Texte intégral
Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, Mesdames et Messieurs les conseillers,
Comme cela vient d'être rappelé, le Gouvernement a souhaité mettre à profit le temps du débat parlementaire sur le projet de loi portant réforme du service national pour demander à votre conseil de conduire une réflexion sur la mise en œuvre du volontariat.
Avant de répondre à certaines des questions qui ont été soulevées et de préciser la position du gouvernement, je souhaiterais remercier la section sociale de votre assemblée, et singulièrement Jean Michel, son rapporteur, pour la qualité de ses travaux et l'intérêt du rapport qui en constitue la synthèse, même si je n'en partage pas toutes les analyses, comme j'aurai l'occasion de vous l'expliquer.
Les différences d'approche, les nombreuses suggestions qui y sont formulées tiennent sans doute à la variété des expériences de chacun. Il importait au gouvernement d'en tirer profit sur un projet de cette nature.
Je souhaiterais revenir en premier lieu sur la nature du volontariat du nouveau service national, puis répondre aux questions soulevées par votre rapporteur.
Le volontariat constitue sans aucun doute l'aspect le plus original du projet de réforme du service national présenté par le Gouvernement. Son originalité tient à deux de ses caractéristiques : il s'appuie sur des convictions ; il se distingue par sa nouveauté.
1. Le volontariat est le fruit de deux convictions : conviction quant à la générosité dont sont capables les jeunes Français ; conviction quant au rôle que sont prêts à jouer les organismes d'accueil.
Sur le premier point, les études d'opinion que le Gouvernement a rendues publiques il y a quelques mois, comme le sondage que vous évoquez dans votre rapport, soulignent l'adhésion des jeunes à l'idée du volontariat. Ce constat fait peser sur nous une responsabilité d'autant plus lourde : celle de ne pas les décevoir et de savoir répondre à leur attente en les aidant à mettre leur disponibilité, leur générosité et leur enthousiasme au service de l'intérêt général, celui de notre communauté nationale.
La deuxième conviction sur laquelle se fonde le volontariat, c'est celle de l'intérêt qu'y porteront les organismes d'accueil. Leur engagement est indispensable au succès du volontariat. Je voudrais, à cet égard, faire deux observations.
Ma première observation a trait au volontariat dans les armées, dont votre rapport dénonce l'inutilité. Je suis certain que le volontariat militaire présente au contraire un réel intérêt pour les armées, et ce à plusieurs titres.
Le volontariat permettra d'abord d'entretenir de manière concrète le lien armée-nation, auquel votre assemblée avait manifesté son attachement avec raison lors de ses précédents travaux.
Il permettra ensuite de faire profiter les jeunes Français volontaires d'une expérience de vie collective, dans un cadre organisé et souvent rigoureux, consacré à la défense de notre pays ; je ne vois pas, à cet égard, pourquoi les vertus du service militaire seraient moindres pour les volontaires de demain que pour les appelés d'aujourd'hui.
Il offrira enfin aux volontaires comme aux armées ou à la gendarmerie, la possibilité de prolonger cette première approche de l'état militaire par un engagement professionnel.
Au total, les armées sont convaincues de l'intérêt du volontariat et ont beaucoup travaillé à la définition des activités des jeunes qu'elles accueilleront dans ce cadre. Elles sont d'ailleurs prêtes à le faire dès la fin de l'année.
Ma deuxième observation concerne les autres organismes d'accueil. Les nombreux contacts qui ont été établis ces derniers mois avec les administrations civiles de l'État et les associations sont encourageants même si, vous avez eu raison de le souligner, leur engagement passe par un « changement de regard » - pour reprendre l'expression contenue dans votre rapport. En effet, habitués à accueillir des jeunes appelés d'un service national fondé sur l'obligation, ces organismes vont devoir demain, s'ils souhaitent s'ouvrir aux volontaires, se montrer attractifs et leur proposer des activités enthousiasmantes.
Mais l'ambition du projet du Gouvernement va plus loin. Il s'agit de responsabiliser les organismes d'accueil. Ceux-ci ne seront plus des organismes supplétifs de l'État comme c'est le cas avec les formes civiles du service national actuel. Ils auront un rôle à jouer à part entière, en matière de service national.
Autant le dire clairement, l'idée selon laquelle le caractère « national » du futur service volontaire ne pourrait être affirmé que par l'omniprésence de l'État ou l'octroi d'un statut de droit public aux volontaires est étrangère au projet du gouvernement. C'est parce que les forces vives de la nation s'approprieront ce projet qu'il sera « national » et qu'il vivra, non parce que l'État interviendra quotidiennement, pesamment, dans sa mise en œuvre.
Inspiré par les deux convictions que je viens d'évoquer, le volontariat est aussi marqué par sa nouveauté. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a saisi votre assemblée, l'associant ainsi à l'expérimentation du volontariat avant même qu'elle ne soit engagée.
En effet, c'est une démarche pragmatique qu'a choisi de suivre le Gouvernement, et ce choix explique que le projet de loi s'en tienne aux grands principes. Au demeurant, je ne vois pas quel aurait été l'intérêt de saisir votre conseil si le projet avait été « ficelé ».
Il s'agit donc de mettre le volontariat en œuvre de manière progressive tout au long des prochains mois et des prochaines années.
Il s'agit aussi d'adapter ce volontariat au fil du temps, pour rester fidèle à ses principes, en tenant compte de l'évolution du contexte économique et social. En cela, le volontariat ne peut et ne pourra pas être une institution figée.
Venons-en maintenant, si vous le voulez bien, aux questions soulevées par votre rapporteur et qui portent sur la définition juridique du volontariat, sur le statut du volontaire et sur les conditions de mise en œuvre du volontariat.
