation d'une stratégie indispensable. Nos électeurs sont les mêmes. Nous devons, quels que soient les désaccords, trouver des voies et les moyens pour travailler ensemble et donner l'image de l'union.”
Q - C'est-à-dire que l'Alliance existe sans partenaires, sans alliés ? Les centristes vont probablement avoir leur liste pour les élections européennes. Est-ce que vous pensez que c'est eux qui divisent ou vous les avez forcés à la division ?
- “Je regretterais, si tel était le choix, ce qui n'est pas encore le cas. J'ai entendu et lu un certain nombre de déclarations, notamment des gens comme J. Barrot qui ont clairement dit que tout était possible. Et moi je veux dire à mon tour, à mes amis centristes, que la porte est ouverte, que la main est tendue, que la volonté d'union du RPR est complète. Je crois que la stratégie d'union, puisque nos électeurs sont les mêmes, est la meilleure pour les élections européennes.”
Q - C'est le révérend père Sarkozy ce matin : il tend la main. Mais si je peux me permettre, parce que F. Bayrou vous demande deux choses…
- “Dans votre esprit, c'est désagréable à l'égard de qui ? Aux prêtres qui nous écoutent ou de moi ?”
Q - F. Bayrou vous a demandé deux choses qui ne paraissent pas insurmontables : d'abord un programme pour l'Europe rédigé en commun, et une tête de liste choisie en commun. Vous avez répondu : c'est P. Séguin ou rien. Est-ce qu'aujourd'hui, la tête de liste, P. Séguin, peut se négocier ?
- “Puis-je dire un mot sur ce point ? D'abord, un programme, une plate-forme commune, je crois que c'est très facile qu'on se mette d'accord. Pour une raison simple : c'est qu'en période de cohabitation, le domaine de prédilection du Président de la République, c'est la politique européenne. Il suffit que la liste d'union de l'opposition soutienne la politique européenne du Président de la République, et on se met d'accord. Comme tout le monde soutient le Président de la République, il ne doit pas y avoir de problème. Le RPR s'est clairement engagé dans le combat européen, sans réticence et sans arrière-pensées, et nos amis centristes devraient se réjouir de voir que sont gagnés à la cause européenne des hommes et des femmes qui ont quand même le droit de parler, et qui ne l'étaient pas spontanément.”
Q - Mais qui incarne la vraie politique, le vrai visage de l'Europe ? Il y a beaucoup d'eurosceptiques, d'euroréalistes…
- “L'Europe est une idée trop forte pour en faire un objet de secte. J'ai voté oui à Maastricht. J'ai toujours été européen, et je le dis de la façon la plus ferme :je n'accepte pas qu'on prive de parole un Français sur deux dont c'était le droit après tout de considérer, au moment de Maastricht – il y a plus de sept ans – qu'il n'était pas d'accord avec la position qui est la mienne.”
Q - Sur le premier point posé par les centristes, il n'y a pas nécessité de créer un programme européen commun, puisque c'est le programme du Président de la République. Sur le deuxième point, est-ce que la tête de liste Séguin est négociable ?
- “Vous comprenez bien que P. Séguin, c'est le président du RPR. Le RPR – c'est ainsi, puisqu'il ne s'est pas divisé – est la première formation politique de l'opposition. Dire : tous les gaullistes sont acceptables, sauf celui qui est président de la formation politique gaulliste, c'est curieux si l'on veut vraiment faire l'union. J'ajoute – il ne faut pas être désagréable – mais je crois que compte tenu du contexte politique actuel, justement pour élargir le camp des Européens, P. Séguin est le mieux placé. Et enfin, s'il devait y avoir une liste uniquement construite avec nos amis centristes, défendant l'idée européenne sans concession, et que si par malheur, comme le montrent un certain nombre de sondages, cette liste arrivait derrière celle conduite par des adversaires de l'Europe, est-ce qu'on aurait fait progresser la cause de l'Europe ou est-ce qu'on l'aurait fait régresser ? Je reste convaincu que nous pouvons nous mettre d'accord, je dirais même que nous devons nous mettre d'accord.”
Q - Vous ne m'avez pas répondu : est-ce que cela se négocie encore, Séguin, la tête de la liste commune ?
- “Mais dire au Rassemblement pour la République que le président du RPR est suffisamment “respectable” pour être président de l'Alliance, mais pas pour parler de l'Europe, ce n'est pas quelque chose que nous pouvons accepter.”
Q - Mais qui avait choisi P. Séguin ?
