Article de M. Louis Viannet, secrétaire général de la CGT, dans "Le Peuple" le 28 octobre 1998 intitulé "Le peuple algérien au coeur de la CGT", sur la campagne de solidarité de la CGT au peuple algérien dans la lutte contre le terrorisme, pour la coopération économique et la démocratisation de la vie politique.

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Média : Le Peuple

Texte intégral

Permettez-moi tout d’abord de commencer cette intervention en remerciant les organisations de la CGT qui ont créé les conditions de réussite de ce nouveau témoignage de solidarité que nous voulons porter au peuple algérien.
C’est en effet à l’initiative de la fédération de la construction qu’a pu se structurer cette campagne de solidarité, rejointe et renforcée par d’autres fédérations, par l’union régionale de l’Ile-de-France, avec le soutien de l’engagement de la confédération.
Je voudrais également remercier les peintres, les écrivains, les poètes, les dessinateurs, les chanteurs qui ont permis la réalisation de l’exposition et contribuer ainsi au succès de cette initiative.
Notre première pensée va au peuple algérien, à ces hommes, ces femmes, ces enfants, qui vivent dans l’angoisse quotidienne d’un attentat possible, d’une expédition criminelle toujours redoutée parce que toujours redoutée parce toujours meurtrière.
Les informations en provenance d’Algérie témoignent de la persistance des crimes souvent aveugles, frappant sans vergogne hommes, femmes, vieillards, enfants, syndicalistes, intellectuels, démocrates, laïques, quelquefois plus ciblés comme l’a montré l’assassinat de Lounès Matoub, chanteur berbère, combattant courageux de la liberté, de la démocratie, du droit à la culture plurielle.

* Forts les liens qui nous unissent

Comment ne pas ressentir un haut le cœur devant cette horreur fascisante témoignant d’un véritable génocide des valeurs humaines sans lesquelles aucun peuple ne peut bâtir un avenir acceptable.
Notre pensée va vers ces femmes algériennes qui ont su trouver le ressort de courage et de dignité pour relever le défi lancé au peuple algérien, et qui continuent, malgré les difficultés, les incompréhensions, les crimes, à crier leur confiance et leur volonté de voir l’Algérie retrouver la voie d’une démocratie dans laquelle elles pourront avoir leur place, toute leur place.
Notre pensée va plus précisément vers les travailleurs et travailleuses d’Algérie qui souffrent, à la fois, des méfaits du terrorisme barbare, mais qui doivent aujourd’hui affronter les dures conséquences d’une situation économique dont ils sont les premières et les principales victimes.
Car les exigences drastiques imposées par le FMI, en échange d’un léger assouplissement du paiement de la dette – paiement que les autorités algériennes ont à ce jour toujours respecté – ont des conséquences lourdes.
Le chômage connaît une extension dramatique lié à la réduction des dépenses publiques, au développement des privatisations, des menaces qui pèsent sur les entreprises, d’une inflation qui frappe essentiellement les plus pauvres, la majorité des salariés a une part importante des couches moyennes.
Restructuration, privatisations et leurs cortèges de licenciements, contribuent à un appauvrissement généralisé de la population, à un développement préoccupant de la misère qui ne peut que rajouter à l’angoisse de ce peuple martyrisé.
Nous avons toujours considéré et affirmé que la lutte contre le terrorisme intellectuel et le terrorisme du sang ne pouvaient se résumer à la répression et l’intervention de l’armée.
Cet élément est certes indispensable, mais les voies de l’avenir passent aussi par une politique économique et sociale qui prend en compte les aspirations du monde du travail.
C’est la condition première pour donner une assise sociale au besoin de démocratie et de liberté qui anime le peuple algérien, c’est la condition pour éliminer les points d’appui que conservent les forces obscurantistes et meurtrières qui continuent d’ensanglanter l’Algérie.
Solidaires de travailleurs et des travailleuses d’Algérie qui luttent pour défendre leurs intérêts, nous le sommes et le resterons tant sont forts les liens qui nous unissent à ce peuple.
Et, si nous réaffirmons avec insistance notre appel envers le gouvernement français, pour qu’il contribue au développement des échanges économiques et commerciaux avec l’Algérie, nous ne pouvons pas rester silencieux devant certains comportements du gouvernement algérien qui nous paraissent préoccupants.
Sans minimiser en quoi que ce soit, dans ce qui concerne avant tout le peuple algérien lui-même et l’avenir de l’Algérie, force est de constater que certaines décisions récentes ne peuvent qu’affaiblir l’impact de nos sollicitations en direction du gouvernement français.
Car, à l’évidence, pour coopérer, il y faut la volonté commune.
Or, de ce point de vue, le refus de laisser venir en France, des enfants qui devaient y prendre des vacances, dans un climat de sérénité meilleur qu’en Algérie, où certains choix récents en matière de contrats commerciaux ou industriels laissent penser que la volonté de coopération du gouvernement algérien avec la France, n’est plus ainsi affirmé qu’auparavant.
Si une telle hypothèse devait se vérifier, cela ne pourrait être que préjudiciable au peuple algérien lui-même et au développement de relations dans lesquelles nous sommes plus que jamais disposés à peser, pour qu’elles intègrent la dimension de solidarité si nécessaire aujourd’hui.

* Contre l’intégrisme et l’obscurantisme.

Enfin, notre pensée fraternelle va également vers nos ainés, nos frères de l’Ugta qui, en dépit de la situation difficile en complexe que traverse l’Algérie, maintiennent contre vents et marées le caractère syndical et autonome dans la défense des intérêts des travailleurs algériens.
Nous sommes trop au fait de la place et du rôle joué par l’Ugta, depuis les efforts engagés par Abdelak Benhamouda – dont je salue la mémoire - pour resyndicaliser l’Ugta et la dégager des pressions politiques qui entravaient son action, pour comprendre à quel point la période se prête à la résurgence de velléités tendant à soumettre à l’Ugta à des enjeux qui, fort éloignés des préoccupations syndicales, peuvent générer des démarches partisanes préjudiciables à la vie de l’organisation.
Pour toutes ces raisons, nous voulons avec force, dire à nos camarades de l’Ugta, à son secrétaire général Sidi Said, à quel point nous sommes près d’eux, avec eux, dans un élan de solidarité de lutte contre l’intégrisme, l’obscurantisme et dans une démarche de soutien sans réserve à leur combat pour la défense des intérêts des travailleurs.
Les cris de douleur et de détresse qui nous viennent de l’Algérie sont trop forts, trop profonds pour ne pas susciter une réaction de solidarité large et puissante pour que la résonance vibre au-delà des forces syndicales, au-delà de nos frontières.
Mais, déjà en France, il est essentiel que les nombreux travailleurs algériens sachent qu’ils peuvent compter sur la solidarité de la CGT. Sachons donner à notre action solidaire, le rayonnement et la ténacité nécessaires pour qu’enfin le peuple algérien puisse construire, dans la sécurité, les structures de démocratie politique et sociale dont il a un urgent et impérieux besoin.
 

NOTES :
Initiative à l’appel de la CGT, de l’Urif, des fédérations CGT Construction, Energie, Bois, Métallurgie, PTT, Santé, Cheminots, Verre et céramique, Transports, Travailleurs de l’Etat, Tabacs et allumettes.