1. Le dispositif législatif contenu dans le projet du gouvernement devra, bien entendu, être complété. Il le sera de plusieurs manières :
- il le sera par des modifications de niveau législatif d'abord ; je ne citerai qu'un exemple, celui des volontaires dans les armées et la gendarmerie. Si le Parlement adopte le projet de loi, il conviendra d'élargir le champ d'application du statut général des militaires, afin d'y inclure ces volontaires ;
- il sera également complété par des textes réglementaires : un décret général applicable à l'ensemble des volontariats et des décrets particuliers propres à chaque domaine de volontariat. C'est dans ces textes que sera notamment fixée la durée des volontariats, en fonction des activités proposées aux volontaires.
2. Le débat parlementaire a permis d'aborder certains des aspects les plus significatifs du statut social et fiscal du volontaire. Le Gouvernement apportera des réponses lors du débat du Sénat mais je peux d'ores et déjà vous indiquer les orientations qu'il a retenues et qui répondent à certaines des préoccupations du conseil :
- l'égalité de traitement en matière de prise en compte du volontariat pour le calcul des droits à retraite doit, en effet, être assurée. Le Gouvernement envisage de modifier le texte du projet de loi sur ce point ;
- de la même manière, le Gouvernement n'est pas opposé au principe d'un régime fiscal dérogatoire de l'indemnité versée aux volontaires ;
- quant à l'aide aux associations qui souhaiteraient accueillir des volontaires, le texte de loi tel qu'il a été voté en première lecture à l'Assemblée nationale prévoit la prise en compte de la protection sociale par l'État. Le Gouvernement aura l'occasion de préciser les modalités de cette disposition la semaine prochaine, devant le Sénat.
D'autres questions soulevées par le conseil feront l'objet d'un examen attentif de la part du gouvernement : je pense par exemple à la coordination interministérielle ou au dispositif de mutualisation des charges financières liées à l'accueil des volontaires dans les associations.
3. Votre rapporteur a fait part des préoccupations du conseil quant aux modalités de mise en œuvre du volontariat. Je voudrais en évoquer deux d'entre elles qui revêtent une particulière importance : le fractionnement du volontariat et le volontariat de la coopération en entreprise.
Le fractionnement du volontariat est conçu, dans le projet du gouvernement, comme une faculté laissée aux organismes d'accueil et encadrée par les règlements auxquels je faisais allusion à l'instant. Il n'est pas prévu que ce fractionnement fasse l'objet d'une négociation individuelle entre l'organisme d'accueil et le volontaire.
Le Gouvernement reste convaincu de l'importance de cette disposition, pour plusieurs raisons :
- elle répond aux souhaits de certains organismes d'accueil eux-mêmes, et je pense en particulier aux armées qui voient dans cette faculté la possibilité d'établir un lien avec les jeunes, dont les périodes successives pourront être validées dans leur cursus universitaire ;
- elle correspond à des réalités sociales inéluctables, et je pense à l'effort particulier de solidarité que nécessite, chaque année en période hivernale, l'aide aux « sans abri ».
Vous le voyez, le fractionnement n'a rien à voir avec une forme « dévoyée » du volontariat. Il traduit simplement le souci d'ancrer ce projet dans les réalités quotidiennes.
Quant aux craintes qui ont été exprimées sur les conditions d'accomplissement du volontariat de coopération en entreprise, je crois utile de préciser l'esprit de ce volontariat :
- il s'agit de faire évoluer le service actuel du CSNE en l'ouvrant en priorité aux PME et en ne limitant pas son accès aux jeunes « bac + 5 » ;
- il s'agit également d'être cohérent, par ailleurs avec la volonté du gouvernement d'encourager les jeunes Français à s'expatrier, à découvrir la vie à l'étranger et l'intérêt de participer à son rayonnement, y compris sur le plan économique.
Les procédures d'agrément et de contrôle seront là pour garantir le respect de ces orientations.
Conclusion
Mesdames et Messieurs les conseillers, lors des entretiens que nous avons eu ces derniers mois, que ce soit lors du débat du printemps ou à l'occasion de la saisine du conseil qui nous réunit aujourd'hui, vous aviez souligné les enjeux de cette réforme.
J'avais retenu en particulier l'accord de beaucoup d'entre vous sur l'ambition d'un projet qui cherche à défricher les voies de la générosité, à développer chez nos jeunes concitoyens le sens des autres, à renforcer la vie associative dont M. Bastide, orfèvre en la matière rappelait qu'elle constituait l'un des ciments de notre communauté nationale.
Vous aviez également marqué votre attachement au lien entre l'armée et la nation, à l'importance du maintien d'un contact privilégié entre la jeunesse et l'armée.
Le projet du gouvernement répond à la plupart de ces aspirations.
Vos travaux ont permis de recenser des difficultés que le Gouvernement a la volonté de résoudre. Je pense qu'ils ont aussi permis à votre assemblée de prendre toute la mesure de cette réforme, de mieux saisir en quoi elle constitue un projet de société.
On ne peut aborder un projet de cette nature, neuf à bien des égards, avec les références de modèles anciens. On ne peut non plus le condamner à un examen strictement technique, même si - j'en conviens - la définition des données techniques est indispensable à sa mise en œuvre.
En un mot, je crois que l'on ne peut entrer dans cette réforme à reculons, mais qu'il faut au contraire beaucoup d'audace et d'enthousiasme pour la mener à bien.
Votre conseil y apporte aujourd'hui sa contribution. Je vous en remercie.
Je vous remercie.