- “Les candidats gaullistes sont choisis par le mouvement gaulliste. Il se trouve qu'en 1984, la tête de liste a été UDF, en 1989, elle a été UDF, en 1994, elle a été UDF. Que l'UDF – et nous l'avons regretté – s'est divisée entre libéraux d'un côté et centristes de l'autre, c'est venu le temps pour la famille gaulliste de créer une dynamique. Mais nous voulons créer une dynamique avec nos partenaires, avec ceux de Démocratie libérale et A. Madelin et avec F. Bayrou et les centristes. Il n'y a aucune raison que nous ne travaillions pas ensemble.”
Q - Vous estimez que la campagne européenne de Démocratie libérale et le RPR a commencé ?
- “Oui. Nous voulons créer cette dynamique, RPR et Démocratie libérale, parce que nous considérons que notre premier travail, c'est d'expliquer les enjeux européens, c'est d'expliquer la contradiction entre la politique socialiste française et l'Europe et proposer une alternative aux socialistes.”
Q - Pourquoi ne pas avoir attendu le 7 février ? Il paraît que c'est à ce moment-là que F. Bayrou aurait dit s'il voulait une liste autonome ou une liste d'union. Pourquoi lui avoir mis le couteau sous la gorge ?
- “Non, ce n'est pas une question du tout de couteau sous la gorge. Il n'est pas anormal que le RPR soit entré en campagne. Cette situation d'immobilisme faisait la joie d'un certain nombre d'observateurs qui ne nous aiment pas forcément. Il faillait mettre un terme à ce climat de division et rentrer en campagne. C'est ce que nous avons fait. Mais encore une fois, la main est tendue, la porte est ouverte.”
Q - Mais à vos conditions.
- “Non, il n'y a pas de conditions. La seule condition me paraît assez simple, et on va en sortir. Et ne vous donnez pas trop de mal pour comprendre, vous êtes habitué à comprendre ces choses-là ! Les centristes choisissent leurs candidats, les libéraux choisissent les leurs et les gaullistes les leurs. Cela me paraît assez simple, et cela me paraît assez respectueux de l'identité de chaque famille politique.”
Q - Vous venez de déclarer…
- “Si c'est vrai !”
Q - … Je préfère être hégémonique qu'être mort et sympathique. Est-ce que cela veut dire que pour le RPR, le choix c'est être mort ou dominateur ? C'est tout ou rien : mort ou dominateur ?
- “Non. Il faut mettre un peu d'humour dans la vie politique. Je suis secrétaire général depuis un an. J'ai commencé les six premiers mois en recevant moult condoléances sur l'explosion et l'implosion et la disparition de la famille gaulliste, et les six mois suivants, sur l'hégémonie de la famille gaulliste. Eh bien, écoutez, c'était une façon de dire : après tout, entre deux maux, je préfère choisir celui qui est moins définitif.”
Q - Si les centristes font une liste d'union, vous serez content ; s'ils ne le font pas une liste d'union, s'ils font leur liste – et on va vers leur liste – est-ce que vous tendrez la main aussi à C. Pasqua pour qu'il ne fasse pas de liste et qu'il vous rejoigne ?
- “Je dis, de la même façon, que tous ceux qui divisent prendront une responsabilité devant nos électeurs et qu'ils commettent une erreur. Nous avons le devoir de soutenir la politique européenne du Président de la République et de nous mettre ensemble. Si nous sommes ensemble, nous serons la première force politique du pays au mois de juin prochain, et cela aura une signification politique forte. Alors que les uns et les autres fassent un effort, mettent un peu d'eau dans leur vin, et permettent de faire campagne ensemble. Après tout, nous avons tous gouverné ensemble, nous avons tous été dans les mêmes gouvernements, et je n'ai pas observé, quand nous étions au pouvoir, qu'il y avait des désaccords sur l'Europe entre nous. Alors, quand il s'agit de faire, on était capable de se mettre d'accord, et quand il s'agit de parler, on ne serait pas capable de se mettre d'accord ! Qui le comprendrait ?”
Q - Au fond, l'arrière-pensée des centristes, selon vous, ce n'est pas d'avoir un candidat UDF au premier tour des présidentielles en 2000 ou 2002 ?
- “Je n'en sais rien. Et après tout, les arrière-pensées n'ont pas d'importance.”
Q - La vérité entre nous ?
- “La vérité je vais vous la donner : je ne suis pas venu, ce matin, pour créer des divisions. Est-ce que cette réponse vous convient ? C'est la plus franche que je viens de vous donner.”
