Texte intégral
Q - Le Front national est au bord de l'implosion. Quelles conséquences cela aura-t-il sur le paysage politique français ?
Cette crise au sein du FN n'est pas malvenue. Quand un adversaire est fragilisé, on ne peut que s'en féliciter. Il est évident que l'opposition doit suivre attentivement ce qui se passe. Mais je l'appelle à une très grande prudence. Cette situation comporte deux risques graves pour la droite. Tout d'abord, ne tombons pas dans un clivage entre « bons et mauvais » du FN qui banaliserait ce parti en donnant l'illusion d'un débat interne. D'autre part, il ne faudrait pas que l'opposition se lance dans une course à droite. Nous ne gagnerons pas en reconquérant les espaces libérés par le FN. Au contraire, nous ne reviendrons majoritaires qu'en construisant un projet qui répondra au centre des préoccupations des Français, un projet conciliant l'exigence de l'efficacité libérale et celle de la solidarité humaniste. La course à l'extrême ne sera pas gagnante.
La période actuelle est propice à une grande clarification nationale. Toutes les forces politiques doivent réfléchir à ce qu'a dit le Président de la République à Rennes, à savoir que toute réforme du scrutin pour les régionales doit exclure les arrière-pensées. Lionel Jospin doit saisir l'occasion et envoyer un signal fort pour rompre avec la stratégie mitterrandienne d'instrumentalisation du FN. Il pourrait afficher sa sincérité en retirant, par exemple, la loi électorale régionale qu'il a proposée dans la précipitation. Au minimum, il devrait accepter la proposition de Giscard qui impose aux partis politiques le score de 10 % pour être présents au deuxième tour de l'élection. François Hollande, le premier secrétaire du PS, devrait, quant à lui, exiger des élus socialistes de ne plus se livrer à aucun vote complice avec le Front national, comme cela s'est passé récemment dans sept régions françaises. En Bretagne, le budget supplémentaire a été repoussé par un vote PS-FN, en Franche-Comté, le programme « 2 000 emplois » a été rejeté par un vote PS-FN, des votes semblables ont eu lieu en Champagne-Ardenne, en Haute-Normandie et en Poitou-Charentes.
Q - Avant de donner des leçons aux socialistes, ne serait-il pas judicieux de faire le ménage dans votre propre parti ? Jacques Blanc, président de la région Languedoc-Roussillon élus avec les voix du FN, fait parti du groupe DL à l'Assemblée nationale…
Chaque camp doit, en effet, faire preuve de rigueur. Je compte sur le développement de l'Alliance pour la France pour que tous les élus et candidats de nos familles signent la charte républicaine dont l'idée a été avancée par Jacques Chirac. Seul un engagement par écrit avant l'élection nous mettra à l'abri des complicités coupables.
Q - Ne pensez-vous pas que ce qui se passe en ce moment au FN donne tort à Alain Madelin qui s'est refusé à condamner clairement les présidents de région alliés au FN ?
Alain Madelin avait dit à Charles Millon que son aventure n'était pas viable. Je souhaite qu'à DL comme au PS des instructions soient données pour qu'aucun vote décisif ne soit partagé avec le FN. Dans le cas de Jacques Blanc, j'avais fait, à l'époque, part de mon désaccord. Mon analyse reste juste.
Q - Que pensez-vous de la proposition de François Hollande qui demande à l'opposition d'aider la gauche à renverser les présidents de région élus avec les suffrages frontistes ?
Le front républicain est inacceptable car il favorise le développement de l'extrême droite. Il est porteur de confusion alors que les électeurs demandent la clarté. Ne revenons pas aux délices de la IVe République qui soumettait la démocratie aux apparentements. Je réponds donc aux socialistes : démontrez votre sincérité et rédigeons ensemble une charte républicaine qui s'imposera à tous les élus signataires. Il faudrait aussi que les uns et les autres acceptent des règles de comportement communes dans les régions, à savoir le respect des majorités relatives.