Q - Et quand les dirigeants de feu l'Alliance, réunis autour de la table du Président de la République pour se réconcilier se disputent, est-ce qu'ils n'affaiblissent pas la stratégie présidentielle du Président de la République ?
- “D'abord si les dirigeants de l'Alliance se réunissent, c'est que ce n'est pas feu l'Alliance, c'est toujours l'Alliance. Parce que si c'était feu l'Alliance, vous ne diriez pas “les dirigeants de l'Alliance”. Deuxième remarque, je considère qu'il ne serait pas très courtois, et pour tout dire pas très correct, de raconter ce qui s'est passé à la table du Président de la République.”
Q - Il suffit de lire les journaux, on le sait.
- “Ecoutez, les journaux, ils sont informés certainement parce que quelqu'un a bavardé. Mais il n'y a dû avoir qu'une seule personne qui a bavardé, parce que ça n'a pas permis de rééquilibrer l'image qui était donné de ce déjeuner.”
Q - Ce qui a été dit des accrochages Séguin-Bayrou était faux ?
- “Ecoutez, c'est très simple : nous travaillons ensemble, F. Bayrou, A. Madelin, P. Séguin et moi depuis bien longtemps. Que nous ayons eu des désaccords, c'est public. Que nous n'ayons pas eu la même stratégie sur Rhône-Alpes, c'est une évidence. Pour autant, que nous en soyons à ne pas nous parler, c'est faux, et d'ailleurs, ce serait parfaitement ridicule compte tenu des liens qui nous unissent.”
Q - On garde les dernières minutes pour parler de L. Jospin ? La politique énergétique : le Gouvernement confirme son choix du nucléaire. Vous lui mettez un bon point ?
- “Je ne comprends pas : il confirme son choix du nucléaire après avoir créé les conditions d'une crise grave. L'indépendance énergétique de la France, c'est le nucléaire. Alors pour faire plaisir à Mme Voynet et aux sept députés Verts, on va mettre par terre le travail de milliers d'ingénieurs depuis 20 ou 30 ans dans notre pays ? C'est irresponsable.”
Q - La négociation sur PSA, entreprise privée sur les 35 heures, devrait aboutir dans les heures qui viennent. Est-ce que vous donnez un bon point à L. Jospin et à M. Aubry ?
- “C'est le comble de l'extraordinaire, il faut améliorer les statistiques, faire plaisir à Mme Aubry, donc Mesdames et Messieurs qui nous écoutez, on va mobiliser vos impôts pour donner de l'argent à PSA qui va permettre de diminuer les salaires et perdre des emplois. Les 35 heures aujourd'hui, chacun le voit bien, ce n'est pas simplement un archaïsme, c'est une faute économique.”
Q - Aucun bon point. Alors troisième point, le problème de l'insécurité. A propos des jeunes délinquants multirécidivistes, est-ce que vous êtes favorable, avec J.-P. Chevènement, ou non, à l'éloignement de ces délinquants, à des centres de retenue, à la suspension des allocations familiales ?
- “Je me demande ce que fait J.-P. Chevènement fait au Gouvernement : tous les ministres, collègues de J.-P. Chevènement, sont en désaccord avec lui et le Premier ministre ne cesse d'arbitrer contre lui. Je suis favorable à l'éloignement, je suis favorable à la tolérance zéro pour la délinquance, je suis favorable à la suppression des allocations familiales lorsqu'un certain nombre de familles ont renoncé à prendre la responsabilité de mineurs multirécidivistes. Je suis favorable à des peines plus sévères pour les multirécidivistes. Et comme beaucoup de Français, j'en ai assez d'entendre à la radio – comme chez vous, ce matin – que finalement, on n'avait rien trouvé de mieux que voir trois jeunes venir tirer sur un proviseur parce qu'il avait eu la mauvaise idée de faire passer en conseil de discipline l'un de ses élèves qui avait tabassé un de ses camarades dans la cour. Maintenant il temps de dire : “Ça suffit !” 129 cités, en France, où la police ne peut même pas rentrer, c'est une question de volonté politique. Il faut arrêter de parler et il faut agir, et agir avec une très grande fermeté.”
Q - Le Premier ministre décide le 27, après un conseil sur la sécurité.
- “Eh bien si le Premier ministre décide le 27, j'en serai ravi. Je veux simplement rappeler qu'il est aux responsabilités du Gouvernement depuis 21 mois, vous m'annoncez ce matin qu'après 21 mois de réflexion va venir le temps de l'action, j'en accepte l'augure.”